La Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir ses taux d’intérêt inchangés jeudi, mais l’amélioration des perspectives d’inflation, tant au niveau national qu’international, signifie que la porte à de nouvelles baisses plus tard dans l’année reste grande ouverte.
L’inflation globale a baissé à 2,5% en juin contre 2,6% en mai et l’économie de la zone euro semble légèrement plus faible que prévu, l’industrie de la région étant toujours bloquée en marche arrière alors que les principaux marchés d’exportation en Chine et aux États-Unis montrent des signes de ralentissement.
Une enquête très surveillée publiée mardi a montré que les attentes concernant l’économie allemande, la plus importante de la zone euro, ont faibli pour la première fois depuis un an, tandis qu’une autre enquête menée par la BCE ne montrait aucun signe d’une reprise significative des investissements des entreprises.
Les marchés financiers, tout en ne s’attendant à aucune action cette semaine, continuent de parier sur une nouvelle baisse d’un quart de point en septembre, qui ramènerait le taux directeur de la facilité de dépôt à 3,5 %. Ils tablent également sur une probabilité de 80 % d’une nouvelle baisse de même ampleur en décembre.
Pour autant, la présidente Christine Lagarde devra peut-être éviter la tentation de donner des indications trop claires, après que la première baisse des taux de la Banque en juin a été compliquée par la preuve que l’inflation dans le secteur clé des services refuse toujours obstinément de ralentir.
Le compte-rendu de la réunion de juin de la BCE a révélé plus tard que certains responsables politiques s’étaient sentis mal à l’aise face à cette baisse, estimant que « les données disponibles depuis la dernière réunion n’avaient pas renforcé leur confiance dans le fait que l’inflation convergerait vers l’objectif de 2 % d’ici 2025 » et que la baisse n’était « pas entièrement conforme au principe de dépendance aux données ».
Dans ce qui ressemble à un avertissement à peine voilé à Christine Lagarde de ne plus faire de promesses, la Bundesbank a souligné mardi l’importance de rester « dépendante des données » en raison de la persistance des risques à la hausse de l’inflation.
Depuis la dernière réunion, certains facteurs ont certes facilité la tâche de la BCE, qui peut abaisser ses taux si elle le souhaite : aux États-Unis, l’inflation et le marché du travail ont tous deux ralenti, ce qui conduit beaucoup à s’attendre à une première baisse des taux de la part de la Réserve fédérale dès septembre. L’euro s’est ainsi renforcé à son plus haut niveau depuis quatre mois face au dollar. L’économie chinoise a également ralenti plus fortement que prévu au deuxième trimestre, atténuant ainsi la pression sur les prix mondiaux de l’énergie.
Mais d’autres facteurs plus proches de nous ont été moins utiles. Les récentes élections en France ont créé une incertitude sérieuse sur la rapidité avec laquelle Paris, Rome et une poignée d’autres capitales de l’UE pourront réduire leurs déficits budgétaires, ce qui accroît les risques d’inflation. La BCE a indiqué qu’elle pensait que les gouvernements devraient revenir sur les mesures de soutien d’urgence de ces dernières années et qu’elle pourrait avoir moins de marge de manœuvre pour assouplir sa politique monétaire s’ils ne le faisaient pas.
Lors de sa conférence de presse habituelle qui suivra la réunion, Christine Lagarde devrait être confrontée à une avalanche de questions sur l’avenir politique incertain de la France. Les récentes élections n’ont pas permis de désigner un vainqueur clair et ont donné lieu à un Parlement dominé par des partis dont les plans de dépenses expansionnistes menacent d’enfreindre les règles budgétaires de l’UE et de mettre la dette publique française sur une trajectoire insoutenable. Dans le pire des cas, cela risquerait de déclencher une nouvelle crise de la dette souveraine dans la zone euro.
La France, dont la dette publique atteint 110 % du PIB, est déjà confrontée à une procédure dite de déficit excessif de la part de l’UE, tout comme l’Italie et cinq autres pays. Même si le scénario du pire, celui d’un gouvernement fort et radical défiant ouvertement l’UE, ne s’est pas matérialisé, les craintes que le nouveau gouvernement ne parvienne pas à consolider les finances publiques restent réelles. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a exhorté tout nouveau gouvernement à éviter d’accroître le déficit.
Pour l’heure, les marchés restent calmes : la prime exigée par les marchés pour la dette française à 10 ans par rapport à la dette allemande est tombée de 0,85% à 0,65% à la clôture de lundi. Et ce, malgré les propos du ministre allemand des Finances Christian Lindner qui a menacé de porter plainte contre la BCE si elle agissait pour maintenir les coûts d’emprunt de Paris à un niveau bas. La BCE a créé un outil permettant des achats ciblés d’obligations pour contrecarrer toute hausse des rendements obligataires qu’elle considère comme injustifiée, mais plusieurs commentaires de responsables de la BCE au cours du mois dernier ont suggéré qu’ils ne se voyaient pas utiliser cet outil pour aider la France dans un avenir proche.
Selon les analystes, Christine Lagarde doit éviter de dire quoi que ce soit qui puisse ébranler la confiance des investisseurs dans la volonté d’action de la BCE. En même temps, elle ne voudra pas donner l’impression que la BCE est prête à offrir un repas gratuit à son pays.
« La présidente Lagarde ne dira rien de nouveau à ce sujet, d’autant plus que les rendements obligataires ne montrent pas de stress aigu et que les processus politiques sont toujours en cours », a déclaré Greg Fuzesi, économiste de JP Morgan.
Comme l’a déclaré Carsten Brzeski, responsable mondial de la macroéconomie chez ING : « L’objectif principal, voire unique, sera d’avoir un début de saison des vacances en douceur et d’éviter de plonger les marchés dans une période estivale mouvementée. »