Les récentes avancées ukrainiennes sont difficiles à transformer en percée dans la guerre, préviennent les experts

Jean Delaunay

Les récentes avancées ukrainiennes sont difficiles à transformer en percée dans la guerre, préviennent les experts

Un analyste français a cependant déclaré que les récents gains de Kiev sur le champ de bataille contre la Russie étaient « assez symboliques ».

Les succès ukrainiens après des mois de contre-offensive infructueuse seront difficiles à transformer en une véritable percée dans la guerre contre la Russie, estiment des experts militaires.

Kiev a annoncé dimanche que ses troupes avaient atteint la rive gauche du Dniepr, occupée par l’armée russe.

Il affirme avoir repoussé les forces de Moscou de « 3 à 8 km » sur cette ligne de front dans la région méridionale de Kherson, sans préciser si les troupes ukrainiennes contrôlaient totalement la zone.

Si elle se confirmait, il s’agirait de la plus grande avancée de l’armée ukrainienne contre la Russie depuis la reprise de Robotyne dans la région de Zaporizhia en août, après le lancement de la contre-offensive en juin.

Le chef de Kherson occupé par la Russie, Vladimir Saldo, a admis qu’« environ une compagnie et demie » de soldats ukrainiens – potentiellement des centaines d’hommes – avaient établi des positions près du village de Krynky, de l’autre côté du Dniepr, bien qu’il ait minimisé son importance.

Selon l’expert militaire pro-Kremlin Alexandre Khramtchikhine, le territoire reconquis est « microscopique » et ne permet pas aux forces ukrainiennes de déployer du matériel militaire.

« Sans équipement, pas d’offensive, seulement des pertes », résume-t-il.

Moscou a toutefois remplacé fin octobre le commandant du groupe militaire russe « Dniepr » opérant dans la zone, en raison de la situation difficile sur le terrain, selon des analystes.

L’expert militaire français Michel Goya a déclaré à l’AFP que l’opération ukrainienne est « assez limitée, assez symbolique », mais qu’elle « permet d’annoncer de petites victoires après l’échec de l’offensive principale ».

Kiev a besoin d’équipements lourds – et de ponts

Pour transformer son succès en percée majeure, l’armée ukrainienne doit parvenir à déployer son armée de l’autre côté du fleuve. Cela impliquerait de franchir une grande barrière naturelle puis de manœuvrer dans une zone marécageuse pendant la saison des pluies.

Le premier objectif de Kiev est de « couper les routes d’approvisionnement russes. Pour ce faire, ils élargissent constamment leur tête de pont, ils ne sont pas seulement à Krynky, ils se déplacent », selon le journaliste russe Michael Nacke. Il a souligné que la Russie « ne dispose pas des unités les plus professionnelles dans cette région ».

L’opération ukrainienne « maintient la pression sur les Russes, qui sont contraints de déplacer une partie de leurs réserves vers le Dniepr, au détriment des autres secteurs du front », a ajouté l’analyste français Goya.

Prendre des positions plus profondes dans le sud pourrait également permettre à Kiev de lancer un assaut plus large vers la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014. Mais pour y parvenir, les experts estiment que des milliers d’hommes et de véhicules sont nécessaires.

« Des ponts sur le Dniepr sont nécessaires (pour un tel mouvement militaire), mais n’importe quel ponton serait vulnérable à la puissance de feu aérienne et terrestre de la Russie, qui n’a pas été complètement supprimée », a déclaré Mykola Bielieskov, un analyste militaire ukrainien.

Il a également souligné le risque des drones russes, difficiles à contrer.

Seuls les ponts permettent « le passage du matériel lourd et de la logistique. Si on veut avancer de plusieurs dizaines de kilomètres en profondeur, il faut aussi avancer notre artillerie sinon on se retrouve coupé de tout appui », a expliqué Goya.

« Les Ukrainiens qui ont traversé sont des fantassins et des commandos navals. Ils disposent de quelques véhicules mais restent globalement très légers. Ils sont principalement protégés par leur artillerie qui reste de l’autre côté du fleuve », a-t-il ajouté.

Plusieurs sources militaires notent que Krynky est jugée « secondaire » par les Russes qui concentrent leurs forces militaires sur Avdivka, ville industrielle de l’Est que l’armée de Moscou tente d’encercler.

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