Où est Macron ? Le président français disparaît en pleine crise électorale

Martin Goujon

Où est Macron ? Le président français disparaît en pleine crise électorale

PARIS — La dernière fois qu’Emmanuel Macron a été aperçu en public, il portait une veste aviateur sombre, des lunettes de soleil Top Gun et une casquette de baseball noire.

Son look incognito de rock star, alors qu’il votait dans la ville côtière du Touquet dimanche, a attiré beaucoup d’attention sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu.

Mais malgré ce moment d’arrogance, la vérité est que Macron s’est récemment retiré de la vie publique. En dehors de ses engagements internationaux prévus, il n’a pas été vu en public depuis près de deux semaines.

Dimanche dernier, au lieu que Macron apparaisse à la télévision pour réconforter ses troupes blessées après une défaite cuisante au premier tour des élections législatives, l’Elysée a diffusé un bref communiqué du président appelant à l’unité.

Pour la première fois, l’alliance centriste de Macron, déjà meurtrie et malmenée après sa défaite aux élections européennes de juin, mène une bataille désespérée sans son chef.

Et la réalité est que ses alliés ne veulent pas de lui dans la campagne électorale : le visage de Macron est même retiré des tracts de campagne.

Le président français pourrait être contraint de former un gouvernement de « cohabitation » avec le Rassemblement national de Marine Le Pen. | Francois Lo Presti/Getty Images

« On lui a dit d’arrêter (de faire campagne)… Et ce n’est pas vraiment qu’il a entendu notre message, c’est plutôt qu’il a été forcé de l’entendre », a déclaré un responsable du parti Renaissance, qui a obtenu l’anonymat pour discuter d’un sujet sensible.

« (Le président) a sous-estimé à quel point le public était rebuté par sa personnalité », a ajouté le responsable.

Ces dernières semaines, plusieurs poids lourds du parti ont fait pression pour que Macron se tienne à l’écart de la campagne, dans le cadre de ce qu’un allié clé a appelé une « démacronisation » nécessaire. Un ministre a même admis à la télévision publique que l’image de Macron était « usée ».

Pour le président de 46 ans, bavard et audacieux, qui ne cesse d’attirer l’attention, de proposer de nouvelles idées et de perturber le statu quo, la nouvelle réalité n’est pas confortable.

Mais tel un Napoléon contraint à l’exil, Macron est retourné à la case départ et prépare sa prochaine bataille : gouverner la France après ce qui devrait être une défaite retentissante dimanche. Le président français pourrait être amené à former un gouvernement de « cohabitation » avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, qui devrait être le principal groupe parlementaire.

Ces derniers jours, Macron s’est employé à renforcer son influence, en nommant plusieurs hauts fonctionnaires en France et en faisant pression pour que ses alliés obtiennent des postes clés à Bruxelles, s’attirant les accusations de Le Pen selon lesquelles il organisait « un coup d’État administratif ».

Mercredi, le porte-parole du gouvernement a annoncé de nouvelles nominations dans la police et les forces de sécurité à l’issue de la réunion hebdomadaire du cabinet. Des dizaines de hauts responsables militaires ont également été nommés dans l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air.

D’autres nominations étaient attendues, mais face à la levée de boucliers suscitée par le remaniement administratif, le président a été contraint de revoir son projet à la baisse. Une source proche des discussions à l’Elysée a ironiquement qualifié ce projet de « léger retour en arrière », selon Playbook Paris.

Installé à l’Elysée, le président envisage également plusieurs scénarios pour le lendemain, parmi lesquels une victoire écrasante de l’extrême droite, un parlement sans majorité absolue avec le Rassemblement national comme groupe le plus important, et une coalition excluant l’extrême droite, selon plusieurs responsables.

Plusieurs alliés de Macron ont évoqué la possibilité de former une coalition souple, similaire à ce que les partis espagnols ou allemands sont capables de faire.

Si l’extrême droite remporte une très large majorité, Macron serait sous pression pour nommer Jordan Bardella au poste de Premier ministre. | Dimitar Dilkoff/Getty Images

« C’est peut-être l’occasion de réinventer notre façon de gouverner », a déclaré à la radio le Premier ministre français Gabriel Attal, ajoutant que « de ce scrutin pourrait sortir une Assemblée nationale plurielle », avec « plusieurs groupes politiques de droite, de gauche et du centre qui pourraient travailler ensemble, un projet à la fois ».

Mais une telle alliance dépend des résultats de dimanche et ne serait possible que si Macron acceptait de travailler avec l’extrême gauche, ou si les socialistes, les verts et les communistes acceptaient de rompre avec leur partenaire de coalition, la France insoumise. Ces deux éventualités paraissent très éloignées.

Mais combien de temps Macron va-t-il rester loin des caméras ? Pas longtemps, semble-t-il.

Dimanche soir, une fois connue l’ampleur de la victoire du Rassemblement national, le président devra se pencher sur le choix d’un nouveau Premier ministre, ce qui pourrait prendre des semaines s’il n’y a pas de majorité claire au Parlement.

« Il reprendra le rôle de garant des institutions françaises », a déclaré le même responsable du parti cité plus haut. Si l’extrême droite remporte une très large majorité, Macron serait sous pression pour nommer le chef du Rassemblement national, Jordan Bardella, au poste de Premier ministre. Dans le cas contraire, le président pourrait s’engager dans de longues négociations de coalition avec ses rivaux actuels de gauche et de droite.

Mais il est difficile d’imaginer comment les relations avec les alliés libéraux de Macron pourront s’améliorer et comment son image auprès du grand public pourra s’améliorer. Sa cote de popularité a chuté ces dernières semaines, selon plusieurs sondages.

En campagne électorale, Attal, l’une des rares personnalités populaires du gouvernement, sourit en serrant les dents lorsque les clients lui disent qu’ils n’aiment pas son patron. Dans un contexte politique français en pleine tourmente, Macron a été décrit comme un « fou », un « agent du chaos » et accusé d’avoir supervisé un « fiasco ».

Aucune dose de magie Top Gun ne changera cela à court terme.

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