Polish farmers protesting against the EU-Mercosur deal outside the European Commission representation office in Warsaw.

Jean Delaunay

L’UE envisage de protéger les agriculteurs contre l’accord de libre-échange avec l’Amérique du Sud

La Commission européenne a proposé un soutien financier aux agriculteurs affectés négativement par l’accord commercial UE-Mercosur – mais le filet de sécurité ne serait déclenché que dans le « pire des cas » et l’exécutif européen affirme qu’il ne sera pas nécessaire.

Les agriculteurs craignent que l’accord non encore ratifié avec le bloc latino-américain comprenant le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie puisse perturber les marchés européens, en particulier dans les secteurs sensibles tels que la viande bovine et la volaille.

L’UE a promis d’introduire des garde-fous, en partie pour convaincre des pays comme la France et la Pologne, où les agriculteurs détiennent une influence politique considérable. Mais les récentes communications sur ces garanties ont semé la confusion.

Lors d’une audition avec les députés la semaine dernière, le commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič, a évoqué un potentiel « fonds » pour soutenir les agriculteurs si le Mercosur nuisait à l’agriculture européenne. Il l’a décrit comme une « réserve d’une valeur d’au moins 1 milliard d’euros », la comparant à une garantie – un mécanisme qui n’entre en jeu qu’en cas de problème.

L’ambiguïté quant à savoir s’il s’agit d’un « fonds » ou d’une « réserve » a déstabilisé le secteur agricole. Un fonds implique de l’argent garanti pour les agriculteurs, tandis qu’une réserve ne serait décaissée qu’en réponse à des crises spécifiques.

Pour compliquer encore les choses, un représentant de la Commission a nié l’existence d’un fonds de compensation lors d’une réunion technique avec les ambassadeurs de l’UE en début de semaine, le qualifiant de « réserve supplémentaire ».

« Que vous parliez de fonds ou de réserve, l’intention est que cela soit une sorte de police d’assurance pour nos agriculteurs et nos zones rurales », a déclaré un porte-parole de la Commission à L’Observatoire de l’Europe.

Alors, quelle pourrait être exactement cette police d’assurance ?

Réserve contre fonds

Ce que nous savons jusqu’à présent, c’est que cet argent sera alloué par la Commission dans le contexte de la proposition de budget à long terme de l’UE – une indication claire qu’il fera partie de la politique agricole commune (PAC), les subventions agricoles de l’UE. programme.

Dans la PAC, la distinction entre réserve et fonds est significative : un fonds fournit un soutien financier proactif pour dynamiser des secteurs ou prévenir des crises, tandis qu’une réserve est réactive – de l’argent débloqué uniquement en cas de crise.

Par exemple, le programme de subventions de l’UE comprend deux fonds principaux : le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), qui alloue 291 milliards d’euros aux régimes de soutien aux revenus ; et le Fonds de développement rural, doté d’un budget de 95,5 milliards d’euros dans le cadre septennal actuel.

En outre, la PAC comprend une réserve agricole annuelle de 450 millions d’euros, qui n’est activée que dans des circonstances exceptionnelles. La réserve proposée pour le Mercosur semble suivre ce modèle – et pourrait même compléter la réserve agricole existante.

Filet de sécurité pour les agriculteurs

Malgré la confusion qui règne sur les termes, les responsables de la Commission ont souligné que cette réserve était purement préventive.

« Une somme d’argent serait disponible dans le pire des cas », a déclaré un porte-parole, soulignant que la Commission ne s’attend pas à devoir l’utiliser.

Les responsables sont convaincus que les garanties intégrées dans l’accord du Mercosur protégeront le secteur agricole de l’UE. Celles-ci incluent une surveillance étroite de l’évolution du marché et des limites strictes sur la part de marché maximale des importations agroalimentaires sensibles en provenance des pays du Mercosur.

« Nous sommes convaincus que l’accord fonctionnera correctement et ne provoquera pas de perturbation du marché. Nous voulons néanmoins garantir qu’il n’y aura pas de répercussions négatives sur les agriculteurs et les zones rurales », a assuré le commissaire Šefčovič aux députés.

L’UE a déjà eu recours à des mesures similaires. En 2020, la réserve d’ajustement au Brexit (BAR) de 5,5 milliards d’euros a été créée pour atténuer les perturbations économiques liées au retrait du Royaume-Uni.

Cependant, les retards et les critères vagues pour accéder aux fonds BAR ont frustré certains agriculteurs, comme les producteurs de betterave sucrière, qui affirment ne pas avoir encore reçu de soutien.

« Malgré la perte de leurs exportations vers le Royaume-Uni, les producteurs de l’UE n’ont jamais reçu cet argent », a déclaré le lobby des producteurs de betterave sucrière de l’UE, la CIBE, dans une publication sur les réseaux sociaux.

Avec la réserve du Mercosur, la Commission espère éviter des problèmes similaires et rassurer les agriculteurs européens sur le fait qu’ils peuvent compter sur un soutien si l’accord commercial leur cause des difficultés involontaires.

Laisser un commentaire

deux × 2 =