The number of air conditioning units in Europe has doubled since 1990.

Milos Schmidt

La climatisation « aggrave la crise climatique », mais combien d’Européens l’utilisent ?

Les machines de refroidissement font partie d’un cercle vicieux de chauffage.

Les Européens dépendent moins de la climatisation que de nombreux autres citoyens du monde.

Mais les chiffres montrent que son utilisation a régulièrement augmenté sur le continent à mesure que les températures ont augmenté en raison du changement climatique d’origine humaine.

Le nombre d’unités de climatisation en Europe a plus que doublé depuis 1990, alors que les besoins en refroidissement des bâtiments ont quadruplé, en particulier dans le nord du continent.

Dans quelle mesure les Européens utilisent-ils davantage la climatisation et quel est l’impact environnemental de ces machines ?

Quelle est la fréquence de la climatisation en Europe ?

Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié en 2018 et basé sur des données de 2016, l’Union européenne possède bien moins d’unités de climatisation que la Chine ou les États-Unis.

Le pays compte globalement moins d’unités de climatisation (96,5 millions d’unités) et moins d’unités pour 1 000 habitants (environ 20 unités pour 1 000 habitants).

En 2016, trois pays représentaient à eux seuls les deux tiers des unités de climatisation mondiales : la Chine, les États-Unis et le Japon.

En 2022, le taux de pénétration de la climatisation était de 90 % aux États-Unis et de seulement 19 % en Europe, selon les données de l’AIE.

Cependant, l’AIE prévoit que 130 millions d’unités seront installées dans l’UE d’ici 2023 et estime que le nombre d’unités pourrait quadrupler sur le continent d’ici 2050.

Le rapport de l’AIE révèle également qu’en Europe, on a tendance à installer davantage de climatisation dans les bâtiments commerciaux que dans les maisons privées, alors qu’aux États-Unis, en Chine et au Japon, c’est l’inverse.

Toutefois, les ventes de climatisation ont progressé plus rapidement sur le marché intérieur que dans les bâtiments commerciaux de l’UE.

L’installation d’un climatiseur reste souvent un petit luxe. Outre le coût de l’installation, l’augmentation des factures d’énergie une fois la climatisation installée constitue un frein.

Une étude réalisée dans 16 pays par quatre chercheurs des universités de Berkeley aux États-Unis et de Mannheim en Allemagne montre que, globalement, le nombre de ménages qui installent la climatisation est plus élevé dans les pays riches et augmente plus fortement parmi les ménages les plus aisés.

Cela étant dit, les données d’Eurostat montrent que le refroidissement de l’air ne représente actuellement que 0,5 % de la consommation finale d’énergie des ménages européens.

Quel est l’impact environnemental de la climatisation ?

La climatisation entraîne une consommation d’énergie plus élevée, des émissions de gaz à effet de serre et un air plus chaud, en particulier dans les villes, en raison de l’effet d’îlot de chaleur urbain.

Selon l’AIE, la climatisation est actuellement responsable de l’émission d’environ un milliard de tonnes de CO2 par an, sur un total de 37 milliards de tonnes émises dans le monde.

Clara Camarasa, experte à l’AIE, explique que la climatisation « peut exercer une pression immense sur les réseaux électriques et accélérer les émissions de gaz à effet de serre, aggravant ainsi la crise climatique ».

« La croissance rapide des besoins (en climatisation) peut conduire à l’utilisation d’équipements inefficaces et énergivores », ajoute-t-elle.

« Les climatiseurs ont souvent besoin de grands volumes d’eau, et certains d’entre eux, avec certains réfrigérants, ont un potentiel de réchauffement particulièrement élevé, ce qui est également nocif pour la couche d’ozone. »

Les besoins en refroidissement des bâtiments ont quadruplé entre 1979 et 2022 dans l’UE, notamment dans le nord du continent.

Dans les villes, l’utilisation de la climatisation accentue l’effet d’îlot de chaleur. En plus de contribuer au changement climatique global, les systèmes de climatisation refroidissent les bâtiments en libérant la chaleur dans les zones urbaines, qui la stockent et la restituent, notamment la nuit.

En France, une étude du Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement), a simulé la combinaison d’une canicule et du niveau de climatisation à Paris.

L’équipe a calculé que la température dans les rues de Paris augmenterait de 2,4°C la nuit si tous les bâtiments climatisés de la ville maintenaient une température intérieure de 23°C pendant une vague de chaleur de 38°C sur neuf jours.

Cette vague de chaleur inciterait à son tour à recourir à la climatisation, dans un cercle vicieux qui pourrait suggérer que nous devrions abandonner définitivement le refroidissement des bâtiments.

La climatisation est-elle désormais une nécessité fondamentale ?

Dans certaines régions, la climatisation est essentielle pour rester au frais et donc en sécurité et en bonne santé.

« Certains puristes pensent que nous ne devrions pas utiliser la climatisation du tout, mais je pense que ce n’est tout simplement pas faisable », explique Robert Dubrow, directeur du Centre sur le changement climatique et la santé à l’université de Yale.

L’accès à la climatisation sauve déjà des dizaines de milliers de vies par an, un chiffre en augmentation, selon un récent rapport de l’AIE.

Des études montrent que le risque de décès lié à la chaleur est réduit d’environ 75 % dans les foyers équipés de la climatisation.

Les experts s’accordent à dire que la démarche la plus judicieuse n’est pas de réduire l’utilisation de la climatisation en tant que telle, mais de promouvoir des systèmes plus efficaces et de donner la priorité à l’isolation des bâtiments et à la plantation de végétation.

« Les solutions fondées sur la nature suscitent un intérêt croissant pour lutter contre les îlots de chaleur urbains », explique Camarasa. « Les espaces verts (et) les toits végétalisés peuvent rendre les villes plus résilientes, en complément des technologies efficaces. »

Elle estime donc que « privilégier les pompes à chaleur réversibles et améliorer l’isolation des bâtiments peut contribuer à construire des villes plus durables et plus résilientes, tout en s’attaquant à la demande croissante en énergie ».

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