Photo prison.

Jean Delaunay

Le soi-disant « décret pénitentiaire » italien suscite des opinions divisées

Selon les ONG locales, dans 56 des 190 établissements pénitentiaires italiens, le taux de surpopulation est supérieur à 150 %.

L’approbation récente par le Parlement italien du soi-disant « décret pénitentiaire » a déclenché un débat politique enflammé dans le pays.

Visant à résoudre les problèmes de longue date du système pénitentiaire italien, le décret promet une amélioration globale des conditions de détention, une augmentation du personnel pénitentiaire et un processus simplifié de libération anticipée.

Cependant, alors que certains saluent le décret comme une réforme indispensable, d’autres soutiennent qu’il ne parvient pas à résoudre les problèmes fondamentaux qui affligent le système.

Les partisans du décret, notamment ceux du parti de centre-droit Forza Italia, le considèrent comme une étape importante dans la lutte contre la surpopulation carcérale et le taux alarmant de suicides parmi les détenus.

Pietro Pittalis, membre de Forza Italia, souligne l’urgence et l’importance du décret : « La surpopulation carcérale et les suicides commis dans les prisons sont des problèmes graves qui sont abordés pour la première fois depuis 15 ans, suite à l’absence de progrès des partis de gauche sur ce front. La protection des droits et la sécurité sont les principales priorités abordées par ce décret. »

Les partisans de cette réforme estiment que la question de la réforme pénitentiaire a été trop longtemps ignorée, les gouvernements précédents n’ayant pas réussi à faire de progrès substantiels. Malgré l’optimisme du gouvernement, le décret a suscité de vives critiques de la part des organisations de défense des droits de l’homme et des défenseurs de la réforme pénitentiaire.

L’ONG Antigone, connue pour son contrôle indépendant des centres de détention, s’est montrée particulièrement sceptique. Alors que le taux de surpopulation carcérale italien atteint 130 % et que 65 suicides ont été enregistrés cette année seulement, Antigone estime que les nouvelles mesures ne sont pas suffisantes pour apporter un changement significatif.

Michele Miravalle, qui travaille pour l’observatoire qui effectue des visites régulières dans les centres de détention pour le compte d’Antigone, s’est dit préoccupé : « L’intervention du gouvernement sur cette question était attendue, mais le problème est que, pour atteindre un objectif purement politique, l’approche qui a été choisie n’est pas systémique et ne changera pas la situation. »

« Dans certains endroits, la facture semble décevante. C’est comme essayer de réparer une maison qui a des problèmes de structure et qui est sur le point de s’effondrer. Dans ce cas, la maison représente le système pénitentiaire. Au lieu d’intervenir sur les fondations, on a seulement réparé les fenêtres », explique-t-il. Les chiffres sont assez significatifs. Selon Antigone, dans 56 des 190 établissements, le taux de surpopulation est supérieur à 150 %.

Seuls 38 d’entre eux n’ont pas encore atteint leur pleine capacité. Mais le problème ne se limite pas à l’Italie : il s’agit d’un problème européen, avec une augmentation du nombre de détenus par rapport aux places disponibles enregistrée ces derniers mois. C’est l’un des principaux résultats des statistiques pénales annuelles 2023 du Conseil de l’Europe sur la population carcérale, qui souligne que l’Italie est l’un des rares pays de l’UE aux prises avec une grave surpopulation carcérale.

Chypre, la Roumanie, la France, la Belgique, la Hongrie et la Slovénie font également partie de la même catégorie. « Depuis trente ans, aux États-Unis comme en Europe, on a décidé que le droit pénal et les systèmes pénitentiaires devaient être utilisés pour résoudre un certain nombre de problèmes qui n’ont rien à voir avec eux, mais qui peuvent être qualifiés de problèmes sociaux », note Miravalle.

« Cela concerne des problèmes tels que la toxicomanie, la santé mentale et la pauvreté. » Certaines dispositions pourraient prendre des mois, voire plus, pour être pleinement mises en œuvre, et les effets immédiats sur les conditions de détention devraient être minimes.

Alors que les mois d’été apportent des températures plus élevées, les conditions déjà difficiles dans les prisons surpeuplées devraient s’aggraver, mettant encore plus à rude épreuve un système déjà surchargé.

Le débat autour du décret sur les prisons met en lumière une question fondamentale : le système pénitentiaire italien peut-il être réformé par des changements progressifs ou une refonte plus radicale est-elle nécessaire ? En attendant de voir les effets de cette dernière mesure, la réponse reste incertaine.

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