Sex work protest

Jean Delaunay

La Cour européenne des droits de l’homme confirme la loi française pénalisant les clients des travailleuses du sexe

Selon l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International, la décision de la CEDH de jeudi a été une occasion manquée de mieux protéger les travailleuses du sexe contre les abus et la violence.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé jeudi qu’une loi française criminalisant les clients de travailleuses du sexe ne violait pas la Convention des droits de l’homme.

Cette décision fait suite à une pétition déposée par 261 travailleuses du sexe contestant la loi française de 2016, qui prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 1 500 € pour les clients de services sexuels, les sanctions étant considérablement augmentées pour les récidivistes.

Les opposants à la prostitution ont salué la décision concernant cette réglementation rarement appliquée comme une victoire majeure.

Cependant, les requérants, soutenus par une vingtaine d’associations, ont fait valoir que la loi obligeait les travailleuses du sexe à se cacher, augmentant ainsi leur vulnérabilité aux abus, à la violence et aux infections sexuellement transmissibles.

La requête a été déposée auprès de la CEDH à Strasbourg en 2019, après que leur affaire ait échoué devant les tribunaux français.

En vertu de l’article 8 de la Convention de l’UE, les plaignants ont fait valoir que la loi française pénalisant les acheteurs de services sexuels mettait en danger leur santé physique et mentale.

Concernant la santé et la sécurité des travailleuses du sexe, les juges de Strasbourg ont déclaré être « pleinement conscients des difficultés et des risques indéniables auxquels elles sont exposées dans l’exercice de leur activité ».

Ceci était « déjà présent et constaté avant l’adoption de la loi » en 2016, « les mêmes effets négatifs ayant par le passé été imputés à l’introduction du délit de racolage en droit français », a précisé la cour.

Selon l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International, la décision de la CEDH de jeudi a été une occasion manquée de mieux protéger les travailleuses du sexe contre les abus et la violence.

« Cette décision ne tient pas compte du fait que la criminalisation du travail du sexe accroît la discrimination et la stigmatisation et met en danger la sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe, qui comptent parmi les groupes les plus marginalisés de nos sociétés », a déclaré Anna Błuś, chercheuse sur les droits des femmes à Amnesty International.

« La criminalisation met également en péril leurs droits humains car elle crée des obstacles pour les travailleuses du sexe dans l’accès au logement, aux soins de santé et à d’autres services essentiels et peut conduire à des abus, à la violence, au harcèlement et à l’extorsion », a-t-elle ajouté.

Des travailleuses du sexe brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Les prostituées sont en colère. Ne touchez pas à nos clients » lors d'une manifestation contre le nouveau projet de loi contre la prostitution et le trafic sexuel, à Paris, mercredi.
Des travailleuses du sexe brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Les prostituées sont en colère. Ne touchez pas à nos clients » lors d’une manifestation contre le nouveau projet de loi contre la prostitution et le trafic sexuel, à Paris, mercredi.

A l’approche des Jeux olympiques et de l’afflux de touristes, les autorités françaises s’inquiètent d’une possible augmentation de la prostitution. Des mesures de sensibilisation ont toutefois été prises, selon les autorités.

L’Europe divisée sur la manière de gérer le travail du sexe

Le débat sur la manière d’aborder le travail du sexe en Europe fait rage depuis des décennies, en particulier depuis le début des années 2000, lorsque les Pays-Bas ont commencé à réglementer la prostitution.

En 2022, la Belgique est devenue le seul pays d’Europe à dépénaliser le travail du sexe, tandis que les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ont tous légalisé une certaine forme de travail du sexe.

En revanche, la France et la Suède criminalisent l’achat de services sexuels mais pas leur vente, dans le but général d’« abolir » le travail du sexe.

Plusieurs agences de l’ONU, notamment l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), ainsi que des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, s’opposent à la criminalisation de l’achat de services sexuels.

Laisser un commentaire

deux × un =