Pourquoi le gouvernement américain poursuit-il Google en justice et quel impact cela aura-t-il sur les Big Tech ?

Jean Delaunay

Pourquoi le gouvernement américain poursuit-il Google en justice et quel impact cela aura-t-il sur les Big Tech ?

Dans ce qui s’annonce comme une affaire historique, Google risque d’être démantelé s’il s’avère que l’entreprise a enfreint les lois antitrust aux États-Unis.

Le ministère américain de la Justice et une coalition de procureurs généraux d’État entameront mardi un procès antitrust à succès à Washington DC, alléguant que Google, la société Alphabet, a abusé illégalement de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche pour maintenir son pouvoir de monopole.

Alors, comment est-ce arrivé et quels sont les enjeux ?

Voici un aperçu des principales questions soulevées dans l’affaire historique contre le géant de la technologie.

Quelle est la théorie juridique du gouvernement américain ?

Les États-Unis et leurs alliés affirment que Google a illégalement étouffé la concurrence en versant des milliards de dollars à Apple et à d’autres partenaires commerciaux pour garantir que son moteur de recherche soit celui par défaut sur la plupart des téléphones et navigateurs Web.

Le procès du gouvernement, déposé en 2020 devant un tribunal fédéral, allègue que ces accords étaient destinés à être « d’exclusion », refusant à ses concurrents l’accès aux requêtes de recherche et aux clics, et permettant à Google de consolider sa domination sur le marché.

Google a conquis une part de marché de 90 pour cent dans la recherche aux États-Unis ces dernières années, selon les estimations du gouvernement.

Le gouvernement a déclaré que les accords sur les navigateurs – qui dirigent chaque jour des milliards de requêtes Web vers Google – ont entraîné moins de choix pour les consommateurs et moins d’innovation.

Que dit Google pour sa défense ?

Google voit les choses bien différemment. La société, qui affirme ne pas avoir violé la loi antitrust, a déclaré dans un dossier judiciaire déposé en janvier que ses accords de navigation constituaient une « concurrence légitime » et non une « exclusion illicite ».

Les accords n’ont pas empêché les concurrents de développer leurs propres moteurs de recherche ni d’empêcher des sociétés telles qu’Apple et Mozilla d’en faire la promotion, affirme Google.

Au contraire, les fabricants de téléphones et de navigateurs Web ont défini la recherche Google par défaut parce qu’ils souhaitaient offrir à leurs clients une expérience de « qualité supérieure », a affirmé Google dans son dossier de janvier.

Google affirme également que les utilisateurs mobiles peuvent facilement changer de moteur de recherche s’ils souhaitent utiliser un autre moteur de recherche.

Que dit la loi américaine ?

Il n’est généralement pas illégal pour une entreprise de conclure un accord avec un client qui en exclut les autres.

De tels accords exclusifs sont en effet courants et ne font pas l’objet d’un examen réglementaire approfondi lorsqu’une entreprise dépourvue de pouvoir de marché ne peut pas affecter de manière significative la concurrence.

Mais les accords exclusifs peuvent violer la loi antitrust si une entreprise est si grande ou si puissante qu’elle empêche ses concurrents d’entrer sur le marché et ne peut pas prouver que ses restrictions sur la concurrence dans le secteur sont contrebalancées par un effet positif sur les consommateurs.

Il incombe au ministère américain de la Justice de démontrer que les accords commerciaux de Google ont porté atteinte à la concurrence dans le domaine des recherches.

Google aura sa propre chance lors du procès sans jury, une fois que le gouvernement aura fait valoir ses arguments, pour faire valoir que ses accords profitent aux consommateurs.

Que se passe-t-il si Google perd ?

Les États-Unis et leurs alliés ne demandent pas de sanction pécuniaire, mais plutôt une injonction interdisant à Google de poursuivre les prétendues pratiques anticoncurrentielles.

Une telle commande pourrait avoir des implications commerciales importantes pour Google.

Par exemple, le gouvernement américain a déclaré dans son procès que le tribunal pourrait démanteler l’entreprise à titre de solution.

Plus généralement, le ministère de la Justice pourrait faire valoir qu’il veut empêcher Google d’exploiter son prétendu monopole de recherche pour conclure des accords exclusifs sur des marchés émergents, notamment l’intelligence artificielle (IA).

Cette affaire est largement considérée comme l’un des plus grands défis pour le pouvoir de l’industrie technologique depuis que le DOJ a poursuivi Microsoft en justice en 1998 pour sa domination du marché des ordinateurs personnels.

Le tribunal de première instance dans cette affaire a jugé que Microsoft avait illégalement tenté de bloquer le navigateur rival Netscape Navigator. Microsoft est par la suite parvenu à un accord qui a laissé l’entreprise intacte.

Le procès de Google devant le tribunal américain du district de Columbia devrait durer environ 10 semaines.

Le juge ne devrait pas se prononcer avant 2024.

Qui préside le dossier ?

Le juge de district américain Amit Mehta a été nommé à la magistrature en 2014 par le président de l’époque, Barack Obama, après une carrière d’avocat privé à Washington DC.

Il a supervisé plusieurs litiges antitrust majeurs. En 2015, Mehta a bloqué la fusion de Sysco Corp. de 3,5 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros) avec US Foods.

Mehta a récemment présidé le procès de Peter Navarro, l’ancien conseiller de Donald Trump qui a été reconnu coupable le 7 septembre d’outrage au Congrès.

En mai, Mehta a condamné le fondateur d’Oath Keepers, Stewart Rhodes, à 18 ans de prison pour son rôle dans l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain.

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