Le coup d’Etat qui rôde et les enseignements de l’Histoire de France
Les nouvelles qui s’accumulent montrent en effet que les européistes sont en train de préparer activement un véritable coup d’Etat, un coup d’Etat qui ne dit évidemment pas son nom. Ce coup d’Etat en gestation consiste à faire comme si les référendums français et néerlandais n’avaient jamais eu lieu, et à imposer à ces deux peuples la Constitution européenne qu’ils ont rejetée. De gré ou de force.
C’est exactement le sens du vote du Parlement européen d’hier (on se reportera à l’article de Libération de ce matin figurant à la fin de ce message).
Par 385 voix contre 125 et 51 abstentions, les eurodéputés ont en effet adopté un rapport qui organise un « débat » sur la Constitution européenne mais qui affirme que « le maintien du texte actuel constituerait un résultat positif de [cette] période de réflexion ». Comme le note le journaliste, le Parlement européen a donc voté pour un texte qui appelle à un grand débat européen... à condition qu’au bout du compte il ne change rien !
Ce qui est intéressant, c’est qu’au moment de voter sur ce texte authentiquement dictatorial et liberticide, les eurodéputés français se sont divisés en trois groupes :
- ceux qui, respectant le vote de 55% du peuple français, ont voté contre : les communistes, les élus de Philippe de Villiers et le Front national. Désolé de le dire, mais ce sont ces trois groupes qui ont sauvé l’honneur de notre pays et les principes mêmes de la démocratie,
- ceux qui se sont misérablement abstenus : la grande majorité des socialistes et des Verts,
- ceux qui, enfin, ont honteusement voté pour ce texte qui revient à dire aux Français que leur vote devrait tout bonnement ne pas être pris en compte : la totalité de l’UMP et de l’UDF, à quoi se sont joints quatre socialistes (dont Michel Rocard) et deux Verts.
Ce qui est encore plus grave, c’est que ce vote du Parlement européen n’est absolument pas une démarche isolée. Tout au contraire.
En effet, il faut absolument savoir — et faire savoir autour de vous — que des « think tanks » de tout acabit s’agitent actuellement dans le dos des peuples, et notamment dans le dos des citoyens français, pour trouver une « solution » afin de faire accepter quand même la « Constitution européenne » aux Français et aux Néerlandais.
Qui sont ces groupes de réflexion ?
Ils sont largement financés par l’UE elle-même (c’est-à-dire par les contribuables, donc par vous et moi !). Les plus actifs qui travaillent actuellement sur cette question sont :
- le Centre d’études et de recherche internationales (CERI) — associé à Sciences Po —,
- l’Institut français des relations internationales (IFRI) de Thierry de Montbrial (financé à bout de bras par le budget du ministère des Affaires étrangères, donc directement par nos impôts),
- le « réseau Garnet » (acronyme anglais signifiant « Global Governance Regionalisation and Regulation »), un think tank européiste et atlantiste, proche des intérêts américains,
- l’université l’Institut d’études européennes de l’université libre de Bruxelles,
- etc.
Quels sont leurs travaux ?
Ils envisagent toutes les possibilités de contourner le choix des Français afin de nous imposer la Constitution européenne contre notre volonté majoritaire :
- une de leurs idées est de faire revoter le peuple français. On adjoindrait un simple texte déclaratoire émanant du gouvernement français et censé calmer les inquiétudes de l’électorat en matière sociale. Mais ce texte, non inscrit dans la Constitution européenne et non ratifié par les autres peuples, serait sans aucune valeur juridique ;
- une autre de leurs idées consiste à saucissonner le texte que nous avons rejeté. Et l’on ne soumettrait telle ou telle partie qu’au seul vote des parlementaires. On passe ainsi sous silence cet élément capital que les parlementaires n’ont pas été élus par les Français sur la question européenne et que leurs votes dépendent des oukases des appareils politiques dont ils dépendent. En un mot, que le vote des Parlementaires ne reflète en aucun cas l’opinion des Français sur l’Europe, comme on l’a d’ailleurs vu à l’occasion du référendum sur le traité de Maastricht puis sur la Constitution européenne.
- d’autres idées sont actuellement étudiées de près en haut lieu : il s’agirait d’interdire purement et simplement le recours au référendum, ou alors d’imposer un référendum à tous les pays le même jour et de comptabiliser les Oui au niveau global, et non État par État, etc., etc.
Bref, ça cogite partout dans un seul et unique but : trouver le plus bel emballage cadeau possible pour violer le choix souverain du peuple français — et donc procéder à un coup d’Etat — sans que cela se voit trop ?
Bien entendu, certains esprits hausseront les épaules en se disant que ce vote du Parlement européen n’engage à rien, que ces réflexions des think tanks payés par la Commission ne sont que des vaticinations, que tout cela n’est pas si grave, que « comme d’habitude, les souverainistes sont des ringards qui se battent contre des moulins à vent », etc., etc.
C’est justement là le piège. Car de nos jours, la dictature avance masquée.
Mettant à profit tous les acquis des sciences cognitives, toutes les techniques de la désinformation et de la guerre psychologique, les européistes ne livrent jamais d’attaque frontale. Ils ne vont évidemment pas claironner qu’il s’agit d’établir une dictature. Non, ils hurlent, plus fort que tout le monde, qu’ils veulent « une Europe plus démocratique et plus transparente » ! Pardi !
Mais tous les vrais débats sont éludés.
Comment ? Oh, c’est bien plus sophistiqué que du temps des totalitarismes de papa et grand-papa. On ne tue plus les opposants, on ne les met plus en prison et l’on peut même se payer le luxe de leur donner la parole une fois sur cent. Alors, que fait-on ? C’est simple : on ridiculise, on intimide, on fait honte, on joue sur l’instinct de conservation et le réflexe grégaire, et enfin l’on fait silence, on ne dit rien.
C’est ainsi qu’une majorité relative de Français (47% contre 46%) veulent désormais le retour au franc ? Quelle réponse les institutions représentatives et les corps intermédiaires apportent-ils à ce mouvement de fond ? Au-cu-ne ! Les « experts » auto-proclamés haussent les épaules sans répondre sur le fond. Aucun responsable politique majeur ne s’empare de cette question centrale. Aucun commentateur politique ne la relève, sauf France Info qui — le jour de la parution de ce sondage le mois dernier — a simplement dit : « A question stupide, réponse stupide. » Et voilà, tout est verrouillé. Si vous êtes contre l’euro, c’est que vous êtes un con, tout simplement. La seule solution que l’on vous propose est donc de vous renfermer en vous-même, honteux et confus de tant de bêtise, par une sorte d’exil intérieur. Toutes les dictatures conduisent à cet « exil intérieur » des opposants. C’est même l’une de leurs caractéristiques essentielles.
C’est cette même double tactique de l’édredon et de l’intimidation que les européistes utilisent depuis le 29 mai dernier pour voler leur Non aux Français.
D’abord l’édredon : les medias ont changé de sujet, on n’a plus du tout parlé de la Constitution européenne, on a laissé passer l’orage.
Puis maintenant l’offensive intimidante : on nous annonce qu’il faut « avancer sur l’Europe ».
Ainsi donc, chaque année, chaque mois qui passe, la « construction européenne » bascule un peu plus dans la tyrannie pure et simple, sans que personne n’ose le dire de peur de se voir ridiculiser par une phrase du style : « Allons, cher ami, vous n’exagérez pas un peu ? »
Où tout cela va-t-il nous mener ?
Eh bien, il suffit d’avoir le sens de l’histoire de France, de l’histoire longue chère à Fernand Braudel, pour le savoir : tout cela risque de nous mener à la guerre civile et à la Révolution. Et voici pourquoi.
Mardi dernier, le 17 janvier 2006, on a appris que l’UNICE (c’est-à-dire l’équivalent européen du MEDEF) venait, par la voix de son nouveau président, le Français Ernest-Antoine Seillière, de demander à la présidence autrichienne de l’Union européenne de « tout faire pour relancer les institutions européennes » après les rejets français et néerlandais de la Constitution.
Si les mots ont un sens, cela signifie que le Baron Seillière, citoyen français, est donc allé en Autriche pour demander sans vergogne aux dirigeants autrichiens de « tout faire » pour effacer le référendum du 29 mai 2005. Disons les choses sans périphrase : le baron est allé demander l’aide d’une puissance étrangère pour contrer la volonté du peuple français.
Et l’on a appris hier, 19 janvier, que le président de la République vient de décider de « prendre des initiatives » sur l’Europe.
Il insiste notamment « sur la nécessité d’avancer pour l’Europe dans les domaines suivants : recherche, innovation, énergie, université, démographie, immigration » et souligne qu’il s’agit de « sujets capitaux pour répondre aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens sur l’Europe ».
Force est ainsi de constater que Jacques Chirac, chef de l’Etat, se comporte comme si le référendum du 29 mai 2005 avait donné le résultat inverse de celui obtenu. Car de quelle légitimité — juridique et démocratique — le président de la République peut-il en effet se prévaloir pour « prendre des initiatives afin de faire avancer l’Europe » ? Qui le lui a demandé ?
Le seul mandat clair et net qu’il a reçu du peuple français, c’est que la France a rejeté dé-fi-ni-ti-ve-ment le projet de Constitution européenne qui lui était soumis. Le devoir du chef de l’Etat était donc de dire aux 24 autres pays : « Désolé, mais le peuple français a tranché. Libres à vous de poursuivre cette Constitution européenne si vous le voulez, mais sachez que cela se fera sans la France. » Ce discours-là, c’est celui que la démocratie lui imposait de tenir. Or, il ne l’a pas tenu, tout au contraire. Et son attitude dilatoire a donné libre cours aux think tanks pour réfléchir, comme je le disais précédemment, à tous les moyens d’imposer quand même la Constitution européenne aux Français.
Il n’a reçu en revanche aucun mandat, ni explicite ni implicite, pour « « faire avancer l’Europe sur la recherche, l’innovation, l’énergie », etc., etc. Où a-t-il vu qu’il s’agissait « des préoccupations et des attentes de ses concitoyens sur l’Europe » ?
Bref, et en un mot, cela signifie que le président de la République s’est en quelque sorte arrogé un droit de veto sur la décision du peuple souverain exprimé par un référendum où le Non a pris des allures de raz-de-marée.
Résumons donc :
1) Le baron Seillière demande l’aide d’une puissance étrangère pour contrer la volonté du peuple français
2) et le Président de la République exerce une sorte de droit de veto sur la décision du peuple français.
Qu’est-ce que toute l’Histoire de France nous enseigne ?
La double information qui précède mérite un regard d’historien.
Comme le dit le dicton, « l’Histoire ne se répète jamais mais elle bégaie souvent ».
Car, en agissant de la sorte, Jacques Chirac et le baron Seillière s’inscrivent dans une longue lignée de prédécesseurs dans notre histoire nationale, parmi lesquels j’en choisirai deux : Louis XVI et le marquis de Limon.
Explication.
Nous sommes en 1791.
Le 20 juin, Louis XVI, la reine Marie-Antoinette — dite « l’Autrichienne » — et la famille royale tentent de fuir Paris. Leur objectif est de rejoindre les troupes étrangères coalisées et les nobles français qui ont émigré dans l’espoir de mater la révolution française depuis l’étranger. Reconnus à Sainte-Menehould par le maître de poste Drouet, le roi et ses proches sont arrêtés à Varennes dans la nuit du 21 au 22 et ramenés à Paris le 25 juin. Le roi est alors placé en surveillance aux Tuileries. Le 14 septembre, il est contraint de jurer fidélité à la Constitution et à la Nation française.
Cette journée du 14 septembre 1791, souvent méconnue, invite à corriger une fréquente erreur d’optique. On présente souvent Louis XVI comme un brave homme plein de naïveté et de bonne volonté tandis que le peuple révolutionnaire n’aurait été qu’un ramassis d’affreux jojos. Or, en 1791, on n’en était pas encore arrivé aux heures noires de la Terreur. La sanction contre la fuite de Louis XVI à Varennes fut finalement assez légère et raisonnable : alors que le chef de l’Etat venait de se faire prendre en flagrant délit de haute trahison, et que, sous d’autres cieux et à bien des époques, cela aurait justifié une exécution immédiate, la seule chose qui fut exigée fut que l’on forçât le roi... à jurer fidélité à la France et à sa Constitution. N’était-ce quand même pas le moins que l’on pouvait attendre du chef de l’Etat ?!
La nécessité dans laquelle le peuple français se vit de contraindre son chef d’Etat à jurer fidélité à son propre peuple et à sa propre Loi fondamentale paraît incroyable. Et, de fait, cela ne se retrouve guère dans les histoires des autres peuples du monde.
Mais, aussi étonnant que cela soit, cette nécessité est une sorte de constante de l’histoire de France. De façon récurrente en France, le dirigeant suprême se met à écouter davantage ce que disent et veulent les peuples étrangers plutôt que ce que veut le peuple français. De façon récurrente en France, le dirigeant suprême se met à violer la Loi fondamentale et à croire que la France est finie, F-I, FI , N-I, NIE.
L’un des exemples les plus célèbres de cet étrange phénomène est celui de Charles VI qui s’était laissé convaincre — sous l’influence de sa femme Isabeau de Bavière, tiens donc !, — que la France ne faisait plus le poids. Déjà... !
Se rendant à cette « évidence », Charles VI avait donc négocié et signé ce que l’Histoire appelle « le honteux traité de Troyes » de 1420, traité aux termes duquel le royaume de France tomberait dans l’escarcelle du roi d’Angleterre après sa mort, ce qui déshéritait ainsi son propre fils, le Dauphin Charles, lequel se réfugia à Bourges.
Après le décès de Charles VI, on sait ce qu’il en advint. Tout sembla perdu pour le royaume de France. Les notables parisiens ovationnèrent Henry VI, « roy de France et d’Angleterre » venu en maître dans la capitale. La « pensée unique » de l’époque brocarda le dernier carré de fidèles qui continuaient d’avoir foi en la France et s’étaient réfugiés auprès de celui que les quolibets appelaient avec mépris le « Petit roi de Bourges ». Il n’y avait évidemment plus personne, parmi les gens « comme-il-faut », pour parier un kopeck sur cette bande de souverainistes ringards qui entouraient encore le Dauphin. L’Evêque Cauchon était de cette lignée à laquelle appartiennent de nos jours les Alain Duhamel et autres Jean Boissonnat.
Oui mais voilà : surgie de nulle part, ou plus exactement d’un hameau nommé Domrémy, une petite Vosgienne de 16 ans allait renverser le cours de l’Histoire, convaincre le Dauphin d’aller se faire sacrer à Reims, et de là susciter un véritable sursaut patriotique non dans les « élites » bien sûr, mais dans le peuple français.
On pourrait donner d’autres exemples de cette tendance des élites françaises — et de leurs dirigeants — à trahir régulièrement la patrie et la Loi fondamentale.
Par exemple en 1358, lorsque le Dauphin Charles (le futur Charles V), profitant de ce que son père, le roi Jean le Bon, est prisonnier des Anglais, décide de ne plus appliquer la « Grande Ordonnance » — sorte d’embryon de constitution monarchique que son père avait accordée au peuple. Coup de force qui suscite les émeutes du 22 février 1358, lorsque le prévôt des marchands Etienne Marcel investit le palais royal à la tête d’un grand nombre d’émeutiers et force le dauphin à rétablir la légalité.
Par exemple encore en octobre 1870, lorsque Bazaine capitule honteusement à Metz avec 180 000 hommes et sans combattre, tandis que Gambetta, dépourvu de moyens, quitte en ballon Paris assiégé pour tenter l’impossible.
Par exemple encore en juin 1940, pour les événements que tout le monde a à l’esprit.
Par exemple enfin, en 1992 et depuis lors, avec ce que l’Histoire — n’en doutons pas un instant — finira un jour par appeler « le honteux traité de Maastricht ».
Certes l’Histoire ne se répète jamais dans les mêmes termes.
Mais elle bégaie souvent, en se répétant de siècles en siècles dans des situations analogues.
Car, de même que, le 14 septembre 1791, le peuple français exigea que Louis XVI jure solennellement fidélité à la France et à la Constitution française, à votre avis, de nos jours, serait-il superflu de demander à Chirac et à tous les responsables qui se réclament du Traité de Maastricht de jurer, eux aussi, fidélité à la France et à la Constitution française ? Franchement ?
Revenons au fil des événements de 1791.
Quelques jours après, le 1er octobre 1791, la nouvelle et première « Assemblée législative », forte de 749 députés, se réunit pour la première fois. Le 9 novembre, elle vote un décret qui autorise la confiscation des biens et la condamnation à mort des nobles « émigrés », suspects de conjuration contre la France. Quelques jours après, un autre décret impose aux prêtres dits « réfractaires », jusque-là plus ou moins tolérés, de prêter, eux aussi, serment « à la Nation, au Roi et à la Loi ». Preuve, là aussi, qu’une partie du clergé refusait de jurer fidélité à la nation française. Preuve également qu’à la fin 1791, malgré la fuite à Varennes, les révolutionnaires français respectaient encore le roi puisqu’ils exigeaient qu’on lui prête serment, au même titre qu’à la nation — c’est-à-dire au peuple français — et à la loi.
En dépit de tous ces événements dramatiques, en dépit de son serment formel du 14 septembre 1791 de jurer fidélité à la France, Louis XVI ne cesse de jouer double-jeu et de jouer la carte de l’étranger contre son propre peuple. Poussé par l’Assemblée, il déclare la guerre à François II, empereur d’Autriche, le 20 avril 1792, mais en espérant secrètement que les troupes coalisées vont battre les troupes françaises. Le 29 mai 1792, il oppose son veto contre un décret qui ordonne la déportation des prêtres réfractaires qui refusent de prêter serment à la Nation en guerre.
Ce double-jeu perceptible ulcère de plus en plus le peuple. Le 20 juin 1792, pour commémorer le serment du Jeu de Paume du 20 juin 1789, la foule descend dans la rue et, bientôt, crie « à bas Monsieur et Madame Veto ». Puis elle se rend au palais des Tuileries, qu’elle envahit, gagne les appartements du Roi et l’oblige à porter le bonnet des sans-culottes orné de la cocarde tricolore.
« Mais défendez la France, bon sang de bon sang ! » hurle en substance le peuple de Paris à Louis XVI !
Franchement, n’a-t-on pas envie de dire la même chose de nos jours ?
L’atmosphère est électrique et, deux jours après cette nouvelle émeute, le 22 juin, on chante pour la première fois à Marseille le Chant de guerre pour l’Armée du Rhin, que Rouget de Lisle a écrit à Strasbourg. Pour la première fois retentit ainsi la Marseillaise, ce chant qui fera le tour du monde et qui demeure l’hymne national le plus connu de la planète.
C’est dans cette atmosphère de fièvre, celle de tout un peuple qui sent que sa patrie est en danger, qu’entre en scène le marquis de Limon.
Qui est-ce ?
Un nobliau émigré, qui entretient, probablement, une correspondance secrète avec Marie-Antoinette. Or cette reine qui jouait les bergères est de cette lignée de responsables qui ne comprennent strictement rien aux dynamiques sociales et aux sentiments des peuples. On connaît son mot fameux (et peut-être apocryphe) devant le peuple réclamant à manger : « Ils n’ont pas de pain ? Qu’on leur donne de la brioche ! » C’est cette fine psychologue qui aurait eu l’idée de demander au Marquis de Limon de rédiger et de soumettre à la signature du Duc de Brunswick, commandant en chef des forces coalisées, un texte comminatoire pour faire peur au peuple parisien. L’idée était de restaurer Louis XVI dans toutes ses attributions antérieures. Comme Marie-Antoinette, le Marquis de Limon et les nobles émigrés pensaient benoîtement que la population française allait se soulever en faveur des coalisés prusso-autrichiens pour mettre fin à la Révolution, dès lors que ceux-ci taperaient du poing sur la table.
Le marquis de Limon se plia donc à la demande de la souveraine et fit signer à Coblence au Duc, le 25 juillet 1792, un texte rendu public que l’Histoire a immortalisé sous le titre de Manifeste de Brunswick.
Ce texte précisait notamment :
« La ville de Paris et tous ses habitants sans distinction sont tenus de se soumettre sur le champ et sans délai au roi, de mettre ce prince en pleine et entière liberté, et de lui assurer, ainsi qu’à toutes les personnes royales, l’inviolabilité et le respect auxquels le droit de la nature et des gens oblige les sujets envers les souverains. Leurs Majestés impériale et royale rendant personnellement responsables de tous les événements sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l’Assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité, et de la Garde nationale de Paris... déclarent ... que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs Majestés, le roi, la reine et la famille royale, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d’attentats aux supplices qu’ils auront mérités. tout bonnement la mort à tout Français qui oserait prendre les armes contre le Roi de France. »
En un mot, le marquis de Limon suggérait au duc de Brunswick de « tout faire » pour mater le peuple français. Ce que demande de nos jours ( dans d’autres termes, j’en conviens) le baron Seillière au Premier ministre autrichien.
Ce texte, qui devait sauver Louis XVI et la monarchie, précipita leur fin.
Car, bien loin de faire céder les révolutionnaires, le manifeste de Brunswick — qui témoignait des tractations secrètes du roi avec les souverains étrangers — enflamma au contraire la population, désormais prête à tout pour défendre sa soif de liberté et son refus du diktat des « élites » des cours européennes. Le contenu de ce texte, connu le 1er août, se répandit comme une traînée de poudre dans la population et déclencha l’insurrection du 10 août 1792, laquelle entraîna l’emprisonnement de Louis XVI et la fin de la royauté.
En conclusion
Avec Jacques Chirac dans le rôle de Louis XVI, le baron de Seillière dans celui du Marquis de Limon, et le rapport voté hier au Parlement européen comme duplicata du manifeste de Brunswick, la tragédie est en place.
Il serait temps, grand temps, que les acteurs changent de scénario.
François ASSELINEAU, le 28/01/2006