BRUXELLES — Vous voulez diriger un pays avec six parlements, trois langues officielles et une mascotte nationale représentant un garçon qui pisse dans les rues pavées de votre capitale ?
Vraiment?
La Belgique se dirige vers une triple élection le 9 juin, avec des électeurs votant pour élire un nouveau parlement fédéral, des parlements régionaux et des membres du Parlement européen le même jour. C’est ce que le pays appelle la « mère de toutes les élections ».
Le triple vote pourrait une fois de plus mettre le pays dans une impasse. Dans la moitié nord néerlandophone du pays, la Flandre, les nationalistes flamands d’extrême droite et de droite devraient gagner. Dans la moitié sud francophone, la Wallonie, les sociaux-démocrates et l’extrême gauche ont dominé la campagne.
Les pourparlers de coalition pour former un gouvernement national devraient prendre des mois. Le pays détient déjà le record mondial à cet égard, après avoir passé 541 jours sans gouvernement en 2010-2011, alors qu’il était confronté à une fracture similaire.
Il faudra un cerveau stratégique pour forger une coalition au pouvoir : un grand maître du célèbre compromis à la belge de trouver un terrain d’entente là où il n’en existe apparemment pas.
Alors le vrai leader belge va-t-il se lever, s’il vous plaît ?
Voici la liste de L’Observatoire de l’Europe des candidats probables (et certains improbables) pour prendre le relais de l’actuel Premier ministre Alexander De Croo et diriger la Belgique après les élections de juin.
Pourquoi? Leader du Parti socialiste francophone, Magnette ne cache pas ses ambitions de devenir le prochain Premier ministre. Son parti se bat pour rester le plus grand parti francophone de Belgique, selon L’Observatoire de l’Europe Poll of Polls.
Ancien professeur suave de droit constitutionnel européen formé à Cambridge, Magnette est devenu (in) célèbre en Europe et au Canada pour avoir retardé un accord commercial en 2016.
Il était sur le point de devenir Premier ministre en 2020 lorsqu’il a été nommé par le roi, aux côtés de De Croo, pour diriger les négociations épineuses qui ont conduit à l’actuel gouvernement.
Si Magnette joue ses cartes juste après le 9 juin, ce sera peut-être au poids lourd socialiste de diriger le pays cette fois-ci.
Pourquoi pas? Pour tenter de s’emparer du trône, Magnette devra vaincre son ennemi juré : le Parti des travailleurs de gauche. Ce parti pourrait remporter encore plus de sièges au Parlement fédéral que le Parti Socialiste de Magnette. Magnette fait également face à une poussée de dernière minute du Mouvement réformateur (MR), de centre-droit, à sa droite.
Magnette doit également vaincre la résistance flamande généralisée. Les électeurs du Nord se tournent vers le Vlaams Belang, un parti séparatiste d’extrême droite, et vers la N-VA, une formation conservatrice et nationaliste flamande, deux partis qui ont bâti leur pouvoir politique en fustigeant la politique de la gauche francophone. Il sera difficile de trouver une majorité ouvrière qui accepterait un socialiste francophone comme premier ministre.
Chances de succès :
Pourquoi? De Croo a clairement indiqué qu’il souhaitait rester Premier ministre.
D’une part, le bilan de son gouvernement en matière de mise en œuvre de réformes structurelles est mitigé. D’un autre côté, il a réussi à maintenir en vie jusqu’au bout sa coalition de sept partis idéologiquement divisée, tout en guidant le pays à travers les retombées économiques de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
Pourquoi pas? Le parti de De Croo, les Libéraux flamands, ne recueille actuellement que 10 pour cent des suffrages flamands, ce qui en ferait l’un des plus petits partis en termes de sièges au Parlement fédéral.
Même De Croo lui-même a admis qu’il n’avait que peu de chances de redevenir Premier ministre. A-t-il déjà les yeux rivés sur l’un des postes les plus importants de l’UE ?
De Croo en prolongation : les Belges apprécieront encore un peu le libéral flamand, car il restera (au moins dans un premier temps) comme Premier ministre par intérim pendant que les dirigeants des partis chicanent pendant des mois sur la forme de la prochaine coalition.
Chances de succès :
Pourquoi? L’ancienne Première ministre a dirigé son pays pendant la majeure partie de la pandémie. Après une courte pause, elle effectue un retour politique.
Wilmès a quitté son ancien poste de ministre belge des Affaires étrangères sous De Croo en 2022 pour s’occuper de son mari malade, décédé depuis. Elle est désormais la tête de liste du MR libéral francophone aux élections au Parlement européen.
Alors que les partis de droite devraient gagner en Flandre, son MR – le seul parti de centre-droit en Wallonie – pourrait être bien placé pour remettre le Premier ministre au pouvoir. Le MR a rattrapé le PS en Wallonie dans certains sondages récents et les libéraux pourraient constituer une option plus appropriée pour les partis de droite flamands.
Pourquoi pas? Le MR devrait sortir des élections comme le cinquième parti au Parlement fédéral. Wilmès est toujours populaire parmi les électeurs francophones, mais son premier mandat en tant que Premier ministre a également suscité des critiques quant à son style de leadership. De plus, si le MR nomme le prochain Premier ministre, Wilmès pourrait alors faire face à des rivaux au sein de son propre parti (voir ci-dessous).
Chances de succès :
Pourquoi? L’actuel président du Conseil européen et ancien Premier ministre belge se retrouvera au chômage à la fin de son mandat le 1er décembre. Les chances qu’il décroche un autre poste de haut niveau européen ou international sont minces.
Au sein de son parti des libéraux francophones, le MR, il entretient des relations étroites avec l’actuel président du parti Georges-Louis Bouchez. Bouchez pourrait théoriquement présenter Michel comme un potentiel Premier ministre doté d’une expérience nationale et internationale.
Pourquoi pas? Le bilan de Michel en tant que Premier ministre belge entre 2014 et 2019 a été, au mieux, mitigé.
Pour avoir une seconde chance, il devrait d’abord arranger les choses au sein de son propre parti. Plus tôt cette année, Michel a annoncé qu’il dirigerait la campagne électorale du MR pour l’UE, mais il a fait volte-face après que certains dirigeants et responsables européens aient été furieux qu’il quitte le navire du Conseil européen. Cela a provoqué beaucoup de frustration au sein de son propre parti.
Interrogé sur les chances de Michel, un membre du parti l’a dit sans détour : « Michel ? Jamaïs. »
Chances de succès :
Pourquoi? Chuchotez-le, mais l’homme qui a placé le nationalisme flamand au centre de la politique nationale au cours des deux dernières décennies a une chance de diriger le pays qu’il s’efforce de démanteler.
Si les sondages s’avèrent exacts, le principal rival de De Wever à sa droite – le Vlaams Belang, séparatiste et d’extrême droite, plus extrême et aligné sur Marine Le Pen en Europe – sortirait vainqueur des élections. Personne ne veut gouverner avec le Vlaams Belang, cependant, et la N-VA de De Wever pourrait donc devenir faiseuse de roi et constituer une alternative plus acceptable pour apaiser les électeurs nationalistes flamands.
De Wever a indiqué qu’il souhaitait former un gouvernement axé sur la réduction du déficit budgétaire vertigineux du pays. Le prix à payer pour obtenir le soutien de De Wever ? Il faudrait que d’autres partis, y compris les partis francophones, acceptent de transformer le pays fédéral en un pays « confédéral », en plaçant d’importantes compétences sous la responsabilité des gouvernements régionaux.
Pourquoi pas? Il est peu probable qu’un gouvernement belge dirigé par un nationaliste flamand gagne beaucoup de terrain parmi les partis politiques francophones.
Chances de succès :
Pourquoi? Au pays du surréalisme, n’excluez jamais une surprise de dernière minute.
Les hommes politiques belges ne sont pas vraiment les plus rapides à former un gouvernement (avons-nous mentionné ce record mondial de jours sans gouvernement ?). Il est peut-être temps pour le roi Philippe de Belgique de confier la tâche à une (sur)vraie figure belge.
On pense aux pop stars comme Stromae ou Angèle, qui ont célébré la diversité du pays. Ou peut-être l’un de ses athlètes célèbres – qui ont tendance à inspirer plus de fierté nationale que ses politiciens – comme le médaillé d’or olympique Nafi Thiam ou l’ancien capitaine de l’équipe nationale de football Vincent Kompany.
Pourquoi pas? Construire une coalition belge équivaut politiquement à réaliser un triple saut d’Axel en patins. Une certaine expérience politique peut s’avérer utile.