par Olivier Gohin*
On enseigne aux étudiants – peut-être encore aux élèves – que lorsqu’un sujet est posé sous la forme d’une question, c’est en conclusion que l’on répond à la question posée. Mais quand ce sujet a été proposé par le président du Club de l’horloge, il y a quelques semaines, on a eu la prudence de lui dire, sans attendre, que la réponse à ce sujet : « la souveraineté de la Nation est-elle dépassée ? » serait non. Et l’on a la faiblesse de penser que c’est précisément parce qu’il s’attendait à une réponse négative, que M. Henry de Lesquen m’a posé cette question, je dirais plutôt, qu’il m’a confié cette question.
Car, c’est à la vérité une question de confiance : de confiance en l’Etat qui se définit par la souveraineté ; de confiance en la Nation qui est le titulaire de cette souveraineté ; de confiance dans le peuple français qui exerce la souveraineté nationale ; de confiance, en définitive, en la République, conçue comme la forme définitive de l’Etat-nation en France, aucune différence n’étant désormais à faire entre les termes de France, d’Etat, de Nation, de peuple ou de République, comme cela résulte de l’article 1er et du titre Ier de la Constitution de 1958 : « La France est une République » dit l’article 1er tandis que l’article 3 mentionne, dans son al. 1er, « La souveraineté nationale » qui « appartient au peuple » et, dans son alinéa 3, les « nationaux français ». D’où il résulte – soit dit, en passant – que le peuple auquel la souveraineté nationale appartient est bien le peuple français, ce que la Constitution de 1958, vite rédigée, ne dit pas expressément, contrairement à la Constitution de 1946. Comme quoi…
Cette liaison entre souveraineté et Nation est ancienne. Elle remonte à la Déclaration de 1789 qui était déjà de droit constitutionnel français et qui l’est redevenue, deux siècles plus tard, en 1973 : l’article 3 de la Déclaration proclame, en effet, que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation », substituée à la personne du Roi. Dès lors, à travers sa Constitution en tant qu’elle est le statut de l’Etat, la France continue à s’affirmer comme un Etat souverain, mais aussi comme un Etat-nation.
I. La France comme Etat souverain
Que la France s’affirme comme un Etat ne saurait surprendre. On dira du Président de la République qu’il est le chef de l’Etat encore que l’expression ne soit pas constitutionnelle. On sait aussi que le Gouvernement disposé d’un Conseil d’Etat. On sait encore que la France est un Etat membre de nombreuses organisations internationales, à commencer par les Nations Unies où elle occupe encore un siège de membre permanent du Conseil de sécurité.
Pourtant, le droit public est peu attentif, à présent, au fait qu’une telle affirmation suppose la souveraineté en tant qu’élément de définition de l’Etat. Or, c’est cette souveraineté française que la construction communautaire tente de dépasser.
A. La souveraineté, élément de définition de l’Etat
Quand on aborde la question de la souveraineté, il y a un auteur incontournable, le professeur Carré de Malberg. Dans sa Contribution à la théorie générale de l’Etat de 1920, il nous dit que la souveraineté a trois significations différentes :
1° la puissance d’Etat, d’abord, qui correspond au « caractère suprême d’une puissance pleinement indépendante » : il s’agit de la souveraineté-indépendance et on la dénommera compétence des compétences ou souveraineté de compétences.
Au titre de cette première approche qui est formelle, on définit donc la souveraineté comme la puissance suprême, au sens d’une puissance inconditionnée, sans contrôle ni partage : un Etat est souverain dès lors qu’il est juridiquement indépendant. En conséquence, en France, la souveraineté nationale est, dans les termes de la Constitution de 1791, « une, indivisible, inaliénable et imprescriptible » (en ce sens, la Const. du 3 sept. 1791, Titre III, art. 1er). Carré de Malberg exprimait parfaitement cette conception française d’une souveraineté indivisible en ces termes catégoriques : « La souveraineté est entière ou elle cesse de se concevoir ».
La souveraineté se présente donc, à titre principal, comme une notion absolue, insusceptible de limitation ou de transfert, et distincte, par conséquent, de la compétence qui est, pour sa part, une notion relative, susceptible, au contraire, de variations dans l’espace ou dans le temps. C’est en ce sens que la souveraineté-puissance est comprise, de façon originaire, comme la compétence de la compétence, au titre de la souveraineté de l’État. On parlera ci-après de souveraineté de compétences pour souligner la capacité où l’Etat se trouve de déterminer sa propre compétence et donc de déterminer la compétence des autres institutions publiques qu’il crée dans l’Etat (souveraineté interne de compétences) ou en dehors de l’Etat (souveraineté externe de compétences) :
- à raison de la souveraineté interne de compétences, il appartient à l’Etat – et à lui seul – de déterminer, par sa Constitution, les compétences de chacun des organes constitués au sein de l’Etat, mais aussi des collectivités territoriales et des autres personnes de droit public, autonomes par rapport à l’Etat, sauf à renvoyer cette détermination des compétences à la législation organique ou ordinaire qui sont l’exercice de la souveraineté nationale, plus précisément de la souveraineté interne de l’Etat ;
- à raison de la souveraineté externe, il appartient à l’Etat – et à lui seul - de définir, par une norme conventionnelle à laquelle il souscrit librement, les compétences qui sont attribuées, par lui, à telle ou telle organisation internationale qu’il contribue a créer et qu’il rejoint après sa création.
2° le pouvoir d’Etat, ensuite, qui correspond à « l’ensemble des pouvoirs compris dans la puissance de l’Etat » : il s’agit de la souveraineté-pouvoir et on parlera des compétences de souveraineté. Depuis Bodin au XVIe siècle, la théorie de l’Etat affirme, en effet, qu’il existe des « marques de souveraineté » désignant les droits de puissance publique dont l’Etat – et lui seul - a la maîtrise pour affirmer son pouvoir. Il y a donc une seconde approche qui est matérielle de la souveraineté. Il est des compétences que l’Etat doit conserver à lui-même parce qu’elles lui sont essentielles, au titre d’un minimum incompressible. Cela correspond, précisément, à ce que l’on dénomme, de façon courante, les missions ou les prérogatives ou encore les compétences de « puissance publique » ou « régaliennes » ou encore de « souveraineté ».
3° l’autorité la plus élevée de l’Etat, enfin, qui correspond à « la position qu’occupe dans l’Etat le titulaire de la puissance » : il s’agit du souverain-autorité et on parlera du titulaire de la souveraineté. Depuis la Révolution française, et sauf la parenthèse de la Constitution de l’An I construite sur la souveraineté populaire, ce titulaire – on l’a dit – c’est la Nation et cette souveraineté est donc nationale.
Si on laisse de côté provisoirement cette dernière approche organique de la souveraineté, il est donc deux occasions, pour un Etat, notamment pour la France, de perdre sa souveraineté : soit la souveraineté de compétences, c’est-à-dire la compétence de la compétence est perdue ; soit l’ensemble ou la plupart de ses compétences de souveraineté ou compétences essentielles sont perdues. On est conduit aussitôt à mesurer l’incidence sur la souveraineté de l’Etat français de la construction européenne qui vise à la dépasser.
B. La tentative de dépassement de la souveraineté française par la construction communautaire
La construction communautaire est, depuis son origine, une entreprise de Constitution européenne parce qu’elle a été conçue par les démocrates-chrétiens comme une Fédération et parce qu’elle se conçoit elle-même, très vite, comme une Fédération. On en donnera deux illustrations très claires :
- la première illustration, c’est la fameuse Déclaration Schuman du 9 mai 1950 qui voit « les premières assises d’une Fédération européenne » dans la formation de la CECA avec l’institution, dans cette logique, d’une fiscalité propre sur les entreprises de charbon et d’acier au profit de cette Communauté à présent disparue ;
- la seconde illustration, c’est le non moins célèbre arrêt Costa c/ ENEL de la Cour de justice des communautés européennes, en date du 15 juillet 1964, jurisprudence repétée et approfondie depuis lors, qui pose le principe ded la primauté absolue du droit communautaire, dans tous ses éléments, sur le droit des Etats membres, dans tous leurs éléments, ce qui a une double conséquence : d’une part, constitutionnaliser le droit communautaire et, d’autre part, le fédéraliser : le droit de la Communauté qui a force constitutionnelle intégralement est ainsi en mesure de primer les droits des Etats membres qui lui sont nécessairement subordonnés. Rien de surprenant à ce que, dans un arrêt du 23 avril 1986 Les Verts c/ Parlement européen, non moins important que l’arrêt précédent de 1964, mais inaperçu ou dissimulé ou minoré, la même Cour de Luxembourg affirme que le traité de 1957 est bien la « Charte constitutionnelle de base ».
Le projet de Constitution européenne qui est mort, après le rejet du texte, à l’occasion des référendums français et néerlandais du printemps 2005, mais qui n’est pas enterré parce que l’idée de Constitution – quant à elle – n’est pas morte, est un projet qui avait pour objet et pour effet de transcrire la jurisprudence de la Cour de Luxembourg et de faire admettre, par les Etats membres, la dérive fédérale que la construction communautaire subit depuis plus de cinquante ans.
Il ne s’agissait pas seulement, il ne s’agit pas seulement – la partie n’est pas définitivement gagnée – de faire prévaloir définitivement, à l’article I-6 du projet, la primauté du droit communautaire jusque dans le droit textuel ou jurisprudentiel des Etats membres, et de consacrer ainsi le caractère constitutionnel de cette construction d’ensemble – si le projet de traité se présente comme un projet de Constitution, ce n’est pas par erreur de plume ou par abus de langage ou par coup médiatique ou encore par orgueil mal placé ; c’est parce qu’il s’agit, bel et bien, d’un projet de Constitution matérielle qui visait à fonder un nouvel Etat de caractère fédéral, et donc à transformer la France et les autres Etats membres en Etats fédérés.
Seulement, le problème en droit est le suivant : un Etat fédéral, c’est un véritable Etat parce que, notamment, il dispose de la souveraineté de compétences, mais aussi de compétences de souveraineté. La démonstration en est simple, elle sera rapide :
- sur la souveraineté de compétences, il suffit de dire que c’est la Constitution européenne qui prétendait définir les compétences d’attribution de la nouvelle Union et de définir a contrario les compétences de principe des Etats membres. Or, celui qui définit la compétence, c’est celui-là qui est le souverain. Admettre que les compétences de l’Etat français soient déterminées, non pas par l’Etat français dans sa Constitution, mais par la nouvelle Union européenne dans sa propre Constitution, impliquait une révolution juridique : transmuter la souveraineté des Etats mêmes dont la France vers l’Union et donc anéantir la souveraineté française tant que la France ne l’aurait pas récupérée en se retirant de l’Union. En votant Non le 29 mai 2005, le peuple français a donc refusé que la France devienne le Québec de l’Europe.
- le même raisonnement peut être tenu en ce qui concerne les compétences de souveraineté que la Cour de Luxembourg s’acharne à retirer une à une aux Etats membres, y compris en dehors des traités, sur la base de la jurisprudence Accord Européen des Transports Routiers (AETR) en date du 31 mars 1971 qui s’appuie sur « la personnalité juridique » de la Communauté pour lui reconnaître des compétences, non seulement explicites, mais aussi implicites, c’est-à-dire déduites librement du traité par la Cour de Luxembourg, en matière de relations extérieures en l’espèce. C’est ce processus de développement illimité des compétences de souveraineté de l’Union européenne que la Constitution européenne entendait consacrer et développer, y compris dans le régime des mesures intérieures.
On aurait tort de croire que, sur ce terrain, la Cour de Luxembourg se tient pour battue car elle continue à donner à la jurisprudence AETR de 1961 une ampleur toujours plus grande contre les compétences de souveraineté des Etats membres C’est ainsi que, par arrêt récent Commission des Communautés européennes c/ Conseil de l’Union européenne), en date du 13 septembre 2005, la Cour poursuit sur la voie dangereuse de sa jurisprudence débridée en autorisant « le législateur communautaire (...) à prendre des mesures en relation avec le droit pénal des Etats membres (...) pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte ». Un arrêt de la Cour de Luxembourg suffit donc à attribuer à la Communauté, en catimini, en dehors des traités, une compétence partagée en matière de législation pénale alors qu’on croyait que cette compétence relevait de la seule souveraineté des Etats membres. Malgré le Non à la Constitution européenne – ou, plutôt, à cause de ce Non, le gouvernement des juges est donc à l’œuvre en Europe contre la préservation des compétences de souveraineté et donc contre la souveraineté des Etats membres que, par ce biais, la jurisprudence communautaire cherche à dépasser. Or, il y a là un défi que, jusqu’à présent et de façon préoccupante, les Etats membres, encore souverains, se sont bien gardés de relever.
II. La France comme Etat-nation
La France présente cette particularité, rare en Europe, d’avoir été d’abord un Etat avant de devenir une Nation et d’être resté, depuis des siècles, un Etat-nation. Dès lors, la Nation est un élément d’identification de l’Etat français même si elle doit faire face à autre une tentative de dépassement par la construction communautaire
A. La Nation, élément d’identification de l’Etat français
La France se présente comme une Nation et l’adjectif « national » est au cœur de la Constitution française : d’abord avec la souveraineté nationale, mais aussi avec l’Assemblée nationale ou encore avec la défense nationale. De même, les principes « particulièrement nécessaires à notre temps » qui sont constitutionnalisés depuis 1975, comportent la notiion de « service public national ». Mais c’est aussi la nation qui figure dans le texte de 1958, pour la première fois depuis la Constitution du Consulat, à trois endroits du texte : à l’article 16 sur les pouvoirs exceptionnels du Président de la République qui mentionne « l’indépendance de la nation » ainsi que le message à « la nation » ; à l’article 20 qui se réfère à « la politique de la nation », ; à l’article 92 abrogé qui évoquait « la vie de la nation ». A cet égard, la Constitution prolonge la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 qui renvoie aussi à la nation, la Déclaration une fois, à l’article 3 précité sur la souveraineté, le Préambule de 1946 quatre fois, des al. 10 à 13.
Cette Nation, elle est formée de tous les Français, le texte précité de l’article 3, alinéa 4 dit de « tous les nationaux français » qui forme le peuple français, peuple unique, formé de populations diverses comme cela résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel à partir de l’indivisibilité de la République : en ce sens, CC, 9 mai 1991 qui rejette la notion de peuple corse, ou de la Constitution : en ce sens, depuis la révision du 28 mars 2003, l’article 72-3, alinéa 1er : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer ».
Or, à la mi-septembre 2005, le ministre de l’Outre-mer a envisagé publiquement une réforme de la législation sur l’accès à la nationalité française, régie par le droit du sol, comme réponse à l’immigration clandestine qui frappe principalement Mayotte (en provenance des Comores) et la Guyane (en provenance du Surinam et du Brésil) et qui est un facteur considérable de déstabilisation de sociétés locales déjà déstructurées. L’idée de base est donc freiner l’accès à la nationalité française de ressortissants d’Etats à proximité de certains outre-mers français qui vise à permettre à leurs enfants d’accéder au plus tôt à la nationalité française, avec tous les avantages sociaux qui peuvent s’y attacher. Un tel objectif suppose de différencier l’accès à la nationalité française par remise en cause des conditions d’application du droit du sol entre la métropole et l’outre-mer et, le cas échéant, entre les différents outre-mers.
En droit, le fond du débat est dans l’impossibilité constitutionnelle de venir rompre l’unité de la République qui se déduit de son indivisibilité (par ex., CC 15 juin 1999, préc.) ainsi que l’égalité des citoyens devant la loi (Déclaration de 1789, art . 1er et 6 et Const., art. 1er). Or, ces principes postulent que les conditions d’accès à la nationalité française soient les mêmes sur l’ensemble du territoire français. Sans doute, en tant qu’elles relèvent de l’exercice de la souveraineté nationale, ces conditions d’accès peuvent être revues dans le sens d’un durcissement qui pourrait, avec bien d’autres mesures, contribuer efficacement, non pas à supprimer, mais du moins à réduire l’immigration clandestine dont on notera qu’elle concerne, non seulement l’outre-mer, mais aussi la métropole. Mais, en toute logique, un tel durcissement devrait être opéré de façon uniforme sur tout le territoire de la République. Cela est particulièrement vrai dès lors que la Guyane est un département français et que Mayotte entend l’être dans un proche avenir et que leur droit est déjà, pour la Guyane, ou va devenir, pour Mayotte, un droit d’assimilation.
B. La tentative de dépassement de la Nation française par la construction communautaire
La construction d’un Etat fédéral suppose la mise en place ou en œuvre d’une supranationalité, en réalité d’une nationalité de substitution qui a, au sein des institutions communautaires, un agent actif : le Parlement européen, composé de représentants, non pas des Etats membres, mais « des citoyens de l’Union » (art. I-20 §2 du projet de Constitution européenne). C’est cette citoyenneté de l’Union, inventée en 1992, qui permet à des ressortissants des Etats membres autres que la France de voter aux élections municipales françaises. Autrement dit, des personnes qui ne sont pas des nationaux français peuvent avoir le même droit de vote que la citoyenneté française. La citoyenneté de l’Union européenne devient ainsi une citoyenneté de remplacement de la citoyenneté française, à égalité avec celle-ci.
Bien entendu, à partir du moment où est rompu le lien historique, on dira même idéologique, entre nationalité et citoyenneté, la porte est ouverte à l’accès des citoyens de l’Union européenne au droit de vote aux autres élections locales, puis aux élections nationales.
De plus, la Constitution établit, au titre II de la Ière Partie institutionnelle, un lien entre droits fondamentaux et citoyenneté de l’Union de même que, réciproquement, la Charte des droits fondamentaux de l’Union comporte, en IIème Partie, un titre V consacré à la citoyenneté.
Tout ceci milite dans un seul sens : faire émerger progressivement un peuple européen, comme, du reste, le président Josep Borell du Parlement européen l’a reconnu, à Rome, lors de la signature du traité établissant une Constitution pour l’Europe, le 29 octobre 2004 : « Instituer une Constitution pour l’Europe revient à accepter virtuellement l’existence d’un peuple européen ». Comment s’étonner alors que, sans mandat et hors de sa compétence – mais rien ne la gêne – l’Union européenne s’évertue, à présent, à élaborer un projet de « cadre commun de référence » visant ouvertement à l’unification du droit civil dans l’Europe communautaire, y compris, à présent, le droit de la famille, pourquoi pas demain le droit de la nationalité. C’est ce code civil européen, d’ailleurs élaboré en langue anglaise uniquement par le groupe Von Bar, subventionné par la Commission européenne à hauteur de 5 millions d'euros dans le cadre du programme "Cordis", qui pourra, le moment venu, prévaloir, en France, sur notre propre Code civil, synthèse de l’esprit juridique français tout au long des siècles et à travers le monde. Que cherche-t-on sinon à forger, de gré ou de force, un peuple unique en Europe ?
Concluons : la souveraineté est l’élément essentiel de définition d’un Etat et lorsque cet Etat est un Etat-nation comme la France, cette souveraineté est nationale.
Toute Constitution est l’expression de la souveraineté, l’actuelle Constitution française comme la virtuelle Constitution européenne, et l’opposition entre l’une et l’autre correspond à une lutte à mort entre l’Etat français en déliquescence qui s’efforce parfois de résister et un Etat européen en construction qui prétend toujours le submerger. Cette souveraineté nationale, il appartient au peuple de l’exercer et donc de la défendre : c’est ce qu’il a su faire, dans ses profondeurs, à l’occasion du référendum du 29 mai 2005 qui a délégitimé, un peu plus encore, les pseudo-élites médiatico-politiques. Pourtant, l’entreprise, provisoirement mise en échec, qui est conduite, de longue main, contre la souveraineté et contre la Nation, sape, chaque jour un peu plus, les fondements de la République et provoque une crise de société, sinon de culture ou de civilisation, dont on commence tardivement à mesurer l’ampleur.
Or, loin d’être dépassée, l’affirmation de la souveraineté par et pour la Nation constitue la réponse appropriée à cette crise. Car, la souveraineté est une idée neuve en Europe et c’est l’Europe des souverainetés nationales qui est, à présent, à construire. C’est donc aux nationaux français de relever le défi du retour à la souveraineté pour sauver, d’urgence, la République que les fédéralistes européens auront tant contribué à déstabiliser si gravement et si durablement. Autrement dit : c’est en reconstituant son Etat que la Nation pourra retrouver enfin son équilibre.
C’est parce que, il y a quelques mois, nous avons eu très peur pour l’avenir de la France souveraine que, désormais, nous devons être très durs contre cette Europe fédérale qui met notre République en danger.
* Olivier GOHIN est Professeur agrégé des Facultés de droit à l'Université de Paris II Panthéon-Assas. Cette contribution a été prononcée lors de la XXIe Université annuelle du Club de l'Horloge à Saint-Germain-en Laye, 19-20 novembre 2005