Loi « anti-fast fashion » : la rapporteure souhaite que Castaner clarifie son rôle chez Shein

Martin Goujon

Loi « anti-fast fashion » : la rapporteure souhaite que Castaner clarifie son rôle chez Shein

PARIS — La députée Horizons Anne-Cécile Violland, à l’origine de la proposition de loi « anti-mode rapide», a sollicité un entretien avec Christophe Castaner sur son rôle auprès de Shein, a informé L’Observatoire de l’Europe auprès de son entourage.

Le recrutement de l’ex-ministre de l’Intérieur par le géant du e-commerce chinois Shein à un comité consultatif du groupe, glissé dans un communiqué au début du mois et repéré par La Lettre, a déclenché l’ire des représentants du prêt-à-porter français, mis à rude épreuve par la concurrence des plates-formes de mode rapide.

Anne-Cécile Violland entend ainsi clarifier son rôle dans le contexte de l’examen du texte. La proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, adoptée en mars 2024 à l’Assemblée nationale et dont elle est rapporteure, doit encore être discutée au Sénat. Ce texte prévoit, notamment, un système de bonus-malus : les entreprises les moins vertueuses seraient taxées au bénéfice des entreprises les plus responsables. Autre obligation, celle d’informer le consommateur sur l’impact environnemental de leurs produits.

Pour un lobbyiste du secteur du e-commerce, il ne fait aucun doute que « Shein s’est offert le carnet d’adresses de Christophe Castaner et, avec, une influence politique ». Le groupe est notamment concerné pour son impact environnemental donc en vendant des vêtements en polyester à bas coûts produits massivement.

En France, Shein s’est déjà fait une place donc puisque le site représente, avec Temu, 22% des colis pris en charge par La Poste.

Christophe Castaner fait plus précisément partie d’un des nouveaux comités stratégiques destinés à conseiller la marque chinoise dans sa démarche de sociétale (RSE).

L’ancien ministre et poids lourd de la Macronie a expliqué au Monde qu’il avait pour mission d’aider Shein à aller « plus loin dans ses orientations stratégiques en matière d’impact social et environnemental ».

Également contacté par L’Observatoire de l’Europe, Christophe Castaner nous a renvoyé vers le service de presse de Shein.

Outre son passé de ministre, il est désormais à la tête du tunnel du Mont-Blanc et préside également le conseil de surveillance du port de Marseille. Sa nomination chez Shein a lieu trois ans après son départ du gouvernement et n’est donc plus contrôlé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Pour Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter, ce recrutement est la preuve que la marque chinoise d’ultra-mode rapide craint toute forme de régulation et souhaite s’armer contre. « Shein a peur que la loi anti-mode rapide peut passer ; le groupe voit bien qu’il y a une volonté politique forte de venir l’encadrer et il est prêt à dépenser des millions pour faire pression sur les initiatives politiques à leur rencontre», insiste-t-il auprès de L’Observatoire de l’Europe.

La fédération a déclaré dans un communiqué transmis à l’AFP une «tentative manifeste de écoblanchiment de la part de cette entreprise, qui inonde le marché des vêtements de mauvaise qualité, et de lobbying visant à freiner les efforts législatifs en cours ».

Ces derniers mois, le groupe chinois a multiplié les recrutements stratégiques, à l’instar de l’ex-secrétaire d’Etat aux Droits des victimes Nicole Guedj et l’ancien patron de la Fédération française de l’assurance Bernard Spitz, annoncés en même temps que celui de Christophe Castaner. Shein s’est également offert les services de l’ex-commissaire européen allemand, Günther Oettinger, pour améliorer son image dans l’Union européenne.

«Alors que nos entreprises font face à une concurrence déloyale et très offensive des plateformes asiatiques, il y a essentiellement un sentiment d’incompréhension qui prédomine lorsque l’on voit d’anciens responsables politiques de premier plan faire le choix de les accompagner», réagit , auprès de L’Observatoire de l’Europe, Marc Lolivier, le président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad).

L’eurodéputé socialiste Pierre Jouvet perçoit ces nominations et, plus particulièrement celle de Castaner, comme « un mauvais exemple ». Et ce, alors que la France a appelé l’Union européenne, avec six autres pays dont l’Allemagne, à « serrer la vis » contre les sites Temu et Shein, soupçonnés de vendre des produits parfois dangereux pour les consommateurs.

L’élu estime, auprès de L’Observatoire de l’Europe, que ces plateformes chinoises servent à déstabiliser les entreprises européennes, alors que les Etats membres ont une croissance ralentie. « On ne peut pas porter un double discours cohérent à dire qu’il faut privilégier et promouvoir l’industrie européenne et ensuite accepter de conseiller ses concurrents », conclut-il.

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