Bruxelles : Non-lieu 09/05/2018"Bruxelles n’existe pas. C’est une illusion, un complot. Ce n’est pas une capitale, c’est une excuse. Les Belges s’en servent depuis 1830. De Bruges à Namur, dès que ça coince, dès que ça débloque, pour les Flamands comme pour les Wallons, c’est la faute à Bruxelles. Et au pays de Magritte, ça débloque plus souvent qu’à son tour. Alors un bouc-émissaire, c’est indispensable.
Cette ville est un parfait trompe-l’œil qui parviendrait presque à vous faire prendre la Belgique pour un pays comme les autres. « C’est la faute à Bruxelles ». Le concept s’est exporté au reste du continent quand, dans les années 50, la Communauté européenne naissante s’y est installée. « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble », disait le père Schuman. Le quartier qui abrite les institutions, c’est la même chose. Il s’est fait par inadvertance, comme on laisse le désordre s’installer dans le salon. Tout a commencé quand la Commission européenne a posé ses valises au numéro 200 de la rue de la Loi — comme pour dire que l’Europe se ferait par la règle et le droit. Petit à petit, des immeubles de bureau hissant pavillon bleu et or ont chassé les autochtones. Ces grands paquebots de verre et d’acier n’ont pas d’âge : trop modernes pour témoigner d’un quelconque ancrage historique, trop timides pour exprimer la tension vers l’avenir des avant-gardes. Ils ne sont ni beaux ni laids. Ils abritent des procédures longues, inflexibles et implacables, qui s’écoulent goutte à goutte, sans hâte. Pas de statues à l’effigie des pères fondateurs, pas d’obélisques, pas de coupoles, pas de palais à colonnes. Tout juste a-t-on appelé un rond-point « Schuman ». Pas de grandiose, pas de superbe. À Bruxelles, « architecte », c’est une insulte. De part et d’autre de la Loi, deux molosses se regardent en chien de faïence. D’un côté, « le Conseil » : un imposant bunker d’inspiration brutaliste dans lequel les ministres venus de toutes les capitales adoptent des décisions qu’ils mettront ensuite sur le dos des eurocrates. De l’autre, « la Commission » : une vieille fille un peu crispée qui vit dans une grande barre courbe comme on les aimait dans les années 60. La Commission est nimbée d’une aura de mystère et de pouvoir. On l’imagine, cheval de Troie de la mondialisation, remplie de fonctionnaires athlétiques, hoplites en costards italiens et chemises blanches parfaitement repassées, prêts à pourfendre la souveraineté des peuples d’Europe, glaives normatifs au poing. Au lieu de quoi on découvre des gens circonspects et affables, qui ont intériorisé aussi bien les brimades des Etats que la franche défiance du grand public. Études d’impact, consultations, analyses environnementales et sociales : on ne prend pas facilement la Commission en défaut. Mais, du coup, on ne peut pas dire que l’ambiance soit électrique. Dans les couloirs gris, les voix sont étouffées, l’ambiance studieuse — bien loin de l’agitation du Parlement européen (...)" La suite de ce billet est à lire sur l'excellent Blog Les Grecques, Bas-fonctionnaires européens ("Les Grecques est un collectif de bas-fonctionnaires européens vivant dans l'ombre des institutions, à la recherche d'un after dans cette fin de soirée européenne.") Nouveau commentaire :
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