FILE - Former French President Nicolas Sarkozy leaves the Elysee Palace after a lunch with heads of states and officials, Monday, Sept. 30, 2019 in Paris.

Jean Delaunay

L’ancien président français Sarkozy sera jugé pour financement de campagne présumé par Kadhafi

Nicolas Sarkozy, président de la France de 2007 à 2012, s’est retiré de la vie publique en 2017 mais joue toujours un rôle influent dans la politique conservatrice française.

L’ancien président français Nicolas Sarkozy sera jugé lundi pour des allégations selon lesquelles sa campagne présidentielle de 2007 aurait été illégalement financée par le gouvernement du défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

Sarkozy, 69 ans, fait face à des accusations de corruption passive, de financement illégal de campagne, de recel de détournement de fonds et d’association de malfaiteurs, qui pourraient entraîner jusqu’à 10 ans de prison. Il nie toutes les accusations.

Le soi-disant « cas libyen », le plus grand et peut-être le plus choquant des nombreux scandales impliquant l’ancien président, devrait se poursuivre jusqu’au 10 avril, avec un verdict attendu à une date ultérieure.

L’affaire a éclaté en mars 2011 lorsqu’une agence de presse libyenne a affirmé que le gouvernement de Kadhafi avait financé la campagne de Sarkozy en 2007.

Dans une interview, Kadhafi lui-même a déclaré : « C’est grâce à nous qu’il est parvenu à la présidence. Nous lui avons fourni les fonds qui lui ont permis de gagner », sans fournir aucun montant ni autre détail.

Sarkozy, qui avait accueilli Kadhafi à Paris avec de grands honneurs en 2007, est devenu l’un des premiers dirigeants occidentaux à faire pression pour une intervention militaire en Libye en mars 2011, lorsque les manifestations en faveur de la démocratie du Printemps arabe ont balayé le monde arabe.

Kadhafi a été tué par des combattants de l’opposition en octobre de la même année, mettant fin à quatre décennies de règne sur ce pays d’Afrique du Nord.

L’année suivante, le site d’information en ligne français Mediapart a publié un document qui serait une note des services secrets libyens, mentionnant l’accord de Kadhafi pour financer la campagne de Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros.

Sarkozy a fermement rejeté ces accusations, qualifiant le document de « faux flagrant » et déposant des plaintes pour faux, recel et diffusion de fausses nouvelles.

Cependant, les autorités françaises ont finalement déclaré en 2016 que le document présentait toutes les caractéristiques d’un document authentique, même s’il n’existe aucune preuve définitive qu’une telle transaction ait eu lieu.

Le coût officiel de la campagne de Sarkozy en 2007 était de 20 millions d’euros.

Accusations de subornation de témoins

Les enquêteurs français ont scruté de nombreux voyages en Libye effectués par des proches de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, entre 2005 et 2007, dont son directeur de cabinet Claude Guéant. Ils ont également noté des dizaines de rencontres entre Guéant et Takieddine, acteur clé des grands contrats militaires français à l’étranger.

L’enquête a pris de l’ampleur lorsque Takieddine a affirmé en 2016 avoir livré des valises d’argent liquide en provenance de Libye au ministère français de l’Intérieur, bien qu’il soit revenu sur sa déclaration quatre ans plus tard.

Une nouvelle enquête sur d’éventuelles subornations de témoins a depuis été ouverte, avec des soupçons de tentatives de pression sur Takieddine pour blanchir Sarkozy. Sarkozy et son épouse Carla Bruni-Sarkozy font face à des accusations préliminaires pour avoir prétendument « profité de l’influence corrompue » de Takieddine.

11 autres accusés

Le procès implique 11 autres prévenus, parmi lesquels trois anciens ministres, dont Claude Guéant, et un ancien conseiller de Sarkozy. L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, accusé d’avoir servi d’intermédiaire, a fui vers le Liban et ne devrait pas comparaître devant le tribunal.

Comme Takieddine, l’homme d’affaires franco-algérien Alexandre Djouhri est accusé d’avoir été un intermédiaire.

L’affaire concerne également l’ancien chef de cabinet et trésorier de Kadhafi, Bashir Saleh, qui s’est réfugié en France pendant la guerre civile libyenne, puis s’est installé en Afrique du Sud, où il a survécu à une fusillade en 2018, avant de s’installer aux Émirats arabes unis.

Parmi les autres accusés figurent deux milliardaires saoudiens, un ancien cadre d’Airbus et un ancien banquier accusés d’avoir joué un rôle dans les transferts d’argent présumés.

Shukri Ghanem, l’ancien ministre du Pétrole de Kadhafi également soupçonné, a été retrouvé mort dans le Danube à Vienne en 2012 dans des circonstances peu claires. Les enquêteurs français ont pu retrouver le carnet de Ghanem, qui semble documenter les paiements effectués par la Libye.

Le chef des services secrets de Kadhafi et beau-frère, Abdallah al-Senoussi, a déclaré aux juges d’instruction que des millions de dollars avaient effectivement été fournis pour soutenir la campagne de Sarkozy. Accusé de crimes de guerre, il est désormais emprisonné en Libye.

Sarkozy condamné dans 2 autres affaires

Sarkozy a été condamné dans deux autres scandales, mais le cas libyen est considéré comme celui qui risque le plus d’avoir un impact sur son héritage.

Le mois dernier, le plus haut tribunal de France a confirmé sa condamnation pour corruption et trafic d’influence au cours de sa présidence, le condamnant à un an d’assignation à résidence avec bracelet électronique. L’affaire a été découverte grâce à des écoutes téléphoniques lors de l’enquête en Libye.

En février, une cour d’appel a déclaré Sarkozy coupable de financement illégal de campagne lors de sa tentative de réélection en 2012.

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