L'hémicycle du Parlement européen à Bruxelles, en travaux de rénovation pour un an, après l'effondrement d'une partie du toit...
Avis_juridique_sur_le_traite_fiscal_et_le_droit_europeen.pdf
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Le groupe GUE/NGL reste persuadé que c'est en renforçant le Parlement européen que l'on comblera l'abysse démocratique créé par les traités communautaires. Malgré l'absence de peuple européen, de demos au sein duquel le pouvoir aille puiser le consentement à gouverner et donc la légitimité, en dépit des extrêmes réserves émises très explicitement par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe à cet égard, c'est ainsi, il se trouve encore des esprits pour considérer que c'est la procédure électorale qui fait la démocratie, des "démocrates" qui se contentent de la démocratie de procédure... Il reste que l'avis juridique commandé par ce Groupe parlementaire européen livre une analyse très intéressante et quelques clés utiles de compréhension et d'argumentation sur le TSCG. En voici les principaux éléments :
1) Sur la légalité formelle
Dès lors que l'Union ne dispose formellement que d'une "compétence de coordination" en matière économique et non d'une compétence exclusive ou partagée (préemptable par l'Union), les Etats européens peuvent toujours librement conclure des conventions internationales dans le cadre de leurs compétences résiduelles. C'est ce qui a permis que les vingt-sept ne signent pas tous le traité budgétaire, celui-ci n'étant donc pas un traité européen mais un traité de droit international.
Le problème est que ce traité prévoit le recours à des institutions européennes et leur attribue des missions spécifiques : pouvoirs de surveillance de la Commission et du Conseil, rapport obligatoire de la Commission sur la règle d'or et compétence de contrôle de la CJUE. Or, ni la Grande Bretagne, ni la République tchèque n'ont signé le TSCG ni donc donné leur accord à cette "mise à disposition d'organes". Les Etats membres étaient tenus de suivre la procédure de révision ordinaire des traités prévue à l'article 48 du TUE pour réviser le droit primaire et prévoir la mise à disposition d'organes. Dès lors que le TSCG est un accord international spécial parallèle au droit primaire impliquant des organes de l'Union, il fallait en outre l'accord de l'Union européenne en tant que telle.
2) Sur la légalité matérielle
L'Avis reproche à cet égard au TSCG d'instaurer une "procédure de vote inversée" - celle de l'article 7 par laquelle s'enclenche la procédure pour déficits excessifs à l'encontre de l'Etat membre ne respecte par ses obligations sauf si une majorité qualifiée s'y oppose - qui favorise la logique de l'austérité budgétaire sur toute autre, notamment, les objectifs pourtant mentionnés par les traités tels que les droits sociaux, le plein emploi et la politique sociale, relégués en arrière plan.
Il reproche également une forme d'éviction du Parlement européen, qui ne participe pas à la procédure d'exécution décisionnelle du pacte budgétaire, comme le contrôle des programmes de "partenariat budgétaire et économique". Le Parlement européen organise seulement une conférence avec les parlements nationaux pour débattre des politiques budgétaires et il est seulement informé par le Président du nouveau sommet de la zone euro, des mesures prises.
Les pouvoirs de sanction prévus par le traité sont contraire à l'article 13 paragraphe 2 première phrase du TUE qui oblige en principe chaque institution à n'agir que dans les limites des attributions qui lui sont conférées par les traités et ce, en conformité avec les procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci : les décisions et actions ultra vires sont donc interdites...
Enfin, la "règle d'or" avec force contraignante au niveau national poserait un problème de légalité au regard du principe de subsidiarité : dès lors qu'il s'agit d'un traité international, la règle d'or n'a pas de justification en droit primaire et les institutions de l'Union (en l'espèce la CJUE) ne peuvent la mettre en oeuvre.
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Question posée au Professeur Dr. Andréas Fischer-Lescano :
Le 2 mars dernier, lors de la réunion du Conseil européen (ci-après le « Conseil ») à Bruxelles, 25 États membres de l’Union européenne, parmi lesquels 17 États dont la monnaie est l’euro, ont signé le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire » (ci-après le « pacte budgétaire »). Il s’agit d’un traité intergouvernemental que les gouvernements des États membres ont jugé nécessaire après que la Grande-Bretagne et la République tchèque eurent refusé une révision des traités de l’Union européenne. Le traité doit désormais être ratifié par les États membres et transposé en conséquence dans le droit national. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2013, à condition que 12 États européens aient déposé les instruments de ratification.
Le pacte budgétaire impose aux États signataires de consacrer dans le droit national les dispositions figurant à l’article 3, paragraphe 1, du pacte budgétaire « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » (voir article 3, paragraphe 2). Le mécanisme de gestion des « déficits excessifs » que le pacte budgétaire doit introduire dans les États membres de l’Union européenne va, en partie, bien au-delà des règlements existants du Conseil et de la Commission européenne (ci-après la « Commission ») et, ce faisant, repose avant tout sur l’introduction, irrévocable dans la mesure du possible, de la « règle d'or budgétaire », sur des mécanismes automatiques de correction et de sanction en cas de violation des exigences en matière de plafonds d’endettement et, dans ces situations, sur une soumission directe à la Commission et au Conseil de la souveraineté budgétaire de l’État concerné dans le cadre de procédures d’autorisation (article 5).
Le pacte budgétaire étant un traité intergouvernemental, il évolue en dehors du cadre juridique de l’Union européenne du point de vue formel. Conformément à l’article 16, son contenu doit toutefois être intégré dans ce cadre dans un délai de cinq ans maximum à compter de sa date d’entrée en vigueur. Au Parlement européen (ci-après le « Parlement »), dans les milieux juridiques européens et dans l’opinion publique, on entend actuellement que le pacte budgétaire serait contraire au droit européen. C’est dans ce contexte que la question d’un recours en justice est abordée. Les questions posées sont notamment les suivantes:
A. Les stipulations du pacte budgétaire contreviennent-elles à la législation européenne ?
B. Si tel est le cas, quels seraient concrètement les recours possibles ?
Résumé de l'Avis juridique :
1. Le pacte budgétaire (TSCG) est contraire au droit européen sur le plan formel.
a. Aucun consentement valable à la mise à disposition d'organes n’a été donné. Tous les États membres n’ont pas accepté la mise à disposition d'organes dans le cadre de l’article 48 du traité UE et l’Union européenne n’a pas consenti à participer à l’exécution du pacte budgétaire dans le cadre de l’article 218 du traité FUE.
b. Sans ce consentement, ni la Cour de justice, ni la Commission et le Conseil ne peuvent être impliqués dans l’exécution du traité.
c. Les institutions européennes ne sont pas autorisées à exécuter le pacte budgétaire dans la mesure où il est contraire au droit de l’Union sur le plan formel.
2. En outre, le pacte budgétaire est contraire au droit européen sur le plan matériel.
a. La « procédure de vote inversée » définie à l’article 7 du pacte budgétaire est contraire au droit de l’Union. Elle a pour effet de conférer une primauté structurelle à la mise en oeuvre de la politique d’austérité par rapport à d’autres objectifs. Le renversement des exigences en matière de majorité est contraire au droit primaire.
b. La Commission n’est pas suffisamment soumise à un contrôle démocratique dans le cadre de l’exécution du pacte budgétaire. Les droits du Parlement ne sont pas garantis dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs. Le règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1267/97 visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, adopté sur le fondement de l’article 126, paragraphe 14, du traité UE, prévoit une participation du Parlement européen dans le cadre du « dialogue économique » régi à l’article 2, point a. Le pacte budgétaire va à l’encontre de ces droits de participation.
c. Les sanctions prévues aux articles 5 et 8 du pacte budgétaire sont contraires au droit de l’Union.
d. La règle d'or budgétaire prévue à l’article 3 du pacte budgétaire et ayant valeur
contraignante est contraire au droit de l’Union.
3. La Cour de justice dispose d’une compétence décisionnelle sur la question de la légalité du pacte budgétaire.
a. Dans une procédure d’avis selon l’article 218, paragraphe 11, du traité FUE, le Parlement peut, même avant l'entrée en vigueur du pacte budgétaire, faire examiner la conformité de celui-ci au droit de l’Union et faire contrôler la nécessité de l’expression d’un consentement par l’Union européenne, ce qui présuppose une participation du Parlement conformément à l’article 218, paragraphe 6, point a), du traité FUE. La procédure est une procédure de contrôle juridique préventif qui doit permettre d’éviter les infractions aux normes.
b. Les objets appropriés pour une procédure d’avis sont, d’une part, le pacte budgétaire lui-même en tant que traité international entre États membres, dans la mesure où il ne constitue pas un acte de droit primaire mais un accord international distinct et, d’autre part, la légalité d’un consentement de l’Union européenne en qualité de sujet de droit international tiers intéressé selon l’article 35 de la Convention de Vienne.
c. En outre, l’introduction d’une procédure d’avis n’empêche pas le contrôle du pacte
budgétaire dans le cadre du recours en annulation, du recours en contrôle du principe de subsidiarité, du renvoi préjudiciel ou du recours en manquement à tout moment par la Cour de justice. La procédure d’avis n’empêche pas les autres formes de procédure.
La conférence de presse en vidéo sur le site du Parlement européen