De jeunes militants ont joué un rôle majeur dans l’éviction du parti « anti-climat » polonais la semaine dernière – voici comment ils ont procédé.
Les résultats des élections polonaises sont célébrés comme une victoire à la fois pour la démocratie et pour l’action climatique.
La semaine dernière, les partis d’opposition ont obtenu la majorité face au parti de droite Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, ou PiS). Même si le PiS a obtenu le plus grand nombre de voix pour un seul parti, soit 35 %, cela n’a pas suffi à maintenir son emprise au pouvoir pendant huit ans.
L’opposition – composée de la Coalition civique de l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk, du centre-droit Troisième Voie et du parti de gauche Lewica – est désormais sur la bonne voie pour former un nouveau gouvernement d’ici fin décembre.
Leur victoire promet un déploiement accéléré des énergies renouvelables, une amélioration des droits de l’homme et une position ambitieuse sur les politiques climatiques de l’UE. Le charbon représente 80 pour cent du mix énergétique de la Pologne. On espère donc que ce changement politique conduira à son élimination plus rapide.
Les militants pour le climat ont joué un rôle majeur dans la récente victoire électorale, comme je l’ai constaté en discutant avec Dominika Lasota et Wiktoria Jędroszkowiak du groupe de campagne Wschód (qui se traduit par Est ou Lever du soleil).
« Au cours des huit dernières années, nos politiques climatiques ont été gelées », explique Wiktoria. «Même avant l’accord de Paris, le climat n’était pas un sujet majeur en Pologne.»
En Pologne, militer pour le climat n’a pas été une tâche facile. « Depuis des années, nous rédigeons des pétitions et organisons des manifestations. Mais en réalité, nous savions que rien de significatif ne serait fait au niveau politique », dit Wiktoria. « Nous savions que nos chances étaient très faibles, mais nous étions engagés dans ce combat quelles que soient les circonstances. Et maintenant, tout est différent.
« La seule promesse climatique concrète que nous avons reçue du gouvernement était que nous continuerions à utiliser le charbon jusqu’en 2049 – donc jusqu’à présent, toutes nos politiques ont été complètement détachées de la réalité », explique Dominika.
Mais avec le changement de gouvernement, les militants s’attendent désormais à un changement positif.
« Je comprends pourquoi les gens ont peur de la transition, compte tenu de la mauvaise gestion politique de la chute du communisme et de notre dépendance continue au charbon. Nous avons beaucoup de travail à faire », ajoute-t-elle.
Quel est le bilan climatique de la Pologne ?
Le gouvernement polonais actuel a ralenti l’action climatique en adoptant une position hostile à l’égard des politiques européennes, affirment les militants.
« Le droit et la justice, d’une certaine manière, assimilaient la politique climatique à l’intervention de l’Union européenne en Pologne », affirme Dominika. « Ils ont utilisé leurs sentiments anti-européens pour renforcer leur pouvoir politique. S’opposer à l’action climatique n’était qu’un outil parmi d’autres pour y parvenir. »
Le droit et la justice ont été décrits comme un frein à l’ambition climatique de l’Union européenne. Il s’est opposé à plusieurs mesures et a menacé cette année de poursuivre le bloc en justice pour son projet d’élimination progressive des véhicules polluants. Les politiques climatiques de l’UE ont également été la cible de campagnes de désinformation, coordonnées par les ministres polonais et les entreprises publiques.
« Cette attitude a conduit l’UE à empêcher la Pologne de recevoir des fonds de relance en cas de pandémie », explique Dominika. L’opposition étant pro-climat et pro-UE, elle s’attend à des progrès rapides bientôt – avec l’aide de la pression électorale, bien sûr.
Les militants pour le climat ont contribué à une participation électorale record
Dominika et Wiktoria, ainsi que d’autres militants de Wschód, ont fait campagne pendant des mois pour mobiliser les électeurs avant les élections. Cela s’est accompagné d’un changement d’orientation : « Nous avons rapidement compris que les tactiques conventionnelles ne fonctionneraient pas – que nous ne parviendrons pas à toucher le cœur de la majorité des Polonais en parlant uniquement du climat et de l’énergie. »
Wschód a reconnu la nécessité de cibler une population jeune, en particulier les femmes déçues par la politique après l’interdiction de l’avortement en 2020. Wiktoria cite un sondage réalisé en mars montrant que 50 pour cent des femmes entre 18 et 39 ans n’avaient pas l’intention de voter, même si elles soutenaient l’opposition.
Leur campagne les a emmenés dans des festivals de musique et impliquait une stratégie efficace sur les réseaux sociaux mettant en vedette des célébrités et des influenceurs. Une vidéo de mobilisation électorale, mettant en scène des femmes d’horizons divers, sous le slogan de campagne « Cicho Już Byłyśmy » (« Nous sommes déjà restés silencieux ») a touché jusqu’à 20 millions de personnes, soit l’équivalent de plus de la moitié de la population polonaise.
Au final, les femmes et les jeunes étaient bien représentés parmi un taux de participation record de plus de 74 pour cent de la population polonaise. Dans une vidéo émouvante partagée sur Instagram, les militants ont réagi aux résultats en direct, Dominika écrivant : « Nous avons notre Pologne. Nous avons notre avenir. Nous nous sommes battus pour cette liberté, ce souffle de soulagement, notre démocratie.
« Maintenant, ces gens réalisent que leur voix compte vraiment », a déclaré Wiktoria, 22 ans, à L’Observatoire de l’Europe Green. « Ce sont les jeunes qui ont décidé de ces élections. Maintenant, ils devront nous écouter, sinon nous les rejetterons comme nous l’avons fait auparavant.»
La Pologne est invitée à donner la priorité à une transition juste hors du charbon
Le nouveau gouvernement est confronté à la tâche colossale de remédier à la dépendance de la Pologne au charbon.
Le charbon avait été présenté comme « l’or noir polonais » par Law and Justice, mais Dominika souligne la dissonance entre cette rhétorique et la réalité.
« Plus de dix mines sont fermées parce que le charbon est devenu économiquement inefficace. Personne n’assume la responsabilité de ce processus et les gens sont laissés pour compte, livrés à eux-mêmes, sans aucun soutien politique », dit-elle.
Il est urgent d’engager un dialogue avec la communauté des mines de charbon, explique Dominika. « Le sentiment général parmi les mineurs de charbon et les syndicats est qu’ils se sentent trahis par les gouvernements précédents.
« Il existe différents groupes parmi les mineurs de charbon, avec des attitudes différentes à l’égard de l’action climatique », ajoute-t-elle. « Mais beaucoup d’entre eux souhaitent une transition juste et bien planifiée. »
À quels défis le nouveau gouvernement polonais sera-t-il confronté ?
L’opposition devrait avoir besoin d’environ deux mois pour former un nouveau gouvernement, ce qui coïncide avec la COP28, la conférence mondiale sur le climat.
Malgré l’ambiance festive parmi les militants pour le climat, le chemin à parcourir ne sera pas sans défis. Il y aura des décisions controversées concernant le charbon et le rôle du gaz et du nucléaire.
Dominika s’inquiète de la manière dont les différentes parties de la coalition donneront la priorité à ces questions. « Différentes parties auront des priorités différentes – de l’investissement à la privatisation, en passant par le développement des énergies renouvelables ou l’octroi de garanties de travail aux mineurs », dit-elle.
«Il existe également des complications potentielles causées par les sociétés énergétiques publiques, qui étaient auparavant remplies de politiciens du parti Droit et Justice et de leurs amis. Il sera intéressant de voir comment le nouveau gouvernement gérera cette situation.»
« Il faut aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent »
Dominika partage que leurs stratégies de campagne se sont inspirées de groupes et de mouvements internationaux, comme ceux qui ont fait campagne contre Bolsanaro au Brésil.
« Nous avons beaucoup appris de nos collègues brésiliens et de leur campagne visant à rejeter Bolsonaro. Ils ont dû accepter qu’ils devaient d’abord se concentrer sur son élimination, puis revenir sur le climat plus tard. Il était crucial de rencontrer les gens là où ils se trouvent. Nous réfléchissons désormais à la manière dont nous pouvons partager nos stratégies et aider les gens à gagner dans davantage d’endroits.
Le nouveau gouvernement polonais aura sans aucun doute un impact sur l’ensemble de l’UE et au-delà, les militants, les politiciens et les diplomates exprimant leur espoir quant au nouveau rôle du pays dans le débat mondial sur le climat.
« La Pologne était un pays qui bloquait souvent les politiques climatiques », explique Wiktoria. « Nous allons désormais jouer un rôle important dans la conversation. Si cela peut arriver en Pologne, cela peut arriver n’importe où. »
