Les procureurs affirment que le détournement présumé de fonds européens fait des contribuables français et européens des victimes de malversations.
Les avocats défendant des membres du Rassemblement national (RN) d’extrême droite français contre des accusations de détournement de fonds ont affirmé à l’ouverture de leur procès que leurs clients n’avaient commis aucun délit.
Plus de 20 anciens et actuels membres du RN sont jugés pour des accusations liées à une prétendue utilisation abusive des fonds du Parlement européen pour payer des personnes qui travaillaient en réalité pour le parti politique national alors que celui-ci était confronté à une crise budgétaire.
Alors que les procureurs accusent RN d’avoir un « système » centralisé pour utiliser délibérément l’argent à mauvais escient, la défense affirme que les paiements étaient appropriés aux descriptions de poste des membres du personnel.
Le procès devrait durer deux mois, les accusés étant passibles de peines allant jusqu’à 10 ans de prison et d’amendes pouvant atteindre 1 million d’euros s’ils sont reconnus coupables. Ils risquent également d’être déclarés inéligibles aux élections pendant cinq ans.
Parmi les personnes jugées figure l’ancienne chef du parti et double candidate à la présidentielle, Marine Le Pen.
Elle a déclaré lundi aux journalistes devant le tribunal qu’elle se sentait « calme », affirmant que le parti et ses avocats défendraient la « liberté parlementaire » et insistant sur le fait qu’aucune règle n’avait été enfreinte.
Jean-Marie, le père de Le Pen, âgé de 96 ans et qui a longtemps dirigé le parti avant elle, a été jugé inapte à être jugé. Sa fille a annoncé qu’elle intenterait une action en justice après la diffusion d’une vidéo le montrant chantant avec un groupe de rock néo-nazi à son domicile.
Limites professionnelles
L’ouverture du procès a été marquée par des échanges sur des détails techniques, l’avocat de Le Pen posant une « question préliminaire », une procédure judiciaire française visant à décider si une question juridique soulevée lors d’un procès relève de la compétence d’un autre tribunal.
Rodolphe Bosselut a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de se pencher sur la nature du travail des assistants parlementaires, affirmant que son client « ne se prétend pas victime d’un procès politique ».
Il a soutenu que les assistants des députés ne devraient pas être transformés en « fonctionnaires », citant l’exemple des assistants travaillant à l’Assemblée nationale française.
Bosselut a affirmé que lorsqu’on a demandé au déontologue du Parlement français si un assistant pouvait payer sa participation à un événement d’un parti politique, la réponse a été que cela relevait de son rôle au Parlement.
Patrick Maisonneuve, avocat représentant le Parlement européen – qui est également plaignant dans cette affaire – a déclaré que la confiance des électeurs qui avaient élu les députés européens au suffrage universel avait été brisée et que le procès était une question « d’utilisation frauduleuse » de fonds du Parlement.
Un porte-parole du Parlement a déclaré à L’Observatoire de l’Europe avant le procès que, dans la mesure où les fonds concernés provenaient de fonds publics européens, les citoyens européens et les contribuables français étaient également des victimes dans cette affaire.
Les avocats du Parlement européen estiment que l’organisme « a subi des dommages tant financiers qu’en termes de réputation », a ajouté le porte-parole.
L’un des anciens hommes politiques jugés, Bruno Gollnisch, ancien vice-président controversé du parti, a déclaré à L’Observatoire de l’Europe : « Les (règles de l’UE) n’interdisent pas le recrutement d’assistants parlementaires qui travaillent en partie pour le groupe politique de leurs députés ».
Gollnisch, qui est également connu pour avoir remis en question les archives des historiens sur l’Holocauste, est accusé d’avoir utilisé les fonds du Parlement européen pour payer les deux secrétaires privés et le chef de cabinet du cofondateur du parti, Jean-Marie Le Pen.
Malgré les commentaires des avocats lors du procès selon lesquels ils ne le considéraient pas comme un procès politique, Gollnisch a ajouté qu’à son avis, le procès visait à ruiner la réputation du parti.
Un autre angle
Ce n’est pas le premier grand procès récent pour détournement de fonds en France.
Le parti centriste Mouvement démocratique (MoDem) a récemment été confronté au même tribunal pour abus de fonds européens. Plusieurs membres du parti ont été condamnés à des peines de prison avec sursis en début d’année, mais le leader du MoDem, François Bayrou, a été acquitté.
Didier Rebut, directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris et professeur de droit à l’Université Paris-Panthéon-Assas, a déclaré à L’Observatoire de l’Europe avant le procès en cours que si la défense de Bayrou portait sur sa prétendue ignorance de l’acte, il semblait y avoir plus de preuves contre le RN.
« La grande différence est liée à la preuve de l’implication de la direction du parti dans (le détournement de fonds) », a déclaré Rebut, qui a ajouté que la défense de Le Pen ne pouvait pas être la même que celle de Bayrou.
Il a ajouté que l’affaire est jugée en France car les actes ont été commis en partie en France et que le droit européen impose aux pays de protéger l’argent public européen comme ils le font pour leurs propres fonds.