Keir Starmer, Leader of Britain

Jean Delaunay

Le chemin vers le leadership de Starmer exige un bouleversement impitoyable des alliances historiques

Starmer a une occasion unique de montrer la voie à suivre pour l’avenir du programme progressiste en Occident. Il ne doit pas la gâcher, écrit Youssef Kobo.

Keir Starmer est devenu le premier dirigeant de gauche du Royaume-Uni depuis 14 ans – et au moment même où la Grande-Bretagne abandonne sa plus grande expérience de populisme nationaliste, ses alliés les plus proches franchissent le pas.

Qu’il s’agisse des nationalistes français se comparant fièrement aux nazis ou de la déclaration du Premier ministre italien Giorgia Meloni selon laquelle il n’y a pas de place pour la culture islamique en Europe, les politiciens nationalistes-populistes d’aujourd’hui se nourrissent des peurs des personnes vulnérables et diabolisent ceux qui osent se démarquer.

Et pourtant, dans le même temps, ils érodent la sécurité de leurs propres nations et détruisent de précieuses relations avec le reste du monde.

De l’admiration de Trump pour Vladimir Poutine à la tentative du parti allemand AfD de bloquer l’aide humanitaire destinée à la Palestine, le populisme d’extrême droite ronge les fondements d’un ordre international stable.

Ces tactiques échoueront.

Le « réalisme progressiste » doit être pragmatique

Tôt ou tard, les électeurs se rendront compte que l’extrême droite n’offre guère de répit à leur mécontentement. L’effondrement embarrassant, absurde et chaotique du Parti conservateur britannique après 14 ans de dérive toujours plus à droite est un avertissement sévère pour les électeurs européens.

Par-dessus tout, le désarroi du Royaume-Uni nous montre que le populisme nationaliste manque de véritables solutions à nos défis politiques, sociaux, économiques et écologiques.

Tout comme les électeurs britanniques ont finalement regagné le centre-gauche, leurs concitoyens d’autres pays vont faire de même. Alors que les nationalistes extrémistes qui ont conquis leurs suffrages démantèlent les valeurs progressistes qui ont reconstruit nos sociétés après la Seconde Guerre mondiale, ils vont finir par prendre conscience de leurs terribles erreurs.

Pour l’heure, Starmer héritera de relations d’amitié de longue date avec des pays de l’Union européenne et d’Amérique du Nord. Pour leur propre bien, il doit remettre en question leurs idéaux d’extrême droite actuels et œuvrer à la guérison des divisions sociales qu’ils persistent à créer.

Alors que nous attendons que la montée de l’extrême droite en Europe suive le même chemin que celui des conservateurs britanniques, il sera crucial pour les dirigeants politiques centristes et progressistes de rester engagés auprès des communautés minoritaires.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer et son épouse Victoria saluent la foule de partisans et des médias depuis la porte du 10 Downing Street à Londres, le 5 juillet 2024
Le Premier ministre britannique Keir Starmer et son épouse Victoria saluent la foule de partisans et des médias depuis la porte du 10 Downing Street à Londres, le 5 juillet 2024

Au lieu de cela, il fait déjà des concessions. Il a déclaré qu’il dialoguerait avec les dirigeants d’extrême droite de l’UE et aurait atténué son soutien à la Palestine par crainte que cela ne perturbe les relations de la Grande-Bretagne avec les États-Unis.

Cela illustre la folie de l’approche du parti travailliste. La confiance de la communauté musulmane britannique dans le gouvernement travailliste a été gravement ébranlée par la position faible du parti sur la guerre à Gaza.

L’attitude du parti travailliste envers la première femme noire élue au Parlement britannique, Dianne Abbot, a porté atteinte à la confiance des communautés noires. Le parti travailliste n’a pas tiré les leçons des erreurs du parti conservateur, qui a aliéné de vastes pans de l’opinion publique en diabolisant constamment les minorités tout en brisant ses relations avec l’étranger.

L’engagement supposé du Parti travailliste en faveur du « réalisme progressiste » et de l’ouverture diplomatique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord risque de tomber dans le même piège que le gouvernement conservateur sortant : rechercher des opportunités de photos et des gains économiques immédiats au détriment de partenariats profonds et durables fondés sur une diplomatie respectueuse, culturelle et religieuse.

C’est pourquoi il est d’autant plus étrange que lorsque le Royaume-Uni a reçu la semaine dernière la visite du Dr Mohammad Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale – la plus grande ONG islamique du monde – le parti travailliste n’était nulle part en vue.

C’était une occasion en or pour Keir Starmer de tendre la main à l’homme qui a dirigé la première délégation islamique à Auschwitz et de commencer à réparer les relations fracturées laissées par les conservateurs. Au lieu de cela, Al-Issa a été ironiquement accueilli par Policy Exchange, le think tank le plus influent du gouvernement conservateur le plus catastrophique de l’histoire.

Plus de politique de division, s’il vous plaît

Les relations communautaires avec les minorités musulmanes sont sur le point de devenir le test décisif de l’intégrité des démocraties européennes.

La banalisation de l’animosité anti-musulmane et des discours de haine envers les minorités en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Belgique et au-delà est devenue le nouveau ticket de campagne de l’extrême droite.

Alors que nous attendons que la montée de l’extrême droite en Europe suive le même chemin que celui des conservateurs britanniques, il sera crucial pour les dirigeants politiques centristes et progressistes de rester engagés auprès des communautés minoritaires.

Mais la victoire du Parti travailliste prouve précisément que la politique de division est vouée à l’échec. C’est pourquoi Starmer doit également faire tout ce qu’il peut pour construire des ponts avec les musulmans et les autres minorités.

En effet, le succès de la Grande-Bretagne dépendra de sa capacité à donner le droit de vote aux économies connaissant la croissance la plus rapide au monde.

Ces pays ne se trouvent pas en Amérique du Nord ou en Europe, mais au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.

Créer une nouvelle capacité de diplomatie culturelle et religieuse pour s’engager de manière authentique auprès des parties prenantes de ces régions, où la foi reste un élément crucial de la vie publique, sera essentiel pour garantir de nouvelles opportunités à l’économie britannique.

Aujourd’hui plus que jamais, nous avons désespérément besoin de dirigeants progressistes capables de nous rappeler ce qui a réellement fait la grandeur de l’Europe.

Il ne s’agit pas d’une politique de division, mais d’espoir et d’opportunités universelles. En tant que principal porte-parole du centre-gauche européen, Starmer ne doit pas gâcher cette occasion de démontrer à ses alliés ce qu’un gouvernement libéral efficace et confiant peut accomplir.

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