An aerial view of the migrant reception facility built by Italy in the port of Shengjin, Albania, 8 November 2024

Jean Delaunay

Les juges bloquent à nouveau le modèle albanais et ordonnent le retour de 7 migrants en Italie

Les juges italiens ont annulé les ordres de détention de sept migrants envoyés en Albanie, bloquant pour la deuxième fois le projet d’externalisation de l’Italie. Cette décision suscite de nouvelles tensions entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement.

Un tribunal de Rome a suspendu l’approbation des ordres de détention de sept migrants qui ont été transférés la semaine dernière vers un centre de rapatriement en Albanie créé par l’Italie.

La décision de lundi a bloqué pour la deuxième fois les efforts du gouvernement italien pour mettre en œuvre son projet d’externalisation de l’accueil et du rapatriement des migrants, dans le cadre d’un accord signé avec Tirana l’année dernière.

Les sept demandeurs d’asile viennent d’Égypte et du Bangladesh, les deux pays au centre d’un conflit en cours entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement.

Le conflit a commencé lorsque le gouvernement a fait appel d’une décision similaire du mois dernier devant la Cour de cassation, qui devrait statuer sur l’affaire en décembre.

Toutefois, selon la loi, le droit européen prévaut sur le droit national en cas de conflit. En conséquence, les sept migrants seront rapatriés en Italie et libérés, comme le premier groupe de migrants rentrés le mois dernier, en attendant un arrêt de la Cour de justice européenne (CJCE).

Parallèlement, le gouvernement a introduit un nouveau décret fin octobre, mettant à jour la liste des « pays sûrs » pour contourner les obstacles juridiques posés par la législation européenne.

« Il s’agit d’appliquer le droit européen »

Les juges ont confirmé leur décision précédente, affirmant que la procédure frontalière « accélérée » utilisée pour rejeter les demandes d’asile ne s’applique qu’aux personnes non vulnérables provenant de pays considérés comme « sûrs ».

Ils ont statué que le Bangladesh et l’Égypte ne remplissaient pas ces critères, sur la base d’un récent arrêt de la CJCE selon lequel un pays doit être sûr dans toutes ses régions et pour que tous ses citoyens soient considérés comme « sûrs ».

Luciana Sangiovanni, présidente de la Chambre de la Cour, a expliqué que tout en respectant les pouvoirs des législateurs nationaux, les juges sont tenus de garantir la correcte application du droit de l’UE, qui prévaut sur les lois nationales qui y sont contraires.

Elle a également noté que l’exclusion d’un pays de la liste « sûre » n’empêche pas le rapatriement des migrants dont les demandes d’asile ont été rejetées, mais a rejeté l’idée d’un rapatriement automatique vers certains pays, comme le propose le gouvernement.

La décision du tribunal constitue une suspension, et non une décision définitive, dans l’attente de l’arrêt de la CJCE.

Les tensions entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement s’intensifient

Cette décision a suscité de nouvelles tensions entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement, certains hommes politiques accusant les juges d’être politisés.

La juge Silvia Albano, du tribunal de Rome, a exprimé sa frustration, affirmant qu’elle avait été la cible d’une campagne d’attaques personnelles alimentée par certains médias et hommes politiques, dont la Première ministre Giorgia Meloni. Elle a également fait face à des menaces de mort après la décision concernant la détention de douze migrants en octobre.

Albano a critiqué ce qu’elle appelle « les tentatives du gouvernement de saper le système judiciaire », soulignant que les juges doivent faire respecter la Constitution et les droits légaux, même si cela signifie s’opposer aux politiques gouvernementales.

De son côté, le vice-Premier ministre Matteo Salvini a critiqué cette décision, la qualifiant de « nouvelle décision politique » qui porte atteinte à la sécurité de l’Italie. Il a accusé les juges de saboter les lois du gouvernement.

Par ailleurs, le ministre de la Justice Carlo Nordio a appelé à un plus grand dialogue avec le pouvoir judiciaire et à une réduction des critiques politiques à l’égard des décisions de justice.

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