Revue culturelle : Le Cri d'Edvard Munch est volé en plein jour

Jean Delaunay

Revue culturelle : Le Cri d’Edvard Munch est volé en plein jour

Il y a 19 ans, ce jour-là, l’une des peintures les plus emblématiques de tous les temps était volée en plein jour dans un musée d’Oslo.

Le vol du « Cri » d’Edvard Munch, ainsi que de sa « Madone », a probablement été l’un des crimes les moins subtils de l’histoire, des hommes armés masqués pénétrant dans le musée Munch pendant la journée.

On pourrait penser qu’il serait presque impossible de voler l’œuvre d’un artiste aussi célèbre dans un musée dédié à son honneur, mais les deux hommes masqués ont prouvé le contraire.

Le 22 août 2004, les deux hommes risquaient d’être arrêtés sur-le-champ dans le musée et à l’extérieur, malgré les preuves photographiques de leur crime.

Même à une époque où les caméras des téléphones portables étaient rudimentaires, un passant a réussi à prendre une photo des voleurs fuyant le musée.

POLICE/AFP via Getty Images
Une photo prise avec un téléphone portable le 22 août 2004 montre des voleurs armés fuyant les lieux après avoir cambriolé le musée Munch à Oslo.

À 11 h 20, heure locale, les deux hommes sont entrés dans l’espace, armés d’un pistolet .357 Magnum.

Les visiteurs surpris se souviennent de les avoir vu simplement s’approcher du « Cri », le retirer du mur, puis saisir la « Madone » lors de leur sortie rapide.

Des témoins ont déclaré qu’aucune alarme ne s’était déclenchée lorsque les tableaux avaient été volés. Le producteur de radio français François Castang avait déclaré à l’époque que les tableaux n’étaient fixés au mur que par un fil.

« Il suffisait (sic) de tirer fort sur le tableau pour que le cordon se détache, c’est ce que j’ai vu faire un des voleurs », a-t-il expliqué.

Les forces de l’ordre ont été déconcertées et n’ont procédé à une arrestation que huit mois plus tard, le 8 avril 2005.

HO/AFP via Getty Images
La police enquête sur les vols commis devant le musée Munch à Oslo

À cette époque, ils n’avaient pas encore récupéré les tableaux et on craignait qu’ils aient été brûlés par les suspects pour cacher les preuves du crime.

La même année, six hommes au total ont été arrêtés et inculpés, mais les tableaux sont restés introuvables.

Intensification de l’enquête

En juin 2005, Oslo a offert une récompense de 2 millions de couronnes norvégiennes (environ 173,5 millions d’euros en monnaie actuelle) pour toute information permettant la récupération des œuvres d’art.

La chasse est devenue encore plus surréaliste lorsque l’entreprise de confiserie Mars a ajouté à l’offre, tentant d’adoucir l’affaire en donnant 2 millions de M&M en échange du retour.

Malgré la promesse d’une ruée vers le sucre à vie, personne ne s’est manifesté.

Même si les autorités perdaient espoir quant à la possibilité de récupérer un jour les tableaux, un procès a eu lieu en 2006.

Trois des hommes impliqués ont été reconnus coupables et condamnés à entre quatre et huit ans de prison en mai de la même année.

POPPE/CORNELIUS/AFP via Getty Images
Le tableau « Madonna » exposé avec tous ses dégâts visibles

Deux des hommes reconnus coupables, Bjørn Hoen et Petter Tharaldsen, ont également été condamnés à verser 750 millions de couronnes (environ 86,7 millions d’euros) à la ville d’Oslo en guise de compensation.

Le chiffre astronomique était égal à la valeur estimée des peintures, mais était considéré comme une phrase symbolique.

Enfin récupéré

Alors que le musée Munch était resté fermé pendant dix mois pour une refonte de sécurité indispensable en juin 2005, les œuvres d’art n’ont été retrouvées que le 31 août 2006.

Bien que la police n’ait, à ce jour, pas divulgué de détails sur comment et où les pièces ont été trouvées, les tableaux se sont avérés sains et saufs.

Les autorités ont déclaré qu’aucune autre arrestation n’avait eu lieu, qu’aucune récompense n’avait été versée et, plus important encore, que les peintures étaient des originaux vérifiés et n’avaient subi que des dommages mineurs.

La directrice du musée Munch, Ingebjørg Ydstie, a confirmé l’état des peintures, mais « Le Cri » a subi des dommages dus à l’humidité dans le coin inférieur gauche, tandis que Madonna présentait plusieurs déchirures et trous sur la toile.

SCANPIX/AFP via Getty Images
Les chefs-d’œuvre récupérés de Munch exposés dans leur état endommagé en septembre 2006

Avant que la restauration ne soit entreprise, les deux œuvres d’art récupérées ont été exposées sous leur forme endommagée au musée.

Pendant 5 jours, quelque 5 500 personnes ont pu admirer les tableaux.

En mai 2008, les deux œuvres sont de nouveau exposées au musée, avec l’exposition « Scream and Madonna – Revisited ».

La même année, la société pétrolière et gazière Idemitsu Petroleum Norge AS a doté 4 millions de couronnes norvégiennes (environ 347 000 €) pour la conservation des deux pièces.

Il est intéressant de noter que « Le Cri », volé en 2004, n’est pas la seule version de ce tableau emblématique.

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Le peintre norvégien Munch photographié en 1938 dans l’atelier de son atelier d’hiver à Ekely en Norvège

En fait, Munch a créé quatre versions – deux en peinture et deux en pastels.

La première version peinte a été lancée en 1893 et ​​comporte une inscription de Munch indiquant « Kan kun være malet af en gal Mand ! » (ou « n’aurait pu être peint que par un fou »).

En février 1994, deux hommes sont entrés par effraction dans la Galerie nationale d’Oslo, qui abritait ce tableau, s’emparant de l’œuvre et laissant une note indiquant « merci pour la mauvaise sécurité ».

Bien que la galerie ait refusé de payer une rançon, le tableau a été retrouvé intact le 7 mai 1994.

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Le tableau emblématique exposé au public avant sa vente aux enchères dans le cadre de la « Vente du soir d’art impressionniste et moderne » chez Sotheby’s New York, 2012

Une autre version pastel a été vendue pour 119 922 600 $ (environ 110 millions d’euros) lors d’une vente aux enchères Sotheby’s en 2012, ce qui en fait l’une des œuvres d’art les plus chères jamais vendues.

Ce chiffre considérable pourrait être dû en partie aux vols de versions de « Le Cri », grâce à l’intérêt croissant du public pour l’œuvre. C’est une tendance dans le monde de l’art depuis des décennies, notamment lorsque « Mona Lisa » a été volée en 1911, un incident qui a valu à la création de Léonard de Vinci une renommée mondiale.

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