La COP28 de cette année devrait-elle être la dernière ?

Milos Schmidt

La COP28 de cette année devrait-elle être la dernière ?

Des sommets et des organisations différents, plus flexibles et plus régionaux doivent émerger pour atteindre collectivement les objectifs de l’Accord de Paris, écrivent le Dr Marc Nebojsa Vukadinovic et Isabelle Négrier.

Chaque année depuis 1995, la Conférence des Parties, ou COP, réunit les États membres des Nations Unies pour discuter des enjeux climatiques.

Et en 2015, lors de la COP21, l’Accord de Paris marque un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour la première fois, tous les États membres des Nations Unies se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, avec l’objectif ambitieux de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C d’ici 2100.

Il ne s’agissait plus de débats, d’observations ou de déclarations d’intention, mais d’un véritable engagement chiffré, pris devant le monde entier, à la disposition des observateurs et des générations futures.

Ce fut également un grand succès pour la diplomatie européenne et française, qui a réussi à faire adhérer à l’accord les nations les plus polluantes de la planète.

Et pourtant, nous y sommes

Mais huit ans se sont écoulés. Les COP successives n’ont fait que peu de progrès significatifs, et l’essentiel des progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique s’organise désormais ailleurs, dans d’autres institutions, lors d’autres événements, dans les relations bilatérales entre États, ou simplement sous la pression de l’opinion publique.

Le cadre fixé par les gouvernements est clair : c’est à eux de le mettre en œuvre, et aux entreprises de relever le défi.

Le modèle… a beau avoir été efficace en 2015, il montre aujourd’hui ses limites : aucun accord global n’a été signé depuis.

Un homme en costume d'ours polaire se promène entre les délégués lors de l'ouverture de la COP 23 de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Bonn, en novembre 2017.
Un homme en costume d’ours polaire se promène entre les délégués lors de l’ouverture de la COP 23 de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Bonn, en novembre 2017.

Entre-temps, la COP est devenue emblématique d’un format de grands colloques diplomatiques à bout de souffle, et ses limites inhérentes sont sur le point d’être démontrées par l’événement à venir aux Émirats arabes unis.

Ce modèle fédérateur de toutes les nations du monde, par nature laborieux et complexe, a beau avoir été efficace en 2015, il montre aujourd’hui ses limites : aucun accord mondial n’a été signé depuis.

Pire encore, le modèle de la COP apparaît désormais contre-productif, devenant peu à peu le symbole d’une grande délire diplomatique sur fond de greenwashing. La COP28, qui se tiendra à Dubaï en novembre et décembre, en est l’exemple le plus caricatural.

Emirates en tant qu’organisateurs, Emirates en tant que pollueurs

Il sera difficile de convaincre l’opinion publique européenne, asiatique, africaine ou américaine d’opter pour un modèle de croissance plus sobre venant des Émirats arabes unis.

La petite pétromonarchie du Golfe, avec une population d’à peine dix millions d’habitants, est le sixième émetteur de CO2 par habitant au monde, avec 22 tonnes par personne et par an.

Les Émirats arabes unis sont également le septième producteur mondial de pétrole, produisant et exportant près de 4 000 barils par jour.

Difficile de donner son feu vert à un événement dédié à la lutte contre le réchauffement climatique organisé par l’un des plus grands pollueurs de la planète.

Le soleil se lève sur le siège de la Abu Dhabi National Oil Co. qui domine l'horizon d'Abu Dhabi, novembre 2016
Le soleil se lève sur le siège de la Abu Dhabi National Oil Co. qui domine l’horizon d’Abu Dhabi, novembre 2016

Difficile de donner son feu vert à un événement dédié à la lutte contre le réchauffement climatique organisé par l’un des plus grands pollueurs mondiaux et, pour couronner le tout, présidé par l’un des plus grands pollueurs du pays, le sultan Al-Jaber, qui est à la fois Président de la COP28 et PDG d’ADNOC, la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis.

Dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants du monde et à l’ONU le 23 mai, des centaines de parlementaires européens et américains ont appelé au retrait du sultan Al-Jaber de la présidence de la COP28, mais en vain.

Transformer une aberration écologique en une opportunité historique

Dans ces conditions, et pour éviter d’alimenter de futures désillusions diplomatiques et écologiques, il est urgent d’aller de l’avant.

Il est temps d’opter pour de nouveaux modèles politiques pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique et briser notre dépendance aux énergies fossiles.

Des sommets et des organisations différents, plus flexibles et plus régionaux doivent émerger pour atteindre collectivement les objectifs de l’Accord de Paris.

Aidons les États, les entreprises et les ONG des cinq continents à mettre en place de nouvelles formes d’organisation, adaptées à leurs réalités régionales et véritablement efficaces pour atteindre nos objectifs climatiques.

Les participants à la conférence sur le climat COP22 posent en soutien aux négociations sur le climat et à l'accord de Paris, le dernier jour de la conférence, à Marrakech, novembre 2016.
Les participants à la conférence sur le climat COP22 posent en soutien aux négociations sur le climat et à l’accord de Paris, le dernier jour de la conférence, à Marrakech, novembre 2016.

L’Europe était aux commandes en 2015, aidant la COP21 à fournir un cadre pour structurer nos objectifs climatiques pour le siècle à venir.

Désormais, les diplomaties française et européenne doivent continuer à assumer leurs responsabilités en favorisant l’émergence de nouvelles institutions qui viendront à terme remplacer les accords répétés des COP, qui allient insignifiance et impuissance.

Ne donnons pas notre bénédiction à cette COP28, qui discréditera la lutte contre le réchauffement climatique.

Au contraire, aidons les États, les entreprises et les ONG des cinq continents à mettre en place de nouvelles formes d’organisation, adaptées à leurs réalités régionales et véritablement efficaces pour atteindre nos objectifs climatiques.

L’Europe a la possibilité de montrer sa différence, de démontrer ses valeurs et de rendre ses citoyens fiers. Marquons l’histoire et servons la planète.

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