Après l’échec de la Communauté européenne de défence (CED), refusée par les parlementaires français en aout 1954, il faut relancer la construction européenne. Cette relance s’effectue via l’atôme (CEEA) et le marché (CEE). Cette dernière, au travers du Traité de Rome, engage les six partenaires européens dans la grande aventure du marché commun.
Si la Communauté économique européenne prend d’abord la forme d’une simple union douanière, la Traité formule cependant l’objectif de la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux (article 3 TCE).
A cette fin, les Etats s’engagent, dès 1957, à pratiquer “la politique économique nécessaire en vue d'assurer l'équilibre de sa balance globale des paiements et de maintenir la confiance dans sa monnaie” (article 104). En effet, un déficit de la balance pourrait conduire l’Etat à envisager un rééquilibrage par une restriction des mouvements de capitaux, interdite par l’article 56 du TCE. Cette possibilité, prévue cependant par l’article 109 du TCE, ne peut intervenir qu’en cas d’extrême urgence et reste soumise à l’accord de la majorité des Etats membres. Elle n’est considérée que comme une mesure transitoire, avant la mise en place d’un “concours mutuel” pouvant prendre la forme “d'octroi de crédits limités de la part d'autres États membres” (article 108).
La solidarité européenne, garante du fonctionnement sans entrave du marché unique, n’est donc pas une idée née de la crise de la monnaie unique. Elle date en vérité de la naissance des communautés européennes.
Il faut cependant attendre le 1er janvier 1972 pour que le Conseil européen mette en place le premier mécanisme de concours financier (décision 71/143/CEE). Celui-ci ne financera par l’emprunt sur les marchés financiers qu’à compter de 1981 (décision 682/81/CEE).
En 1988, le règlement 1969/88 portant mise en place d’un mécanisme unique de soutien financier à moyen des balances des paiements des Etats rassemble concours financier et emprunt dans un mécanisme permanent.
Via ce texte, la France s’était alors engagée sur un plafond d’aide fixé à 2,7 millions d’écus sur un total de 14 millions, supporté alors par les douze pays membres.
A partir du 1er janvier 1999, les Etats membres participant à la monnaie unique ne peuvent plus bénéficier de ce soutien financier. Cependant, le mécanisme reste valable pour les Etats dits “dérogatoires” (non membres de la zone euro).
L’article 108 du Traité de Rome, devenu entre-temps l’article 119 du Traité de Maastricht, est désormais réservé aux “Etats membres faisant l’objet d’une dérogation”.
En 2002, le Conseil européen réforme le réglement 1969/88 afin de baisser le plafond des prêts à octroyer du fait de “la réduction substantielle du nombre d’Etats membres pouvant utiliser l’instrument”. De plus, le nombre d’Etats susceptibles de participer au concours financier étant jugé insuffisant, le nouveau règlement n°332/2002 prévoit un recours exclusif aux marchés financiers.
Depuis l’adoption du Traité de Lisbonne, les concours mutuels sont régis par l’article 143 du TFUE.
Ainsi, depuis 1972, lorsqu’un Etat européen connait un grave déséquilibre de sa balance des paiements, il peut solliciter de ses partenaires européens une aide financière. La Commission européenne est habilitée à contracter des prêts sur les marchés financiers ou auprès des institutions financières. En contre-partie, l’Etat s’engage sur un programme de redressement ou d’accompagnement que la Commission vérifie à intervalle régulier.
A ce jour, aucun détail n’est indiqué quant au contenu précis de ce programme. On imagine que les mesures imposées seraient définies au cas par cas, comme le sont actuellement les plans de redressement exigés des Etats bénéficiant d’une aide financière en raison de la crise de la dette.
Mais cette improvisation n’est pas faite pour durer car le droit européen déteste les vides.
Après les plans d’aide ad hoc accordés à la Grèce, des mécanismes de solidarité permanents ont vu le jour: MESF, FESF et le tout récent MES, entré en vigueur le 7 octobre dernier.
En parrallèle, les institutions européens s’activent depuis plusieurs mois dans l’élaboration d’une procédure institutionnelle de surveillance des Etats bénéficiant d’une assistance financière. C’est un des volets du Two-Pack qui vient allonger, via deux nouveaux textes, la longue liste des six règlements européens qui composent l’actuel Pacte de stabilité et de croissance.
Aussi, afin de “garantir une plus grande équité entre Etats membres de la zone euro” et les autres, la Commission vient de publier un nouveau projet de règlement visant à réformer le mécanisme unique de soutien financier à moyen des balances des paiements.
Le mécanisme, désormais nommé “assistance financière pour les Etats dont la monnaie n’est pas l’euro”, est profondement complexifié.
Si la Commission est toujours en charge des emprunts, le plafonds de ces derniers est réhaussé de 12 milliards à 50 milliards d’euros. Les conditions et procédures d’accès aux fonds de soutien sont désormais précisement définies et mises en concordance avec les procédures de surveillance “classiques” des déficits budgétaires et macroéconomiques.
L’existence de ce mécanisme - et ce dès 1957 - nous offre également une lecture nouvelle et interessante de la clause de “no bail out”.
En effet, selon l’article 125 du TFUE, l’Union européenne ou un Etat “ne répond pas des engagements […] des autorités publiques […] d’un Etat membre, ni ne les prend à sa charge”.
Il y a plusieurs mois, lorsque les Etats se sont engagés dans la mise en place de mécanismes de solidarité permanents pour les Etats victimes d’une crise de la dette, certains ont estimé que la dérogation introduite par l’article 122 pouvait s’étendre aux graves difficultés économiques. L’article prévoit en effet qu’un Etat peut être secouru financièrement s’il est confronté à des "événements exceptionnels échappant à son contrôle".
L’existence de l’article 143 pourrait donc apporter de l’eau au moulin des partisans d’une non contradiction entre solidarité exceptionnelle et clause de “no bail out”.
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