L'UE peut lutter contre la législation des grandes sociétés pétrolières en mettant fin au train de l'argent

Jean Delaunay

L’UE peut lutter contre la législation des grandes sociétés pétrolières en mettant fin au train de l’argent

En poursuivant les gouvernements en justice en raison de l’action climatique, les entreprises de combustibles fossiles mordent la main qui les nourrit. Il existe une solution simple : arrêter de les nourrir, écrit Isabel Schatzschneider.

La crise climatique se transforme rapidement en une bataille juridique mondiale d’une ampleur sans précédent.

D’un côté, des citoyens poursuivent les géants du pétrole et du gaz pour des décennies de déni climatique alors qu’ils connaissent parfaitement l’ampleur de la crise environnementale causée par la pollution par les combustibles fossiles.

De l’autre, les grandes sociétés pétrolières utilisent les tribunaux d’entreprise pour poursuivre les gouvernements lorsqu’ils perdent des bénéfices en raison des politiques climatiques.

Jusqu’à présent, l’UE et les États-Unis tentent de se retirer des traités d’arbitrage qui permettent aux entreprises de combustibles fossiles d’utiliser de tels mécanismes juridiques.

Mais cela ne va pas assez loin : ils doivent cibler la source en réduisant impitoyablement les subventions à l’énergie sale.

Big Oil, gros procès

L’administration Biden a promis de ne pas ajouter de mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) dans les futurs accords commerciaux.

Aujourd’hui, un tribunal allemand a statué que les membres de l’UE peuvent échapper aux demandes d’arbitrage présentées en vertu du traité sur la charte de l’énergie (TCE), qui stipule l’arbitrage lorsque les entreprises pensent que les gouvernements leur ont fait du tort. Cela accélérera les plans de l’UE visant à sortir massivement de l’accord.

Les traités d’arbitrage permettent aux entreprises de combustibles fossiles et à leurs investisseurs d’attaquer toutes les mesures climatiques qui pourraient réduire leurs bénéfices.

Virginie Mayo/AP
Des gens marchent avec des bagages avec la ville de Bruxelles en toile de fond, novembre 2015

L’arbitrage international est désormais la ligne de front de la guerre des grandes sociétés pétrolières contre l’action climatique.

Les traités d’arbitrage permettent aux entreprises de combustibles fossiles et à leurs investisseurs d’attaquer toutes les mesures climatiques qui pourraient réduire leurs bénéfices.

Les entreprises de combustibles fossiles représentent près de 20 % des arbitrages, et les investisseurs étrangers remportent 76 % d’entre eux.

Le cas curieux du sultanat de Sulu fait à nouveau la une des journaux

L’explosion du financement des litiges par des tiers – qui permet aux fonds spéculatifs et aux banques non identifiables d’investir et de tirer profit des affaires judiciaires sans examen – a encore renforcé l’arbitrage international en faveur des intérêts des combustibles fossiles.

Aucun exemple plus clair ne peut être trouvé que la sentence de 15 milliards de dollars (13,7 milliards d’euros) – la deuxième plus grande sentence arbitrale de l’histoire – au nom des descendants d’un sultanat de Sulu de l’époque coloniale aux Philippines, revendiquant le pétrole et le pétrole du gouvernement malaisien. actifs gaziers.

Les vrais gagnants de l’affaire, qui « exploite à nouveau les divisions coloniales pour le financement » selon l’ancienne députée européenne Mary Honeyball, ne sont pas les demandeurs mais Therium, le géant du financement des litiges basé à Londres qui a financé l’affaire.

Aaron Favila/AP
Le sultan de Sulu Jamalul Kiram III et son frère Ismael Kiram II écoutent Hadja Celia Kiram parler aux journalistes dans sa maison près de Manille, février 2013

Therium profite depuis longtemps de réclamations impliquant des sociétés pétrolières et gazières.

Même dans ses efforts pour défendre les traités d’arbitrage, un expert juridique de haut niveau a admis que l’affaire de la Malaisie était entachée d’irrégularités, l’arbitre lui-même faisant maintenant face à des poursuites pénales de la part des autorités espagnoles.

Selon les chambres de commerce américaines, Therium est le porte-drapeau de la façon dont le financement des litiges par des tiers pour les tribunaux d’arbitrage d’entreprise « menace de réduire un système de justice conçu pour faire avancer les intérêts des parties et de statuer sur leurs mérites à un litige ». système effectivement contrôlé par et au service de tiers, uniquement intéressés par le profit ».

Sans subventions, Big Oil finirait effectivement en faillite

Et, bien sûr, les plus gros bénéfices reviennent aux Big Oil. Les cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde – qui sont aussi parmi les plus litigieuses – ont plus que doublé leurs bénéfices en 2022 pour atteindre 200 milliards d’euros. Pendant ce temps, les gouvernements réduisant leur dépendance aux combustibles fossiles deviennent responsables de milliards de dollars de dommages.

C’est pourquoi les mesures actuelles de l’UE – réglementant le financement des litiges par des tiers et se retirant du traité sur la Charte de l’énergie – ne vont pas assez loin.

Même si l’UE se retire du traité, ces entreprises continueront de poursuivre les gouvernements en vertu de la « clause de temporisation » du TCE, ce qui signifie que les dispositions du TCE s’appliquent aux investissements préexistants pendant 20 ans après le retrait d’une partie.

Ainsi, les entreprises de combustibles fossiles pourront toujours recourir à l’arbitrage pour poursuivre les gouvernements pour l’action climatique pendant un certain temps de toute façon.

Les subventions gouvernementales sont ce qui les maintient solvables. Cela est particulièrement clair étant donné que les subventions directes actuelles aux combustibles fossiles ont la même valeur que les estimations des futurs manques à gagner dus à l’action climatique.

JONATHAN HAYWARD/AP
Un manifestant brandit un accessoire représentant de l’huile sale lors d’un sit-in de masse devant l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique à Victoria, octobre 2012

Les gouvernements concentrés sur le champ de bataille juridique doivent prendre du recul pour voir la situation dans son ensemble. Tout en combattant les entreprises de combustibles fossiles sur un front, l’UE leur accorde des aides sociales sur l’autre via des subventions annuelles de 50 milliards d’euros.

À l’échelle mondiale, les gouvernements versent directement 1 000 milliards de dollars (910 milliards d’euros) de subventions aux entreprises de combustibles fossiles, et jusqu’à 6 milliards de dollars (5,4 milliards d’euros) si l’on inclut les coûts indirects.

Étant donné que le secteur pétrolier et gazier a réalisé environ 900 milliards d’euros de bénéfices en moyenne par an au cours des 50 dernières années, cela signifie que, sans subventions gouvernementales, de nombreuses entreprises de combustibles fossiles seraient effectivement en faillite.

Les subventions gouvernementales sont ce qui les maintient solvables. Cela est particulièrement clair étant donné que les subventions directes actuelles aux combustibles fossiles ont la même valeur que les estimations des futurs manques à gagner dus à l’action climatique.

Imaginez libérer les billions

En poursuivant les gouvernements en justice en raison de l’action climatique, les entreprises de combustibles fossiles mordent la main qui les nourrit. Il existe une solution simple : arrêter de les nourrir.

L’UE et d’autres gouvernements paient indirectement les frais juridiques de Big Oil. Ils doivent mettre fin à l’illusion que ces entreprises détiennent tout le pouvoir.

Imaginez ce qui serait possible une fois ces billions de fonds libérés ? Nous aurions plus qu’assez pour investir dans l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables.

AP Photo/Michel Euler
Des militants du climat portant les masques des dirigeants mondiaux organisent une manifestation place de la République à Paris, juin 2023

Sans la bouée de sauvetage financière qui les maintient à flot, leur capacité à financer des attaques juridiques contre l’action climatique s’évaporera.

Imaginez ce qui serait possible une fois ces billions de fonds libérés ? Nous aurions plus qu’assez pour investir dans l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables.

Si les gouvernements cessent de financer les entreprises fossiles, ils pourront non seulement saper leurs fausses réclamations légales, mais les remplacer beaucoup plus rapidement par de nouveaux investissements dans les énergies propres.

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