Le Niger en proie à une tentative de putsch contre le président Mohamed Bazoum

Jean Delaunay

Le Niger en proie à une tentative de putsch contre le président Mohamed Bazoum

Des membres mécontents de l’élite de la Garde présidentielle ont bouclé l’accès à la résidence et aux bureaux du président dans la capitale Niamey, et après l’échec des pourparlers, « ont refusé de libérer le président », a déclaré une source présidentielle anonyme.

Une tentative de coup d’État était en cours mercredi dans l’État enclavé du Niger, où des membres de la Garde présidentielle ont arrêté le président Mohamed Bazoum, déclenchant un bras de fer avec l’armée.

Dans un communiqué télévisé, des soldats nigériens ont affirmé avoir renversé le gouvernement, dissous la constitution et fermé les frontières.

Des membres mécontents de l’élite de la Garde présidentielle ont bouclé l’accès à la résidence et aux bureaux du président dans la capitale Niamey, et après l’échec des pourparlers, « ont refusé de libérer le président », a déclaré une source présidentielle anonyme.

Dans un message sur Twitter, rebaptisé X, le bureau du président a déclaré que « des éléments de la Garde présidentielle (PG) ont eu une crise de colère… (et) ont tenté en vain d’obtenir le soutien des forces armées nationales et de la garde national. »

« L’armée et la garde nationale sont prêtes à attaquer les éléments du PG impliqués dans cet accès de colère s’ils ne reviennent pas à de meilleures dispositions », a indiqué la présidence.

On ne sait pas pourquoi la Garde s’est révoltée, les analystes disent que la hausse du coût de la vie, l’incompétence perçue du gouvernement ainsi que la corruption peuvent avoir été des facteurs contributifs.

Condamnation internationale

L’acte a suscité des critiques nationales et internationales, dénoncées par l’Union africaine, l’ONU, l’UE, la France et les États-Unis.

Le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné « tout effort visant à prendre le pouvoir par la force », tandis que les États-Unis ont exprimé leur profonde inquiétude et ont appelé à la libération de Bazoum.

La CEDEAO a également appelé à la libération immédiate et inconditionnelle de Bazoum et a averti que toutes les personnes impliquées seraient tenues responsables de sa sécurité.

L’Union européenne a déclaré qu’elle « s’associait » à la déclaration de la CEDEAO et attaquait « toute tentative visant à déstabiliser la démocratie et à menacer la stabilité » du Niger.

Le chef du bloc ouest-africain de la CEDEAO a déclaré que le président béninois Patrick Talon se dirigeait vers le Niger dans le cadre d’une offre de médiation après que la région a été frappée par un nouvel épisode de turbulences.

« Pas de coup d’état »

Les partisans du président Bazoum sont descendus dans les rues de Niamey, la capitale du Niger, pour protester contre le coup d’État.

Selon l’AFP, quelques heures après l’acte, ils ont tenté de s’approcher du complexe présidentiel où étaient détenus le chef de l’Etat et sa famille mais ont été dispersés par des membres de la Garde présidentielle qui ont tiré des coups de semonce.

Une personne a été blessée, mais on ne sait pas si la blessure provient d’une balle ou d’une chute lorsque la foule s’est dispersée.

L’histoire politique du Niger

Le Niger a connu quatre coups d’État depuis l’indépendance de la France en 1960 ainsi que de nombreuses autres tentatives de pouvoir.

Le président Bazoum fait partie d’un groupe en déclin de dirigeants pro-occidentaux au Sahel. Élu en 2021, il a pris la tête d’un pays accablé par la pauvreté et un passé d’instabilité chronique.

En tant que ministre de l’Intérieur, il était le bras droit de l’ancien président Mahamadou Issoufou, qui a volontairement démissionné après deux mandats.

Leur passation en avril 2021, après des élections remportées par Bazoum lors d’un concours à deux tours contre l’ancien président Mahamane Ousmane, a marqué la première transition pacifique du pouvoir au Niger depuis l’indépendance.

Mais les rappels du passé troublé n’ont jamais été loin.

Une tentative de coup d’Etat a eu lieu quelques jours avant l’investiture de Bazoum, selon une source sécuritaire de l’époque.

Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont le chef présumé, un capitaine de l’armée de l’air nommé Sani Gourouza, et Ousmane Cissé, ancien ministre de l’Intérieur sous un gouvernement militaire de transition.

Cinq personnes, dont Gourouza, ont été emprisonnées en février pendant 20 ans tandis que Cissé a été acquitté.

Une deuxième tentative d’éviction de Bazoum a eu lieu en mars de cette année « alors que le président… était en Turquie », selon un responsable nigérien, qui a déclaré qu’une arrestation avait été effectuée. Les autorités n’ont jamais commenté publiquement l’incident.

Pauvreté et djihadisme

État enclavé au cœur du Sahel brûlant, le Niger est aux deux tiers désertique et se classe souvent au bas de l’indice de développement humain de l’ONU, une référence en matière de prospérité.

Elle compte une population en plein essor de 22,4 millions d’habitants, grâce à un taux de natalité moyen de sept enfants par femme.

Le pays est aux prises avec deux campagnes djihadistes, l’une dans le sud-ouest, qui a déferlé sur le Mali en 2015, et l’autre dans le sud-est, impliquant des djihadistes du nord-est du Nigeria.

Des centaines de milliers de personnes ont fui leur foyer, alimentant une crise humanitaire et pesant davantage sur l’économie.

Les militaires mal équipés reçoivent une formation et un soutien logistique des États-Unis et de la France, qui y ont des bases.

L’année dernière, le Niger est devenu la plaque tournante des opérations anti-jihadistes de la France au Sahel.

La mission a été reconfigurée après que les forces françaises ont quitté le Mali et le Burkina Faso après s’être brouillées avec les juntes au pouvoir dans ces pays.

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