Il est désormais clair que l’année prochaine s’annonce sous de lugubres auspices. La consommation intérieure n’est plus aujourd’hui soutenue que par un mouvement de désépargne qui touche plus particulièrement les classes populaires. La contraction du volume du Livret A en est la preuve. Par ailleurs, l’environnement économique international s’avère bien plus sombre que ce que l’on pouvait penser au début de 2013. Les Etats-Unis auront une croissance plus faible que prévue, ceci résultant tant de la baisse des gains de productivités (tombés autour de 1% par an) que d’une lente remontée des taux d’intérêts qui pénalisent fortement la demande. En Europe, la situation est catastrophique. L’Italie continue d’être en récession et si l’Espagne semble voir sa situation économique se stabiliser, on ne voit aucun signe de reprise. Par ailleurs, le fait que les prix aient baissé est très inquiétant. Le spectre de la déflation plane sur la péninsule ibérique. Quant à l’Allemagne, les croyants seront déçus : le gouvernement de coalition n’a nullement l’intention de se livrer à une relance salariale importante. Le SMIC, accepté du bout des lèvres par Angela Merkel, ne sera finalement mis en place qu’en…2017. Cela, les réalistes le savaient. Le gouvernement français va donc faire face à trois risques majeurs.
Les trois risques
Le premier de ces risques est celui de la déflation. Certes, l’inflation est toujours positive, mais elle est de plus en plus faible. D’ores et déjà sa baisse rapide entraîne une forte hausse des taux d’intérêts réels, qui sont désormais revenus au-dessus du niveau qu’ils avaient lors de la mise en place de l’Euro. D’ores et déjà, on commence à noter les signes de pressions patronales visant à la baisse nominale des salaires. Les effets d’une telle baisse ont toujours été catastrophiques. Quand bien même les prix des produits baisseraient à la même vitesse que les rémunérations, les frais fixes (charges d’endettement) garderaient leur valeur nominale et verraient donc leur poids augmenter en termes réels. Mais l’on sait bien que dans un mécanisme de déflation, les salaires baissent plus rapidement que les prix, contractant d’autant la demande. Que l’on se souvienne que la politique de déflation du chancelier Brünning en Allemagne (1930-1932) fit passer le taux de chômage de 16% à 32% de la population active.
Le deuxième risque est celui de ruptures graves dans le système productif français. Ces ruptures seront provoquées par la combinaison d’une contraction de la demande et d’une concurrence internationale accrue contre laquelle nous restons sans protection, que ce soit monétaire (taux de change) ou tarifaire (droits de douanes). Elles ne prendront que secondairement la forme de la faillite spectaculaire d’une entreprise importante. Bien plus sûrement, c’est par la faillite de sous-traitants, voire de sous-sous-traitants, que se manifesteront ces ruptures.On estime déjà que les plans sociaux à venir dans l’industrie vont concerner 250 000 salariés. Dans le cas d’une chute brutale de la consommation, ce chiffre pourrait être doublé. Par ailleurs, pour tout emploi industriel détruit, il faut compter de 1,2 à 1,5 emplois connexes détruits. Le nombre de chômeurs pourrait ainsi augmenter de 500 000 dans l’année 2014.
Le troisième risque est un risque politique. Le gouvernement est déjà confronté à des mouvements de révoltes, certes pour l’instant relativement segmentés, mais qui devraient progressivement faire tache d’huile. Quand il deviendra clair, au début de 2014, que l’on ne voit nulle inversion de la courbe du chômage, la colère sera à la mesure des espérances déçues et des mensonges proférés par le Président. Mais, ce qui se passe en France pourrait bien n’être que le premier acte d’une crise politique européenne majeure. Aujourd’hui l’Euro tue l’Europe. On en aura la preuve avec les élections européennes. Le risque prendra la forme d’un gouvernement acculé, le dos au mur, au niveau intérieur et confronté à des crises graves en Europe.
À nouveau sur l’hypothèse Chevènement
Le moment de la décision arrivera. Il se produira entre les élections municipales (mars 2014) et l’été 2014. Il est possible que le Président ne réagisse pas. Son caractère d’ailleurs le pousse à temporiser, toujours et encore, à espérer un je ne sais quoi qui lui sauverait la mise. Dans ce cas, la France entrera dans une période de crise qui n’a pas de précédents. Face à des révoltes populaires de plus en plus violentes, la police ou l’armée ne pourront pas être une garantie permanente. Il peut aussi se décider à agir. J’ai exposé les différentes hypothèses possibles dans une note publiée au début du mois de novembre. L’une de ces hypothèses mérite que l’on s’y attarde, c’est celle de la nomination de M. Jean-Pierre Chevènement au poste de Premier Ministre. L’écho qu’elle a reçue dans la presse et les médias m’a surpris. J’avais évoqué cette hypothèse comme une des issues logiques à la crise actuelle, mais non comme une issue probable. L’aggravation de la situation, et plus encore la détérioration que l’on connaîtra au premier semestre 2014, m’invitent à y revenir.
Je pars du postulat suivant : François Hollande constatera l’échec de sa politique, mais ne pourrait ni ne voudrait assumer « l’autre politique ». Je fais l’hypothèse qu’il veut se représenter, et espère avoir des chances raisonnables, en 2017. Il doit donc organiser l’équivalent d’une cohabitation, mais sans provoquer d’élections anticipées. L’appel à un politicien de droite est exclu, compte tenu de sa majorité. Mais, Jean-Pierre Chevènement fait techniquement partie de ce que l’on appelle la « majorité présidentielle ». Quant au poste de Premier Ministre, on a tendance à oublier que, dans la Constitution, il est d’une grande importance puisque le Premier Ministre « dirige l’action du Gouvernement » (1) et que ce même Gouvernement “…détermine et conduit la politique de la Nation” (2) suivant le texte même de la Vème république. Le Président pourrait ainsi se mettre « entre parenthèses » pour une période de dix-huit mois à deux ans, de juin 2014 à juin 2016, revenant progressivement dans le jeu un an avant l’élection. Si la politique de Jean-Pierre Chevènement est un succès, il sait que ce dernier ne se présentera pas à l’élection présidentielle de 2017. Il pourra alors assumer la continuité avec cette politique, tout en lui donnant un tour à la fois plus libéral (on sait que Jean-Pierre Chevènement n’est pas spécialement en phase avec la politique boboïsante) et plus européiste. Bien sûr l’Euro aura été dissous entre temps, mais, en homme intelligent le Président, sait que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Si cette politique ne rencontre pas tout le succès espéré, il pourra se démarquer de son Premier Ministre et se présenter comme une « alternance » au sein de son propre quinquennat.
Une question se pose : Jean-Pierre Chevènement aurait-il la majorité à l’Assemblée Nationale ?
Il est clair qu’une partie – voire la totalité – des députés de EELV passerait dans l’opposition (même si on ne doit pas exclure des contorsions personnelles dont les Verts nous ont donné moult exemples pour rester dans la majorité au point que l’on pourrait dire que les Verts sont désormais avancés…). Mais, les députés du Front de Gauche (lisez les députés communistes) soutiendraient le gouvernement, et celui-ci pourrait même compter sur le ralliement d’au moins 30 députés de l’UMP dont les positions anti-Euro sont connues. Il n’est d’ailleurs pas impossible que Jean-Pierre Chevènement ouvre son gouvernement à des personnalités tant communistes que de la droite (on pense ici à Nicolas Dupont-Aignan, mais d’autres noms sont aussi possibles), considérant que sur un sujet de l’importance de la sortie de l’Euro, une union nationale s’impose. Notons enfin que dans une telle hypothèse, les plus embêtés seraient les dirigeants du Front National. Devraient-ils conserver leur ligne d’opposition absolue, et s’allier de fait avec la fraction la plus européiste de l’UMP, ou appelleraient-ils à une neutralité, voire à un soutien critique ? Ce serait l’occasion de tester, en vrai grandeur, la réalité de la nouvelle ligne du Front National.
D’autres hypothèses sont possibles, mais elles présentent toutes de graves inconvénients pour le Président. Une dissolution et c’est la perspective d’un gouvernement de véritable cohabitation, qui n’aura de cesse d’obtenir sa démission. Mettre Vals au poste de Premier Ministre, outre que c’est une opération hautement hasardeuse vue l’inanité des réponses du Ministre de l’Intérieur face à la crise, fait prendre le risque à François Hollande d’installer son futur successeur à Matignon. La logique montre que l’hypothèse d’un gouvernement Chevènement est celle qui minimise les risques pour François Hollande tout en lui assurant les meilleures chances pour tenter de se faire réélire. Elle est aussi celle qui offre le plus d’opportunités à la France, qui lui permettrait une sortie de crise « par le haut », mais il n’est pas sûr que cet argument porte sur le Président. Pourtant, l’on sait aussi que la logique est, en politique, une des choses les moins partagées.
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(1) Article 21 de la Constitution
(2) article 20 de la Constitution
Source :
http://russeurope.hypotheses.org/1772
Les trois risques
Le premier de ces risques est celui de la déflation. Certes, l’inflation est toujours positive, mais elle est de plus en plus faible. D’ores et déjà sa baisse rapide entraîne une forte hausse des taux d’intérêts réels, qui sont désormais revenus au-dessus du niveau qu’ils avaient lors de la mise en place de l’Euro. D’ores et déjà, on commence à noter les signes de pressions patronales visant à la baisse nominale des salaires. Les effets d’une telle baisse ont toujours été catastrophiques. Quand bien même les prix des produits baisseraient à la même vitesse que les rémunérations, les frais fixes (charges d’endettement) garderaient leur valeur nominale et verraient donc leur poids augmenter en termes réels. Mais l’on sait bien que dans un mécanisme de déflation, les salaires baissent plus rapidement que les prix, contractant d’autant la demande. Que l’on se souvienne que la politique de déflation du chancelier Brünning en Allemagne (1930-1932) fit passer le taux de chômage de 16% à 32% de la population active.
Le deuxième risque est celui de ruptures graves dans le système productif français. Ces ruptures seront provoquées par la combinaison d’une contraction de la demande et d’une concurrence internationale accrue contre laquelle nous restons sans protection, que ce soit monétaire (taux de change) ou tarifaire (droits de douanes). Elles ne prendront que secondairement la forme de la faillite spectaculaire d’une entreprise importante. Bien plus sûrement, c’est par la faillite de sous-traitants, voire de sous-sous-traitants, que se manifesteront ces ruptures.On estime déjà que les plans sociaux à venir dans l’industrie vont concerner 250 000 salariés. Dans le cas d’une chute brutale de la consommation, ce chiffre pourrait être doublé. Par ailleurs, pour tout emploi industriel détruit, il faut compter de 1,2 à 1,5 emplois connexes détruits. Le nombre de chômeurs pourrait ainsi augmenter de 500 000 dans l’année 2014.
Le troisième risque est un risque politique. Le gouvernement est déjà confronté à des mouvements de révoltes, certes pour l’instant relativement segmentés, mais qui devraient progressivement faire tache d’huile. Quand il deviendra clair, au début de 2014, que l’on ne voit nulle inversion de la courbe du chômage, la colère sera à la mesure des espérances déçues et des mensonges proférés par le Président. Mais, ce qui se passe en France pourrait bien n’être que le premier acte d’une crise politique européenne majeure. Aujourd’hui l’Euro tue l’Europe. On en aura la preuve avec les élections européennes. Le risque prendra la forme d’un gouvernement acculé, le dos au mur, au niveau intérieur et confronté à des crises graves en Europe.
À nouveau sur l’hypothèse Chevènement
Le moment de la décision arrivera. Il se produira entre les élections municipales (mars 2014) et l’été 2014. Il est possible que le Président ne réagisse pas. Son caractère d’ailleurs le pousse à temporiser, toujours et encore, à espérer un je ne sais quoi qui lui sauverait la mise. Dans ce cas, la France entrera dans une période de crise qui n’a pas de précédents. Face à des révoltes populaires de plus en plus violentes, la police ou l’armée ne pourront pas être une garantie permanente. Il peut aussi se décider à agir. J’ai exposé les différentes hypothèses possibles dans une note publiée au début du mois de novembre. L’une de ces hypothèses mérite que l’on s’y attarde, c’est celle de la nomination de M. Jean-Pierre Chevènement au poste de Premier Ministre. L’écho qu’elle a reçue dans la presse et les médias m’a surpris. J’avais évoqué cette hypothèse comme une des issues logiques à la crise actuelle, mais non comme une issue probable. L’aggravation de la situation, et plus encore la détérioration que l’on connaîtra au premier semestre 2014, m’invitent à y revenir.
Je pars du postulat suivant : François Hollande constatera l’échec de sa politique, mais ne pourrait ni ne voudrait assumer « l’autre politique ». Je fais l’hypothèse qu’il veut se représenter, et espère avoir des chances raisonnables, en 2017. Il doit donc organiser l’équivalent d’une cohabitation, mais sans provoquer d’élections anticipées. L’appel à un politicien de droite est exclu, compte tenu de sa majorité. Mais, Jean-Pierre Chevènement fait techniquement partie de ce que l’on appelle la « majorité présidentielle ». Quant au poste de Premier Ministre, on a tendance à oublier que, dans la Constitution, il est d’une grande importance puisque le Premier Ministre « dirige l’action du Gouvernement » (1) et que ce même Gouvernement “…détermine et conduit la politique de la Nation” (2) suivant le texte même de la Vème république. Le Président pourrait ainsi se mettre « entre parenthèses » pour une période de dix-huit mois à deux ans, de juin 2014 à juin 2016, revenant progressivement dans le jeu un an avant l’élection. Si la politique de Jean-Pierre Chevènement est un succès, il sait que ce dernier ne se présentera pas à l’élection présidentielle de 2017. Il pourra alors assumer la continuité avec cette politique, tout en lui donnant un tour à la fois plus libéral (on sait que Jean-Pierre Chevènement n’est pas spécialement en phase avec la politique boboïsante) et plus européiste. Bien sûr l’Euro aura été dissous entre temps, mais, en homme intelligent le Président, sait que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Si cette politique ne rencontre pas tout le succès espéré, il pourra se démarquer de son Premier Ministre et se présenter comme une « alternance » au sein de son propre quinquennat.
Une question se pose : Jean-Pierre Chevènement aurait-il la majorité à l’Assemblée Nationale ?
Il est clair qu’une partie – voire la totalité – des députés de EELV passerait dans l’opposition (même si on ne doit pas exclure des contorsions personnelles dont les Verts nous ont donné moult exemples pour rester dans la majorité au point que l’on pourrait dire que les Verts sont désormais avancés…). Mais, les députés du Front de Gauche (lisez les députés communistes) soutiendraient le gouvernement, et celui-ci pourrait même compter sur le ralliement d’au moins 30 députés de l’UMP dont les positions anti-Euro sont connues. Il n’est d’ailleurs pas impossible que Jean-Pierre Chevènement ouvre son gouvernement à des personnalités tant communistes que de la droite (on pense ici à Nicolas Dupont-Aignan, mais d’autres noms sont aussi possibles), considérant que sur un sujet de l’importance de la sortie de l’Euro, une union nationale s’impose. Notons enfin que dans une telle hypothèse, les plus embêtés seraient les dirigeants du Front National. Devraient-ils conserver leur ligne d’opposition absolue, et s’allier de fait avec la fraction la plus européiste de l’UMP, ou appelleraient-ils à une neutralité, voire à un soutien critique ? Ce serait l’occasion de tester, en vrai grandeur, la réalité de la nouvelle ligne du Front National.
D’autres hypothèses sont possibles, mais elles présentent toutes de graves inconvénients pour le Président. Une dissolution et c’est la perspective d’un gouvernement de véritable cohabitation, qui n’aura de cesse d’obtenir sa démission. Mettre Vals au poste de Premier Ministre, outre que c’est une opération hautement hasardeuse vue l’inanité des réponses du Ministre de l’Intérieur face à la crise, fait prendre le risque à François Hollande d’installer son futur successeur à Matignon. La logique montre que l’hypothèse d’un gouvernement Chevènement est celle qui minimise les risques pour François Hollande tout en lui assurant les meilleures chances pour tenter de se faire réélire. Elle est aussi celle qui offre le plus d’opportunités à la France, qui lui permettrait une sortie de crise « par le haut », mais il n’est pas sûr que cet argument porte sur le Président. Pourtant, l’on sait aussi que la logique est, en politique, une des choses les moins partagées.
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(1) Article 21 de la Constitution
(2) article 20 de la Constitution
Source :
http://russeurope.hypotheses.org/1772