par Christophe Beaudouin*
Pour une nouvelle conférence de Messine
Les États les plus déterminés devraient convoquer une nouvelle conférence de Messine (outre le symbole géographique, le lieu se veut une référence à celle de 1955 ayant abouti à la signature des traités de Rome) ayant deux objectifs cardinaux :
1) stopper la vis sans fin et absurde de l’intégration illimitée, en fixant fermement l’Union dans un cadre clair, stable et assis sur une subsidiarité authentique ;
2) sortir l’Europe institutionnelle de son enfermement matérialiste, en la dotant de missions limitées mais supérieures, visant à la pérennité de la civilisation européenne, donc la continuité historique de ses peuples et la sécurité de ses frontières.
Un Pacte confédéral coiffant les traités actuels
Pratiquement, à défaut de réécrire les traités actuels, cette conférence négocierait un petit traité international venant coiffer les traités européens existants entre ceux qui le souhaitent.
· L’astuce serait de la doter de la primauté sur le TUE et TFUE pour que les normes et institutions de l’Union reviennent sous contrôle démocratique. En deux pages simples, ce pacte confédéral poserait un toit et des murs à la « maison commune ».
· Sa ratification serait soumise à référendums partout le même jour et il n’entrerait en vigueur que pour les pays dont les peuples ont dit « oui ».
L’Europe véritable en six principes cardinaux
1. Un objectif civilisationnel supérieur assignés à l’Union européenne, que l'on pourrait formuler ainsi : « Convaincus que l’Union européenne organisée dans le respect de la souveraineté et de la personnalité de chacune de ses nations, lui permettra d’œuvrer à la pérennité de sa civilisation précieuse et irremplaçable, au rayonnement et à la transmission de son patrimoine culturel et spirituel, à la mise en commun de ses capacités de défense et d’influence, et à la paix du monde ; »
2. La subsidiarité remise à l’endroit, devant la confusion permanente des compétences entre l'Union et les États et les innombrables débordements.
· Contrairement à la définition qu'en donne l'article 5 du TUE, la subsidiarité véritable signifie : « Ne pas remettre à une société plus grande ce qui peut être accompli par une société plus petite ». C’est cette interprétation qu’il faut imposer.
· Toutes les clauses transversales de compétences (flexibilité, marché intérieur etc.) ainsi que le monopole d’initiative et de définition de l’intérêt général par la Commission sont caduques.
· Cette subsidiarité doit être rétroactive. Jugeons l’arbre à ses fruits, taillons ce qui doit l’être et replantons où il faut replanter : une commission de la Hache évaluerait les effets des politiques communes sur nos économies, nos territoires et nos sociétés, et proposerait les rapatriements nécessaires vers les États, le cas échéant les provinces et les communes. « Small is beautiful »... ou plutôt « Proportion is beautiful » !
· Réalignée sur les principes d’attribution et de proportionnalité, la subsidiarité n’est plus à la discrétion de la Commission ou du juge européen : les Parlements nationaux auront désormais le dernier mot.
3. La primauté des Constitutions nationales proclamée règle juridique commune de l’Union, ainsi que chacun de nos États.
· Cette primauté est rétablie naturellement par la nature de droit international du petit traité en question, mais les choses allant mieux en les disant, il faut l’y inscrire noir sur blanc.
· Chaque État doit notifier le retrait de sa signature à la Déclaration n°17 annexée au traité, qui curieusement, endosse en bloc la jurisprudence et un simple avis juridique des services du Conseil en la matière.
· A contrario, la Cour de Karlsruhe offre à toute l’Europe une formidable leçon de démocratie et, au besoin, l’outillage permettant, dans le respect des engagements européens, de résister aux embardées supranationalistes : sanctuarisation d’un périmètre de souveraineté, primauté absolue des droits fondamentaux et de l’identité constitutionnelle nationaux, intervention imposée au Parlement national dans certains cas, référendum obligatoire pour éventuellement passer à l’Europe fédérale.
4. Un Compromis de Luxembourg rénové et démocratisé. Dans une Union nombreuse et diverse, où l’on décide à la majorité, proclamons le droit national d’opposition ou de non-participation pour tout État lorsqu’il estime qu’un intérêt important pour lui est en jeu. Reprenons la fameuse déclaration du Conseil du 29 janvier 1966 et élargissons-la :
· Ce nouveau compromis de Luxembourg sera déclenché par n’importe quel parlement au moyen d’un avis motivé adressé au Conseil et aux autres parlements nationaux. S’engagera alors un débat interparlementaire européen, de six à huit semaines : horizontal entre parlements nationaux, et vertical avec l’Union, préférable aux négociations de couloir à Bruxelles ;
· Il ne conduira pas forcément à un veto, c’est à dire un droit d’empêcher l’adoption d’un acte, mais le plus souvent à un droit de ne pas participer s’il ne l’a pas voté, laissant les autres États poursuivre leur projet ;
· Il ne s’appliquera pas seulement aux projets mais aussi aux actes existants, y compris au droit dit souple (soft law), et déclencherait une mise en révision forcée, brisant la logique absurde de l’irréversibilité de l’acquis communautaire. Un pays pourrait ainsi suspendre sa participation à l’Euro le temps que son économie se rétablisse.
· En contrepartie d’un tel droit, on peut imaginer que le Conseil vote principalement à la majorité et selon la règle d’égalité entre Etats (nature confédérale) : 1 État = 1 voix.
5. La voie d’une Europe des cercles olympiques, de la coopération à géométrie variable serait ainsi pavée, et pourrait être facilitée par une interprétation ouverte de l’article 20 sur la coopération renforcée :
· Les États qui souhaitent lancer entre eux des coopérations sectorielles seraient libres d’en choisir le domaine, les finalités, les partenaires (y compris extra-européens) et la structure de gestion. L’Europe pourra être alors enfin attractive pour nos voisins Suisses, Islandais, Norvégiens, Anglais et s'élargir à tout le continent jusqu'à la Russie.
· L’orientation des politiques ne sera plus figée dans le marbre conventionnel européen : les centaines d’articles programmatiques inclus dans le TUE et surtout le TFUE seront déconstitutionnalisés. Aucun parti ne devrait plus se voir opposer une quelconque clause d’un traité européen lorsqu’il souhaite (à tort ou à raison) proposer aux électeurs une autre politique économique et monétaire, une autre politique commerciale internationale, une autre vision de la libre-circulation, d’autres priorités écologiques ou géopolitiques.
· Il faut en finir avec la démocratie juridiquement contrôlée.
6. Une adoption simultanée des textes importants par toutes les assemblées nationales, le même jour.
· Cela allongera un peu le délai d’adoption européen, mais chacun sera heureux de voir enfin favorisées l’association et l’adhésion des peuples, à travers leurs représentants.
· Peu à peu, une agora européenne naîtra de l’Europe interparlementaire.
· L’article 9 du protocole 1, inutilisé, permettrait d’ores et déjà de conclure un accord interinstitutionnel avec le Parlement européen à cette fin.
Les États les plus déterminés devraient convoquer une nouvelle conférence de Messine (outre le symbole géographique, le lieu se veut une référence à celle de 1955 ayant abouti à la signature des traités de Rome) ayant deux objectifs cardinaux :
1) stopper la vis sans fin et absurde de l’intégration illimitée, en fixant fermement l’Union dans un cadre clair, stable et assis sur une subsidiarité authentique ;
2) sortir l’Europe institutionnelle de son enfermement matérialiste, en la dotant de missions limitées mais supérieures, visant à la pérennité de la civilisation européenne, donc la continuité historique de ses peuples et la sécurité de ses frontières.
Un Pacte confédéral coiffant les traités actuels
Pratiquement, à défaut de réécrire les traités actuels, cette conférence négocierait un petit traité international venant coiffer les traités européens existants entre ceux qui le souhaitent.
· L’astuce serait de la doter de la primauté sur le TUE et TFUE pour que les normes et institutions de l’Union reviennent sous contrôle démocratique. En deux pages simples, ce pacte confédéral poserait un toit et des murs à la « maison commune ».
· Sa ratification serait soumise à référendums partout le même jour et il n’entrerait en vigueur que pour les pays dont les peuples ont dit « oui ».
L’Europe véritable en six principes cardinaux
1. Un objectif civilisationnel supérieur assignés à l’Union européenne, que l'on pourrait formuler ainsi : « Convaincus que l’Union européenne organisée dans le respect de la souveraineté et de la personnalité de chacune de ses nations, lui permettra d’œuvrer à la pérennité de sa civilisation précieuse et irremplaçable, au rayonnement et à la transmission de son patrimoine culturel et spirituel, à la mise en commun de ses capacités de défense et d’influence, et à la paix du monde ; »
2. La subsidiarité remise à l’endroit, devant la confusion permanente des compétences entre l'Union et les États et les innombrables débordements.
· Contrairement à la définition qu'en donne l'article 5 du TUE, la subsidiarité véritable signifie : « Ne pas remettre à une société plus grande ce qui peut être accompli par une société plus petite ». C’est cette interprétation qu’il faut imposer.
· Toutes les clauses transversales de compétences (flexibilité, marché intérieur etc.) ainsi que le monopole d’initiative et de définition de l’intérêt général par la Commission sont caduques.
· Cette subsidiarité doit être rétroactive. Jugeons l’arbre à ses fruits, taillons ce qui doit l’être et replantons où il faut replanter : une commission de la Hache évaluerait les effets des politiques communes sur nos économies, nos territoires et nos sociétés, et proposerait les rapatriements nécessaires vers les États, le cas échéant les provinces et les communes. « Small is beautiful »... ou plutôt « Proportion is beautiful » !
· Réalignée sur les principes d’attribution et de proportionnalité, la subsidiarité n’est plus à la discrétion de la Commission ou du juge européen : les Parlements nationaux auront désormais le dernier mot.
3. La primauté des Constitutions nationales proclamée règle juridique commune de l’Union, ainsi que chacun de nos États.
· Cette primauté est rétablie naturellement par la nature de droit international du petit traité en question, mais les choses allant mieux en les disant, il faut l’y inscrire noir sur blanc.
· Chaque État doit notifier le retrait de sa signature à la Déclaration n°17 annexée au traité, qui curieusement, endosse en bloc la jurisprudence et un simple avis juridique des services du Conseil en la matière.
· A contrario, la Cour de Karlsruhe offre à toute l’Europe une formidable leçon de démocratie et, au besoin, l’outillage permettant, dans le respect des engagements européens, de résister aux embardées supranationalistes : sanctuarisation d’un périmètre de souveraineté, primauté absolue des droits fondamentaux et de l’identité constitutionnelle nationaux, intervention imposée au Parlement national dans certains cas, référendum obligatoire pour éventuellement passer à l’Europe fédérale.
4. Un Compromis de Luxembourg rénové et démocratisé. Dans une Union nombreuse et diverse, où l’on décide à la majorité, proclamons le droit national d’opposition ou de non-participation pour tout État lorsqu’il estime qu’un intérêt important pour lui est en jeu. Reprenons la fameuse déclaration du Conseil du 29 janvier 1966 et élargissons-la :
· Ce nouveau compromis de Luxembourg sera déclenché par n’importe quel parlement au moyen d’un avis motivé adressé au Conseil et aux autres parlements nationaux. S’engagera alors un débat interparlementaire européen, de six à huit semaines : horizontal entre parlements nationaux, et vertical avec l’Union, préférable aux négociations de couloir à Bruxelles ;
· Il ne conduira pas forcément à un veto, c’est à dire un droit d’empêcher l’adoption d’un acte, mais le plus souvent à un droit de ne pas participer s’il ne l’a pas voté, laissant les autres États poursuivre leur projet ;
· Il ne s’appliquera pas seulement aux projets mais aussi aux actes existants, y compris au droit dit souple (soft law), et déclencherait une mise en révision forcée, brisant la logique absurde de l’irréversibilité de l’acquis communautaire. Un pays pourrait ainsi suspendre sa participation à l’Euro le temps que son économie se rétablisse.
· En contrepartie d’un tel droit, on peut imaginer que le Conseil vote principalement à la majorité et selon la règle d’égalité entre Etats (nature confédérale) : 1 État = 1 voix.
5. La voie d’une Europe des cercles olympiques, de la coopération à géométrie variable serait ainsi pavée, et pourrait être facilitée par une interprétation ouverte de l’article 20 sur la coopération renforcée :
· Les États qui souhaitent lancer entre eux des coopérations sectorielles seraient libres d’en choisir le domaine, les finalités, les partenaires (y compris extra-européens) et la structure de gestion. L’Europe pourra être alors enfin attractive pour nos voisins Suisses, Islandais, Norvégiens, Anglais et s'élargir à tout le continent jusqu'à la Russie.
· L’orientation des politiques ne sera plus figée dans le marbre conventionnel européen : les centaines d’articles programmatiques inclus dans le TUE et surtout le TFUE seront déconstitutionnalisés. Aucun parti ne devrait plus se voir opposer une quelconque clause d’un traité européen lorsqu’il souhaite (à tort ou à raison) proposer aux électeurs une autre politique économique et monétaire, une autre politique commerciale internationale, une autre vision de la libre-circulation, d’autres priorités écologiques ou géopolitiques.
· Il faut en finir avec la démocratie juridiquement contrôlée.
6. Une adoption simultanée des textes importants par toutes les assemblées nationales, le même jour.
· Cela allongera un peu le délai d’adoption européen, mais chacun sera heureux de voir enfin favorisées l’association et l’adhésion des peuples, à travers leurs représentants.
· Peu à peu, une agora européenne naîtra de l’Europe interparlementaire.
· L’article 9 du protocole 1, inutilisé, permettrait d’ores et déjà de conclure un accord interinstitutionnel avec le Parlement européen à cette fin.
II - Sans attendre, reprendre le contrôle de l’Union européenne par la Constitution
· Dès à présent, les États les plus motivés peuvent individuellement inscrire ces principes dans leur propre Constitution, en particulier la subsidiarité, la primauté constitutionnelle et le compromis de Luxembourg. Pour reprendre le contrôle de l’Europe, il suffit d’ajouter ou corriger simplement deux ou trois articles.
· Élargissons le champ du référendum aux actes et projets d’actes européens, qui serait obligatoire s’il est initié par 1 million d’électeurs. Il offrira un droit d'appel devant les peuples, y compris des décisions de justice européennes.
· Responsabilisons le parlement national, qui reçoit quelque 500 textes européens par an sans se donner les moyens de les examiner sérieusement :
- transposons les bonnes pratiques des démocraties nordiques telles que le mandat de négociation confié aux ministres avant les réunions européennes,
- donnons-lui le pouvoir de débattre et d’amender la contribution budgétaire annuelle,
- le droit d’enquête sur les affaires européennes à Bruxelles,
- le droit d’autoriser la ratification des traités internationaux négociés par la Commission.
· Ainsi l’on mettra fin au sempiternel « c’est la faute à Bruxelles ! » de ceux-là mêmes qui ont reçu mandat d’exercer la souveraineté au nom du peuple.
· Ces propositions sont réalisables individuellement par chaque État, pour peu qu'il s'y trouve une volonté politique faisant de « l'Europe » autre chose que le bêlement fatigué de cabris apatrides.
III - S’attaquer sans tarder au mille-feuille européen
· Ouvrons le débat de la mise en chantier des traités européens au sens large. Le mille-feuille actuel des organisations supranationales européennes est devenu une absurdité.
· Prévue par le traité de Lisbonne, l’adhésion incompréhensiblement repoussée de l’Union à la Convention européenne des droits de l’Homme, doit nous obliger à penser désormais l’Union européenne (28 États) avec le Conseil de l’Europe (47 États du continent européen, dont la Turquie et la Russie).
· Il s’agit :
o d’éliminer les doublons entre « Europe de Bruxelles » et « Europe de Strasbourg » (deux Cours de justice, deux assemblées etc.),
o de supprimer les organes inutiles (Comité des régions, Conseil économique et social etc.),
o d’instaurer pour la "Grande Europe" une conférence permanente des chefs d’État et de gouvernement se réunissant au moins tous les six mois pour s’habituer à mieux dialoguer à grande échelle sur toutes les questions notamment stratégiques et de sécurité du continent.
***
Devant la fragmentation européenne en cours et les défis à relever ensemble, l’Europe ne doit plus se confondre avec ce qui la nie : l’hystérie du mouvement perpétuel, la dictature des flux et le déracinement généralisé. Il faut passer de « l’Europe-process » - sans sujet, sans finalité et sans limite - à « l’Europe-être » : qu’elle devienne la Demeure de nos demeures.
Christophe Beaudouin est Docteur en droit, il a notamment publié La Démocratie à l’épreuve de l’intégration européenne (LGDJ, 2014) et Droit de la gouvernance de l’Union européenne - Institutions et ordre jurique (avec Armel Pécheul, IS éd., 2018)
Le présent texte a servi de base de travail à l'intervention de l'auteur lors de la première conférence des "Confederal Studies" organisée fin mai 2019 par le groupe ECR au Parlement européen ainsi qu'à un article publié dans le magazine La Nef de juin 2019.