Jeff Goldblum is Zeus

Milos Schmidt

« KAOS » : à qui s’adresse la série Netflix de Jeff Goldblum sur les dieux grecs ?

Dans « KAOS » de Netflix, Jeff Goldblum incarne un Zeus capricieux dans une Grèce antique moderne avec brio. Mais la série a-t-elle des ailes ?

« KAOS » est la nouvelle série dramatique de Netflix qui réinvente le Panthéon des dieux grecs en y faisant vivre des immortels contemporains. Le décor est une Crète alternative du XXIe siècle, qui tient plus de Los Angeles que de l’Hellenic.

La mythologie grecque antique n’est pas ancienne dans ce monde. Malgré le cadre anglophone et son esthétique hollywoodienne minable, il s’agit d’une version de la réalité où l’Empire grec a perduré encore 2 000 ans.

Aujourd’hui, Jeff Goldblum règne sur la Crète dans le rôle de Zeus, le roi des dieux. Goldblum est parfaitement choisi pour incarner l’enfant gâté de la divinité patriarcale de la Grèce. Là où le monothéisme chrétien imprègne son être suprême d’une solennité omnisciente, les Grecs étaient bien plus amusants.

Pétulance, vanité et sarcasme sont de rigueur dans ce panthéon réinventé. Qui d’autre pourrait incarner ces vertus mieux que Goldblum, qui adapte son style de performance caractéristique au style suave et débonnaire de LA-Zeus.

Mais la chance de Zeus tourne. Zeus ne cesse de remarquer des signes avant-coureurs de problèmes et la dévotion du peuple crétois commence à se fissurer lorsque les Troyens profanent un monument du Jour d’Olympie en son nom. Seule sa femme (et sœur) Héra (une Janet McTeer glaciale) parvient à calmer Zeus et à l’empêcher de riposter au blasphème : « Tu es le roi des dieux, les humains ne sont pas une menace pour toi ».

Les paroles d’Héra ne sont peut-être pas tout à fait vraies. Comme le prophétise Prométhée, peut-être qu’après des milliers d’années, les bons humains seront capables de détruire Zeus.

Killian Scott et Nabhaan Rizwan dans le rôle d'Orphée et Dionysos
Killian Scott et Nabhaan Rizwan dans le rôle d’Orphée et Dionysos

En parallèle, le premier épisode nous propose également une intrigue secondaire basée sur Eurydice, l’amante d’une version rock-star d’Orphée. Elle rencontre Cassandra, la reine troyenne prophétique oubliée, dans le rayon des céréales d’un supermarché. Là, Cassandra (jouée par une Billie Piper qui adore les décors) dit à Eurydice qu’elle va quitter son partenaire aujourd’hui.

C’est dans cette intrigue du premier épisode de « KAOS » que l’on ne sait plus à qui s’adresse la série. Pour quiconque connaît les mythes grecs, il n’y a qu’une seule façon de voir l’intrigue de personnages comme Orphée et Eurydice.

Autant une approche colorée – bien qu’il s’agisse d’un tarif Netflix plus standardisé, une cinématographie en coupe carbone avec un mont Olympe tourbillonnant en CGI – est rafraîchissante pour ces mythes, autant la valeur de la série doit être plus que simplement offrir aux fans de la Grèce antique une opportunité de souligner tout ce qu’ils savent.

D’un autre côté, pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces mythes, je ne sais pas exactement dans quelle mesure ils peuvent réellement s’accrocher. Si KAOS fait une erreur clé, c’est qu’il suppose que le spectateur trouve tout cela très accrocheur. Sans un vague intérêt pour la façon dont la série va recadrer ces mythes populaires, les personnages eux-mêmes ne vous accrochent pas. En particulier, Eurydice et Orphée ont un visage un peu trop sérieux et tout est soit imprégné de trop de gravité, soit trop modernisé et terre-à-terre pour que vous vous y intéressiez particulièrement.

Aurora Perrineau dans le rôle de Riddy (Eurydice)
Aurora Perrineau dans le rôle de Riddy (Eurydice)

Si vous êtes intrigué par la mythologie grecque, la manière semi-imaginative dont cette série réinvente ces histoires en fait un spectacle toujours intéressant. L’autre acteur majeur du premier épisode est Dionysos (joué avec charme par Nabhaan Rizwan) qui rompt avec sa propre mythologie en proposant d’aider Orphée à récupérer sa femme lorsque l’inévitable se produit.

Après Dionysos, Héra et Zeus, l’épisode 2 présente Hadès (le glorieux David Thewlis) et Perséphone pour prouver que ce sont les dieux qui finiront par maintenir l’intérêt des spectateurs pour la série. Alors que tous les humains restent insupportablement maussades, tous les acteurs derrière les dieux ont dûment pris note de jouer leurs rôles plus grands que nature.

Dès les premiers épisodes, le problème majeur est que chaque fois que les dieux interagissent avec les humains, le décalage entre ces deux ambiances fait que le dialogue ne démarre jamais. Les dieux sautent d’une réplique à l’autre comme dans un scénario de Joss Whedon, tandis que les humains s’arrêtent avec les présages d’un drame d’Harold Pinter.

La manière dont « KAOS » sera finalement reçu dépendra de la rapidité avec laquelle le créateur Charlie Covell sera prêt à jouer avec le mythe. Si vous vous rapprochez trop des histoires établies, vous n’obtiendrez qu’une adaptation superficielle qui n’est pas à moitié aussi imaginative que le matériel source. Pas assez proche, et les fans de mythes se demanderont pourquoi le studio s’est embêté avec l’original en premier lieu.

Il existe une option intermédiaire qui permet de se situer à mi-chemin entre ces deux situations. Reste à savoir si « KAOS » y parviendra…

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