L’ancien président de la Commission européenne et figure marquante de la gauche française, Jacques Delors, est décédé mercredi à l’âge de 98 ans.
L’ancien président de la Commission européenne « est décédé ce matin (mercredi) à son domicile parisien dans son sommeil », a déclaré à l’AFP sa fille Martine Aubry, maire socialiste de Lille.
Ancien ministre de l’Économie sous François Mitterrand, Delors a anéanti les espoirs de la gauche en refusant de se présenter à l’élection présidentielle de 1995, alors qu’il était clairement favori dans les sondages.
Depuis Bruxelles, où il reste à la tête de la Commission de 1985 à 1995, il joue le rôle d’architecte dans l’élaboration des contours de l’Europe contemporaine : mise en place du marché unique, signature des accords de Schengen, de l’Acte unique européen, lancement du programme Erasmus programme d’échange d’étudiants, réforme de la politique agricole commune, mise en mouvement de l’Union économique et monétaire qui a conduit à la création de l’euro.
Fin 1994, son renoncement spectaculaire à une candidature présidentielle, annoncé après six mois de suspense en direct à la télévision devant 13 millions de téléspectateurs dans l’émission « 7 sur 7 » d’Anne Sinclair, stupéfie les Français.
« Je vais avoir 70 ans, je travaille sans relâche depuis 50 ans et il est plus raisonnable, dans ces conditions, d’envisager un mode de vie plus équilibré entre réflexion et action », avait-il déclaré, les yeux bleus baissés devant l’appareil photo.
Sa carrière politique s’arrête alors et, à partir du milieu des années 90, Delors continue de se battre presque comme un simple militant.
Avec ses groupes de réflexion, le « Club Témoin » et « Notre Europe » (devenu plus tard « l’Institut Jacques-Delors », avec des bureaux à Paris, Bruxelles et Berlin), il a plaidé jusqu’au bout pour un fédéralisme européen plus fort, appelant pour plus d’« audace » face au Brexit et aux attaques des « populistes de tous bords ».
En mars 2020, il a appelé les chefs d’État et de gouvernement de l’UE à faire preuve d’une plus grande solidarité alors qu’ils se disputaient une réponse commune à la pandémie de Covid-19.
Des origines modestes
Né à Paris le 20 juillet 1925 dans une simple famille catholique, Delors passe du patronage paroissial à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), à laquelle il restera attaché toute sa vie.
Admirateur de Pierre Mendès France, il attend 1974 et 49 ans pour rejoindre le PS, dans l’espoir de « se rendre utile ».
Directeur des finances publiques sous Mitterrand, il fut l’un des initiateurs des mesures d’austérité introduites en 1982, empêchant la France de sombrer dans l’inflation.
En 1948, il épouse Marie Lephaille, une collègue qui partageait ses convictions syndicales et religieuses, et décédée en 2020. Ils ont deux enfants : Martine Aubry, née en 1950, et Jean-Paul, né en 1953, décédé d’une leucémie. en 1982.
En 2021, il avait déclaré au Point qu’il n’avait « aucun regret » sur sa carrière, même s’il avait clairement indiqué qu’il n’avait pas toujours eu raison.
« J’étais trop préoccupé par l’indépendance et je me sentais différent de ceux qui m’entouraient. Ma façon de faire de la politique n’était pas la même ».
Le président Emmanuel Macron a rendu hommage mercredi à Delors via X, anciennement Twitter, le saluant comme un « artisan inépuisable de notre Europe ».
« Son engagement, ses idéaux et sa droiture nous inspireront toujours. Je salue son œuvre et sa mémoire, et partage la douleur de ses proches », a écrit le Premier ministre français.