Les politiques protectionnistes de Trump pourraient pousser la BCE à réduire ses taux plus rapidement que prévu, alors que les nouveaux droits de douane sur les exportations européennes menacent la croissance. Draghi appelle à des réformes de l’UE pour combler le fossé technologique et appelle à une position unie dans les négociations commerciales avec les États-Unis.
Les économistes préviennent qu’un second mandat de Donald Trump, marqué par un retour à des politiques protectionnistes telles que de nouveaux droits de douane sur les exportations européennes, pourrait faire pression sur la Banque centrale européenne (BCE) pour qu’elle accélère la baisse des taux d’intérêt afin de compenser les dommages attendus sur la croissance de la zone euro.
« Le regain de tensions commerciales risque de peser sensiblement sur la croissance », écrivent cette semaine les économistes de Goldman Sachs, Sven Jari Stehn et Filippo Taddei, dans une note.
« Nous espérons que le programme politique de Trump renforcera les arguments en faveur d’une baisse des taux directeurs dans toute l’Europe », ont-ils ajouté.
Si Trump réintroduisait les droits de douane, la croissance économique déjà modérée de la zone euro pourrait être confrontée à des vents contraires supplémentaires.
Les tensions commerciales sous Trump affecteront les exportations européennes
Les données de la Commission européenne indiquent que l’Union européenne a exporté 502,3 milliards d’euros de marchandises vers les États-Unis en 2023, les machines et les véhicules représentant près de 207,6 milliards d’euros de ce total.
Les exportations automobiles représentaient à elles seules environ 40 milliards d’euros, la part du lion provenant de l’Allemagne.
La perspective de droits de douane américains sur ces secteurs critiques a déjà eu un impact sur les valeurs des constructeurs automobiles allemands. Les actions de BMW ont chuté de plus de 8 % cette semaine, marquant leur plus forte baisse hebdomadaire depuis février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine. Les actions de Mercedes-Benz ont connu une baisse similaire, tandis que Volkswagen a prolongé ses plus bas records.
Selon le rapport de Goldman Sachs, la production économique européenne pourrait subir une baisse de 0,5 % en termes de PIB réel, l’Allemagne étant confrontée à une contraction de 0,6 % et l’Italie à une baisse de 0,3 %.
La banque d’investissement a par conséquent abaissé ses prévisions de croissance pour la zone euro à 0,8 % en 2025 et 1,0 % en 2026, toutes deux inférieures aux prévisions précédentes et aux attentes du consensus.
Les analystes ont indiqué que la production économique européenne pourrait subir une baisse de 0,5 % en termes de PIB réel, l’Allemagne étant confrontée à une contraction de 0,6 % et l’Italie à une baisse de 0,3 %.
Les taux d’intérêt de la BCE, initialement attendus à 2 % en 2025, devraient désormais tomber à 1,75 %, avec une baisse supplémentaire de 25 points de base prévue pour juillet 2025, selon Goldman Sachs.
Les dépenses de défense et les pressions sécuritaires aggravent les tensions au sein de l’UE
Outre les implications économiques d’une hausse des tarifs douaniers, une réélection de Trump pourrait entraîner de nouvelles pressions sur les dépenses de défense de l’Europe.
Si l’UE devait compenser la réduction du soutien militaire américain en Ukraine et atteindre l’objectif de l’OTAN de 2 % du PIB en matière de dépenses de défense, le bloc pourrait être confronté à une charge financière importante.
Goldman Sachs estime que de telles dépenses pourraient coûter à l’UE 0,5 % supplémentaire du PIB chaque année.
Les économistes indiquent que même si l’augmentation des dépenses de défense pourrait fournir une certaine relance économique à court terme, les économies européennes pourraient avoir du mal à tirer pleinement profit de la situation en raison des multiplicateurs de croissance généralement faibles dans ce domaine. En outre, l’augmentation des déficits pourrait exercer une pression à la hausse sur les rendements à long terme, freinant encore davantage la confiance des consommateurs et des entreprises dans un contexte de risques géopolitiques accrus.
Draghi appelle à des réformes rapides de l’UE pour combler l’écart de compétitivité
L’ancien président de la BCE, Mario Draghi, a exhorté les dirigeants européens à accélérer les réformes structurelles, avertissant que de nouveaux retards ne feraient qu’aggraver la stagnation économique de l’Europe.
« Les recommandations du rapport sur la compétitivité sont déjà urgentes, compte tenu de la situation économique actuelle. Elles sont devenues encore plus urgentes après les récentes élections américaines », a déclaré Draghi lors d’une session du Conseil européen vendredi.
«La présidence de Trump fera une différence substantielle dans les relations entre les États-Unis et l’Europe, mais pas nécessairement dans un sens négatif. L’Europe doit reconnaître cette nouvelle réalité et agir en conséquence », a-t-il ajouté.
Draghi a identifié le retard de productivité de l’Europe dans le secteur technologique comme un domaine critique nécessitant une réforme, d’autant plus que les États-Unis sont susceptibles de donner la priorité à la technologie sous l’administration Trump. Il a fait valoir que la lenteur de l’Europe à adopter de nouvelles technologies a déjà creusé l’écart de productivité avec les États-Unis, une disparité qui pourrait encore s’accroître si les États-Unis accéléraient leurs investissements technologiques.
« L’écart de productivité entre les États-Unis et l’Europe est déjà important », a noté Draghi. « Si les États-Unis intensifient encore leur concentration sur le secteur technologique, cette disparité pourrait encore s’accentuer. L’Europe doit prendre des mesures pour combler cet écart, en particulier dans les domaines où la productivité est améliorée.»
L’unité dans les négociations commerciales de l’UE est essentielle. Draghi a également appelé l’UE à adopter une position unifiée dans ses négociations commerciales avec les États-Unis, soulignant la nécessité de protéger les industries européennes.
Tout en évitant de prôner une guerre commerciale, Draghi a souligné l’importance d’un dialogue clair avec les États-Unis pour éviter toute perturbation des exportations européennes, en particulier dans les secteurs les plus sensibles aux éventuelles mesures protectionnistes de Trump.
« Il est essentiel de négocier avec les États-Unis en tant qu’alliés, avec une approche européenne unifiée, pour protéger nos producteurs », a affirmé Draghi.