Le maire de Nice Christian Estrosi s’engage à « ne pas laisser le surtourisme étouffer » Nice en interdisant les grands bateaux de croisière.
Lorsque le maire Christian Estrosi s’est adressé cette semaine à une foule de partisans pour la traditionnelle cérémonie du Nouvel An à Nice, personne n’était préparé à la bombe qu’il allait lancer.
« Les croisières qui polluent, qui larguent leur clientèle low-cost qui ne consomme rien mais laissent leurs déchets derrière elles, n’ont pas leur place ici », a-t-il annoncé. « On a empêché le béton d’étouffer Nice, c’est pour ne pas laisser le surtourisme l’étouffer à son tour. »
« Je ne veux pas que des hôtels flottants jettent l’ancre devant Nice », a-t-il ajouté.
Dans un communiqué envoyé à L’Observatoire de l’Europe Travel, le bureau de Christian Estrosi nous a indiqué :
« Nous avons décidé, sur la base des contrats signés en 2025, d’interdire ces grandes unités et d’autoriser uniquement celles qui ne dépassent pas 190 mètres de longueur et une capacité de 900 passagers. »
Mais pas tous les bateaux de croisière seront touchés par les nouvelles règles. Le maire a indiqué qu’il empêcherait spécifiquement les navires de plus de 190 m de long et ceux d’une capacité de plus de 900 passagers d’accoster dans les ports.
« Je veux que nous agissions pour que nous soyons débarrassés des navires de croisière à partir du 1er juillet 2025, sans avoir à attendre le 1er janvier 2026 », a déclaré Estrosi à Nice Presse. « Nous travaillons à l’annulation de toutes les croisières qui peuvent encore être annulées et nous rédigerons un arrêté d’interdiction. »
Le maire Estrosi affirme qu’une telle ordonnance réduirait le nombre de croisiéristes à l’arrivée de 70 pour cent.
« Venise a retrouvé sa beauté et son paysage en ayant un maire qui refuse définitivement les croisières. Nous avons l’intention d’aller dans cette direction également», a-t-il déclaré à la presse locale.
Pourquoi Nice veut-elle interdire les bateaux de croisière ?
Comme les habitants de nombreux ports européens, les Niçois en ont assez de l’industrie croissante des croisières.
L’Europe est l’un des plus grands marchés de croisière au monde, les chiffres d’Eurostat faisant état d’un nombre record de 16,4 millions de croisiéristes transitant par les ports de l’UE en 2023, contre cinq millions de plus qu’il y a dix ans.
Les navires de croisière se développent également. Celebrity Cruises amène son navire de croisière de classe Apex Edge à Villefranche-sur-Mer, le port situé immédiatement à l’est de la ville de Nice. Il s’agit d’un monstre de 306 mètres de long, qui dépose plus de 3 400 personnes (et probablement une partie des 1 300+ membres d’équipage) dans la petite ville qui compte 5 012 habitants.
Même Estrosi admet que le tourisme est essentiel à Nice. Les chiffres de l’Office du Tourisme suggèrent que cela représenterait environ 40 pour cent des revenus de la Métropole Nice Côte d’Azur. Mais les croisiéristes ne dépensent peut-être pas autant auprès des entreprises locales qu’on pourrait le penser, en partie parce qu’ils ont déjà payé leur nourriture et leurs boissons à bord.
Une étude réalisée à Bergen, en Norvège – une escale populaire pour les excursions dans les fjords – a révélé que jusqu’à 40 % des personnes ne quittaient jamais le navire. Pour ceux qui ont débarqué, leur dépense moyenne était inférieure à 23 €.
L’industrie des croisières affirme que la contribution moyenne d’un passager à l’économie locale est bien supérieure à l’estimation de Bergen, soit environ 100 dollars (91 euros) par jour.
Bien que cet afflux soudain de personnes puisse présenter un avantage économique, il peut être écrasant pour les petites villes. Mais même si le surtourisme a été cité par Estrosi comme sa principale motivation, son bureau a précisé que l’impact environnemental était également une préoccupation majeure.
« Aujourd’hui, nous avons des unités qui sont essentiellement des villes flottantes avec plus de 5 000 passagers, laissant tourner leurs moteurs, émettant du soufre et d’autres polluants dans l’atmosphère, ne créant aucun emploi et contribuant au surtourisme », a ajouté le bureau de Christian Estrosi. « Ces unités ne correspondent en rien au modèle que nous souhaitons développer en termes de tourisme, d’accueil et de respect de la population locale. »
Les bateaux de croisière sont incroyablement polluants. Même les navires de croisière modernes les plus efficaces émettent environ 250 g de CO2 par passager-kilomètre, soit dix fois plus qu’un avion de ligne.
Mais ce n’est pas seulement le CO2 qui sort des entonnoirs. Le dioxyde de soufre, l’oxyde d’azote et le « carbone noir » ou suie sont rejetés dans le ciel, nuisant à la qualité de l’air et contribuant aux pluies acides. Certains navires propulsés au GNL rejettent également du méthane.
Ces villes flottantes rejettent d’énormes quantités d’eaux usées, rejettent des métaux lourds toxiques dans l’océan et mettent en danger la faune fragile et les mammifères marins. et les habitats.
Plusieurs villes européennes ont déjà interdit les bateaux de croisière depuis leurs ports. Venise, en 2021, a interdit aux navires d’accoster dans son centre historique. Majorque a limité le nombre de navires pouvant accoster simultanément et Barcelone a fermé son terminal nord aux navires de croisière.
Les Niçois soutiendront-ils le souhait d’Estrosi ?
De nombreux habitants font depuis longtemps campagne pour la fin des bateaux de croisière à Nice et dans d’autres parties de la région et accueillent donc favorablement les projets d’Estrosi.
Juliette Chesnel-Leroux, chef de file de l’opposition verte à Nice, s’adressant à France 3, a salué cette décision comme « une victoire historique pour l’écologie… obtenue après un long combat ». Elle a ajouté que cela démontre que « les avertissements répétés sur les conséquences désastreuses de ces géants des mers ont enfin été entendus ».
Les ports européens ont accueilli un certain nombre de manifestations anti-croisière au cours de l’année dernière, dont beaucoup impliquaient le groupe « Stop Crosière ».» ou « Arrêter les croisières ». Basés dans la région marseillaise, ils militent activement pour interdire les croisières. Une déclaration sur leur site Web se lit comme suit :
« Sur le plan environnemental comme sur le plan humain, rien ne justifie le maintien de ces villes flottantes absurdes, énergivores et toxiques. »
S’exprimant sur la radio ici Province, un média local de Radio France, co-fondateur et porte-parole du collectif Stop Croisière, Guillaume Piccard s’est félicité de la perspective d’une interdiction, mais a fait part de ses inquiétudes quant aux détails.
« Ce qui est un peu regrettable dans la déclaration de M. Estrosi, c’est qu’il veuille faire le tri entre croisières de luxe et croisières de masse », a déclaré Piccard. « Il souhaite que les petits bateaux de croisière continuent à accoster dans le port de Nice, mais que leurs passagers ne jettent pas de déchets par terre. »
Jacky Bonnemains, directeur de l’ONG Robin des Bois, prend également les propos d’Estrosi avec des pincettes. « Les déclarations faites par M. Estrosi, maire de Nice, sont un peu un feu de paille », a-t-il déclaré à L’Observatoire de l’Europe Travel. « C’est un spectacle politique avant la Conférence des Nations Unies sur les océans. »
Le maire de Nice peut-il interdire les bateaux de croisière ?
Selon BFMTV, Christian Estrosi et la mairie n’ont que peu ou pas de pouvoir pour interdire les bateaux de croisière. La décision reposera sur les épaules du port et de la chambre de commerce.
Estrosi a cependant une certaine influence. Dans le passé, il a occupé divers postes ministériels au sein du gouvernement français, sous Sarkozy et Chirac. Il est également ancien président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, propriétaire des ports de Nice.
Les experts ont également mis en doute la date limite du 1er juillet, la jugeant plutôt optimiste pour pouvoir mettre en œuvre une interdiction. Jacky Bonnemains précise que 124 croisières ont déjà été réservées à Nice, contre 117 en 2024 et 97 en 2023.
« Ces escales de méga-navires 2025 sont prévues par MSC et Costa Croisières », précise Bonnemains. « Ils jetteront l’ancre dans la baie de Villefranche-sur-Mer limitrophe de Nice, où les passagers embarqueront et débarqueront en navette. » Le stationnement au large des côtes et le transport des passagers ne seraient pas empêchés par l’interdiction proposée par M. Estrosi.
Le président de Robin des Bois critique également le langage utilisé par le maire, soulignant qu’il a parlé de passagers à bas prix et de déchets, mais qu’il a omis d’évoquer la pollution de l’air. « Il s’agit plus d’une opposition de classe entre les pauvres et les riches », dit Boonemains, « que d’une critique des diverses nuisances des croisières de masse ».
Les efforts du maire pour interdire les bateaux de croisière est intervenu moins de deux semaines après l’annonce que Nice avait été choisie pour accueillir la Conférence des Nations Unies sur les océans en juin.
Même si le sentiment derrière l’annonce d’Estrosi est bien accueilli par le lobby environnemental, l’impact sera éclipsé par celui de l’activité aérienne accrue dans la région.
Aéroport Nice Côte d’Azur a entrepris une expansion majeure en 2024, avec des travaux en cours tout au long de cette année. D’ici 2026, sa capacité aura augmenté du niveau actuel de 14 millions de passagers par an à un nouveau sommet de 18 millions de passagers.
L’expansion a été soutenue par un prêt de 100 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement et a reçu un soutien enthousiaste de la part du maire Christian Estrosi.