Le Parlement français a voté en faveur d’une répression de la mode jetable.
Les publicités de fast fashion pourraient bientôt être interdites en France dans le cadre d’une nouvelle proposition visant à sévir contre l’industrie polluante.
Le Parlement français a voté jeudi à l’unanimité en faveur du projet de loi, qui vise également à imposer des sanctions sur les vêtements à bas prix pour couvrir leur impact environnemental.
Les mesures, déposées par la députée Anne-Cécile Violland, vont maintenant être soumises au Sénat pour un nouveau vote.
« Je me réjouis de cette avancée majeure », a écrit jeudi sur X le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. « Un grand pas a été franchi pour réduire l’empreinte environnementale du secteur textile. »
« La mode ultra rapide est un désastre écologique »
Béchu a été un fervent partisan du projet de loi, écrivant mardi sur X que « l’ultra fast fashion est un désastre écologique : les vêtements sont mal confectionnés, largement achetés, rarement portés et rapidement jetés ».
Il soutient le projet d’interdiction de la publicité pour les produits de fast fashion, y compris via les influenceurs des réseaux sociaux, et l’instauration de sanctions écologiques sur les vêtements.
Béchu a également exprimé son soutien au renforcement de l’information des consommateurs par les marques de mode rapide sur l’impact environnemental de leurs vêtements, et a déclaré qu’elles devraient encourager les consommateurs à réutiliser les articles.
Shein visé par le projet de loi anti-fast fashion français
Le détaillant de mode rapide sino-singapourien Shein est spécifiquement visé par la proposition.
« Shein propose 900 fois plus de produits qu’une marque française traditionnelle », peut-on lire, ajoutant que la marque sort plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour, avec un total de 470 000 produits différents disponibles au total.
Cela permet à la marque d’attirer un large éventail de clients, de réaliser de « vastes économies de vente » et de pratiquer « des prix toujours plus bas », précise-t-elle.
Cela oblige les marques de mode européennes à augmenter leur production afin de rester compétitives.
Le mois dernier, Shein a envisagé de s’inscrire à la Bourse de Londres. Dans sa candidature, la marque de mode ultra-rapide, vendue dans plus de 150 pays à travers le monde, visait une valorisation d’environ 90 milliards de dollars, selon Bloomberg. Il s’agirait de la plus grande offre publique initiale (IPO) jamais réalisée à la Bourse de Londres, mais cela pourrait ouvrir la voie à un examen minutieux de ses pratiques de fabrication.
La forte rotation des articles de mode bon marché « influence les habitudes d’achat des consommateurs en créant des impulsions d’achat et un besoin constant de renouvellement », prévient la proposition, avec des conséquences environnementales, sociales et économiques négatives.
L’impact environnemental de la fast fashion
Chaque année, plus de 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde, selon l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
En France, en l’espace d’une décennie, le nombre de vêtements vendus annuellement a augmenté d’un milliard, pour atteindre 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant, constate l’éco-organisation Refashion.
Dans le monde, l’industrie du textile et de l’habillement est responsable d’environ 10 pour cent des émissions de gaz à effet de serre, selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), soit plus que le total des émissions provenant du transport aérien et maritime.
Il contribue également à la pollution de l’eau, dont 20 % sont imputables à la teinture et à la transformation des textiles, ainsi qu’aux microplastiques rejetés par les matières synthétiques lors de leur lavage.
Les vêtements bon marché sont en outre associés à des violations bien documentées des droits de l’homme et du travail.
Que fait-on pour lutter contre la pollution de la fast fashion en Europe ?
Diverses lois sont progressivement introduites par l’UE pour réduire l’impact des industries polluantes. La loi Climat et Résilience prévoit par exemple de rendre obligatoire l’affichage d’informations environnementales sur des biens comme les vêtements. Il cible également les labels environnementaux trompeurs, vise à réduire les emballages et favorise la réparation et la réutilisation des biens.
Le paquet économie circulaire de l’UE poursuit cet objectif en introduisant un bonus aux
réparer les produits, promouvoir l’économie circulaire et locale et encourager l’éco-conception.
Cependant, ces mesures ne suffisent pas à répondre à la menace environnementale de la fast fashion, affirme le projet de loi français, ajoutant qu’il faut revenir à des volumes de production durables.
Qu’est-ce qui changerait dans le cadre du projet de loi sur la fast fashion française ?
Le projet de loi propose de renforcer l’information et la sensibilisation des consommateurs sur l’impact environnemental de la fast fashion. Il cherche également à encourager la réutilisation et la réparation des vêtements pour lutter contre la culture du jetable.
Attribuant une plus grande responsabilité aux producteurs, il propose des amendes basées sur l’impact environnemental et la production de carbone des biens, similaires à celles déjà imposées dans l’industrie automobile.
En prenant en compte des éléments tels que la durabilité et la recyclabilité, ce montant serait appliqué sur une échelle mobile et pourrait atteindre jusqu’à 10 euros par article vendu ou 50 pour cent du prix d’achat d’ici 2030, a déclaré Violland à Radio France.
En plus de promouvoir une concurrence équitable pour les entreprises qui fonctionnent de manière plus durable, les amendes seraient utilisées pour financer la gestion des déchets, des primes pour les réparations et des campagnes de sensibilisation du public.
Enfin, le projet de loi interdirait la publicité pour les marques et produits de mode rapide, de la même manière que la publicité sur les combustibles fossiles a été interdite en vertu de la loi sur le climat et la résilience.
Le projet de loi a reçu le soutien de voix de l’industrie, notamment du créateur français de vêtements pour hommes et président de la Fédération Nationale de l’Habillement (Fédération nationale française de l’habillement) Pierre Talamon, qui affirme que les marques qui s’engagent dans « des techniques de marketing commercial et de surproduction qui vous poussent à acheter des vêtements les porter sept à huit fois puis les jeter à la poubelle » devrait être pénalisé.
Ces acteurs « ne créent pas d’emplois mais en détruisent », ajoute-t-il.