Crise énergétique, changement climatique, instabilités géopolitiques. L’hydrogène pourrait-il tous les résoudre ? Mais attendez, qu’est-ce que l’hydrogène exactement ?
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, la crise énergétique domine le débat public européen. Parmi les solutions proposées pour réduire la dépendance des pays européens au gaz importé de Russie, l’hydrogène apparaît comme un concurrent de taille.
L’Espagne et la France ont déjà élaboré des plans d’investissement pour renforcer cette méthode énergétique. Mais qu’est-ce que l’hydrogène exactement et est-il le carburant du futur de l’Europe ?
L’hydrogène, le mystérieux vecteur d’énergie
Découvert pour la première fois en 1766 par le scientifique britannique Henry Cavendish, l’hydrogène est un élément chimique inodore, insipide et hautement inflammable.
Il existe dans la nature à la suite de réactions avec d’autres sources d’énergie et est donc défini comme un vecteur énergétique, car il facilite le transport et le stockage d’autres sources d’énergie.
Selon le carburant qui réagit, il existe différents types d’hydrogène associés à différentes couleurs. L’hydrogène gris est produit par les gaz naturels, l’hydrogène vert issu des énergies renouvelables, l’hydrogène noir issu du charbon, l’hydrogène rose issu de l’énergie nucléaire et l’hydrogène bleu issu du captage du carbone.
La couleur de l’hydrogène la plus populaire est le gris, qui représentait 62 % de la production mondiale d’hydrogène en 2022. Il est produit en faisant réagir le méthane contenu dans les gaz à effet de serre avec de la vapeur à haute température et est utilisé dans les secteurs agricole, pharmaceutique et secteurs manufacturiers. Mais son problème est que, tout comme sa principale source d’énergie, elle est polluante. En 2022, la production d’hydrogène gris était à l’origine de 2 % des émissions mondiales de carbone.
Une alternative plus durable à cette source d’énergie est l’hydrogène vert, créé à partir d’énergies renouvelables par électrolyse, un processus utilisant l’énergie électrique pour séparer les molécules d’eau et retenir la partie hydrogène.
Contrairement à l’hydrogène gris, la production d’hydrogène vert ne dégage aucune émission ; cependant, c’est beaucoup plus cher.
« Le problème avec le vert est que nous n’avons pas autant d’énergie solaire et éolienne », explique le professeur Ad van Wijk, de l’Université TU Delft. « Nous devons installer beaucoup plus d’infrastructures solaires et éoliennes et les prix pour le faire et ensuite faire l’électrolyse sont encore plus élevés que ceux pour produire de l’hydrogène gris », ajoute-t-il.
Alors, si l’hydrogène vert est très cher et que l’hydrogène gris est très polluant, pourquoi y a-t-il tant de battage médiatique autour de l’hydrogène ?
L’hydrogène blanc, la source d’énergie sous-explorée
« Il y a un an et demi, personne ne parlait d’hydrogène naturel », explique Philippe De Donato, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique et professeur à l’université de Lorraine. « Et bien, il y a cet hydrogène naturel, l’hydrogène directement produit par la nature. C’est une source d’énergie primaire, ce qui signifie que nous l’extrayons directement du sous-sol et que nous pouvons l’utiliser directement comme source d’énergie. »
Trouvé à l’origine dans la ville de Bourakébougou au Mali en 1987, l’hydrogène blanc est une source d’énergie primaire, créée sous terre par des réactions chimiques. Comparé à d’autres formes d’hydrogène, l’hydrogène natif est encore peu étudié mais a été trouvé dans de nombreuses régions européennes, comme la région française de Lorraine.
Dans cette région industrielle de la France, De Donato et son collègue Jacques Pironon ont passé plus de quatre ans à diriger le projet Regalor pour extraire des ressources exploitables en méthane. Mais, en plus du gaz à effet de serre, ils ont également trouvé de l’hydrogène natif et ont démontré que son pourcentage augmente avec la profondeur de l’excavation. « Pour nous, c’était une vraie surprise, c’était quelque chose qui n’avait jamais été démontré auparavant », reconnaît Pironon.
Malgré l’achèvement du projet Regalor en décembre 2023, de nombreuses études sont menées partout en Europe pour trouver d’autres sources cachées d’hydrogène blanc.
Hydrogène, où en sommes-nous dans l’UE ?
L’hydrogène est un acteur relativement nouveau dans le système énergétique de l’Union européenne.
En 2022, seulement 8 % de la production mondiale d’hydrogène provenait d’Europe. Cet hydrogène représentait moins de 2 % de la consommation énergétique européenne et était presque entièrement produit à partir de gaz à effet de serre polluants.
« Cela a vraiment commencé avec le Green Deal. Donc, au début du mandat d’Ursula von der Leyen en 2019-2020 », explique Anna Hubert, journaliste énergie au Contexte. « Nous avons réalisé que des efforts importants étaient nécessaires pour décarboner le mix énergétique de l’UE. Cela impliquait non seulement de développer les énergies renouvelables traditionnelles, mais également d’investir dans d’autres technologies un peu moins matures, comme l’hydrogène. »
En décembre 2023, l’UE a approuvé le paquet gaz et investi dans des fonds d’investissement pour des projets visant à produire de l’hydrogène vert sur le continent. Parmi ces initiatives, il y a par exemple la Banque de l’hydrogène, dotée de 800 millions d’euros, qui encourage les industries et les pays à expérimenter cette source d’énergie.
Malgré des investissements importants venant de Bruxelles, certains obstacles majeurs subsistent à l’intégration des différentes formes d’hydrogène dans le paysage énergétique européen.
Les institutions européennes élaborent encore les définitions des différentes couleurs de l’hydrogène et sont loin de parler de sa version native.
Par ailleurs, de nombreuses questions politiques et scientifiques attendent encore une réponse claire : investir dans l’hydrogène vert va-t-il mettre à mal le développement des énergies renouvelables ? Où se trouve l’hydrogène blanc ? Comment les gens peuvent-ils l’utiliser ?