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Martin Goujon

Il est né le gouvernement

Le briefing politique essentiel du matin.

POLITICO Playbook Paris

Par SARAH PAILLOU

Avec ANTHONY LATTIER et PAULINE DE SAINT REMY

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CHANTONS TOUS SON AVÈNEMENT. On ne pouvait évidemment pas partir en vacances sans vous avoir livré les ultimes rebondissements de la composition du gouvernement, nommé hier en fin d’après-midi. La nouvelle équipe se réunira pour un premier Conseil des ministres le 3 janvier, a précisé l’Elysée.

Ça tombe bien : Playbook sera de retour la veille, le 2 janvier. Pour patienter en notre absence, un cadeau vous attend au pied du sapin, pardon, de votre infolettre. Joyeux réveillon à tous et toutes, nous sommes le mardi 24 décembre 2024.

GOUVERNEMENT BAYROU I

PAR OÙ COMMENCER. Plus que les poids lourds et surprises— Elisabeth Borne à l’Education, Manuel Valls aux Outre-mer, Gérald Darmanin à la Justice, Eric Lombard à Bercy… —, c’est un grand absent de la liste finale des 35 noms, à retrouver en intégralité ici, qui a le plus fait parler : Xavier Bertrand. La disparition du casting final de ce représentant des Républicains, imputée par lui-même à l’opposition du Rassemblement national (on vous en parlait hier), a fait hurler… la gauche, et a augmenté encore la menace de censure.

Le N.B. de Macron. Notez d’abord ce commentaire d’un lieutenant d’Emmanuel Macron, qui veillait à dédouaner le président de toute responsabilité dans la composition du gouvernement, et renvoyait vers Matignon votre serviteure qui l’interrogeait sur les moyens d’échapper à une motion de censure.

“C’est un gouvernement Bayrou”, nous pianotait nuitamment notre homme via messagerie cryptée. Selon lui, le chef de l’Etat s’est borné à réclamer une “stabilité sur son domaine réservé”, soit le maintien de Jean-Noël Barrot au Quai d’Orsay (empêchant Gérald Darmanin d’y accéder), Sébastien Lecornu aux Armées et Benjamin Haddad aux Affaires européennes. “Personne ne peut croire une seconde que quelqu’un qui raconte s’être imposé au PR ait pu se faire imposer des ministres”, médisait-il encore.

Xoxo, Xaxa. La veille encore, François Bayrou confirmait à Xavier Bertrand — au téléphone puis derechef dans son bureau à Matignon — vouloir le nommer ministre de la Justice, selon le récit nocturne d’un proche du président du conseil régional des Hauts-de-France. Xavier Bertrand a pris les devants quand il a été informé hier matin du fait qu’il n’obtiendrait finalement pas la Chancellerie. Avant même l’annonce officielle, il a publié un communiqué fustigeant un gouvernement “formé avec l’aval de Marine Le Pen” et “une faute”, celle de “composer avec l’extrémisme”.

Étude d’opinion. Flairant l’occasion de démontrer l’influence préservée de la cheffe des députés RN, l’entourage de Marine Le Pen corroborait bien logiquement ce récit hier soir. “Il y a eu un sondage tout à fait formel de la patronne, sur le nom et le poste : ‘est-ce que ça vous pose une difficulté majeure ?’”, nous assurait-on. Réponse positive de “MLP”, exit Xavier Bertrand, à qui François Bayrou a tout de même proposé un vaste ministère de l’Agriculture, incluant parfois la souveraineté, la ruralité, ou encore les territoires, selon les différentes versions arrivées hier dans le téléphone de Playbook. Refusé.

“Rien à voir” avec une ingérence de Marine Le Pen, a tenté de se défendre François Bayrou, qui a déboulé dans la soirée sur BFMTV pour une heure trente d’interview (le résumé est là). Le Premier ministre a évoqué des divergences de vues avec Xavier Bertrand, notamment sur les modes de perception d’amendes, tout en martelant ne pas vouloir “faire la guerre” aux électeurs du RN (ou de LFI). “Une histoire de PV ? C’est pas sérieux !” réagissait a posteriori le proche de l’ex-ministre du Travail précité : “S’il y avait eu un désaccord (sur le fond), le PM pouvait arbitrer.”

À GAUCHE. Voilà donc pourquoi les socialistes, les Ecologistes et les communistes saluaient, hier, la missive de Xavier Bertrand. Son éviction est un “signal de subordination” aux députés lépenistes, estimait le député socialiste Laurent Baumel, au téléphone avec Playbook dans la soirée. Lui y voyait la preuve que le Premier ministre recherchait “les conditions d’une non-censure du RN” plutôt que du PS. “François Bayrou reproduit la même configuration que celle de Michel Barnier”, se désespérait-il. Et de cibler aussi le refus du Premier ministre, réitéré sur BFMTV, de suspendre la réforme des retraites.

Chiasme. Avec des mots encore plus durs, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a dézingué : “Ce n’est pas un gouvernement, c’est une provocation. La droite extrême au pouvoir sous la surveillance de l’extrême droite.” Le duo Bruno Retailleau à l’Intérieur featuring Gérald Darmanin garde des Sceaux (dont certains n’ont pas manqué de rappeler sa défense récente de Marine Le Pen lors de son procès) n’a pas aidé, non plus, à mettre les socialistes dans de bonnes dispositions.

Le retour du “kamikaze” Valls, honni par son ancienne famille politique, n’a rien arrangé à l’humeur des socialistes — mais si vous, vous étiez nostalgique de l’ex-PM, vous pourrez le retrouvez dès 8h20 sur France Inter. Deux autres ex-roses ont été nommés, François Rebsamen (Aménagement du territoire et Décentralisation) et Juliette Méadel (Ville), qui ont eux aussi, de longue date, coupé les ponts avec leur parti d’origine.

Enfin, presque : Juliette Méadel avait demandé à être réintégrée au PS “il y a quelques semaines”, selon un mail interne consulté par Playbook à l’heure de l’apéro. “Vous comprendrez, je n’en doute pas, que cette nomination (au gouvernement) vient s’opposer à votre ré-adhésion”, a fort courtoisement répondu un responsable local à la néo-ministre.

LA FOI. Malgré ces alertes, les proches de François Bayrou, contactés hier, ne s’alarmaient pas outre mesure. Le PM lui-même s’en est dit “persuadé” sur BFMTV : “Nous ne serons pas censurés.” La composition du gouvernement ayant été annoncée, les négociations sur le fond vont pouvoir débuter, nous soutenaient les bayrouistes.

“Maintenant, ça va se jouer avec la gauche, et là tout est possible”, voulait croire une source au MoDem. Un cadre du parti nous assurait aussi que des compromis seraient envisageables pendant l’examen du budget, pour éviter une censure d’une partie de la gauche : “Il y a des sujets qui obtiennent une majorité à l’Assemblée, comme ceux liés à la justice fiscale.”

L’espoir Lombard. Un stratège macroniste y croyait dur comme fer : pour la gauche, la nomination d’Eric Lombard comme ministre de l’Economie est “plus significative qu’il n’y paraît”, expliquait-il dans le combiné de Playbook.

“C’est la social-démocratie à l’état pur”, soutenait notre interlocuteur, soulignant que celui qui était jusqu’alors directeur général de la Caisse des dépôts s’y était constitué un “fantastique réseau” d’élus locaux, notamment de gauche. “Ce n’est pas quelqu’un qui ne connaît pas la gauche”, nous a en effet assuré l’un de ses interlocuteurs réguliers. Qui se montrait toutefois moins convaincu : “Sur le fond, c’est un macroniste, c’est la politique de l’offre à fond la caisse.” Faites-vous donc un premier avis avec le compte-rendu de son discours de passation, prononcé dès hier.

En parlant de Bercy : Roland Lescure aurait pu intégrer ce pôle, selon son entourage. François Bayrou lui aurait proposé un poste hier matin, décliné par l’ancien ministre, insatisfait des équilibres gouvernementaux. Le stratège macroniste cité plus tôt évoquait plutôt une demande de plusieurs caciques de l’ancienne majorité de ne pas toucher au bureau de l’Assemblée nationale. La nomination de Lescure, vice-président de l’institution, aurait de fait entraîné une nouvelle élection compliquée (souvenez-vous de la succession d’Annie Genevard, dans le même cas avant de devenir ministre de l’Agriculture).

À DROITE. On les oublierait presque parce qu’eux sont représentés au gouvernement, mais Les Républicains non plus ne sont pas franchement emballés par Bayrou I. En visio avec ses députés sur les coups de 20 heures, Laurent Wauquiez a beaucoup râlé.

Inventaire des griefs, selon le texto que nous a envoyé l’un de ses proches : une absence d’“engagements précis” de François Bayrou sur le fond … la composition du gouvernement, qui comprend une “forte présence de la gauche” et sept LR contre douze, en sus de Michel Barnier, dans la précédente équipe … la “méthode” du PM, qui n’a appelé Laurent Wauquiez qu’à 18h28 pour l’informer de la liste finale.

Menace. Le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale a donc promis une “vigilance” de ses troupes, qui décideront de leur vote “texte par texte” et ne “(s’interdisent) pas de retirer (leur) soutien.”

Ça ronchonnait aussi du côté des sénateurs LR, hier soir. Plusieurs d’entre eux ont fait part sur leur boucle de messagerie interne de leur perplexité en découvrant qu’une des leurs, Sophie Primas, devenait la porte-parole du gouvernement de François Bayrou. Beaucoup jugent la nouvelle équipe bien trop “macroniste” à leur goût. 

Parole à la défense. Cette réaction, “c’est le contraire exact du gaullisme”, selon lequel les partis “ne doivent pas être ceux qui forment les gouvernements” a rétorqué le Premier ministre sur BFMTV. “Tout le monde a baissé (en nombre de postes au gouvernement par parti), il fallait faire de la place aux personnalités de gauche”, ajoutait-on au MoDem.

NOS CÉSAR DE LA POLITIQUE

OH, LES BELLES STATUETTES. Chose promise, chose due : L’Observatoire de l’Europe vous offre pour Noël une façon rigolote et distinguée de revenir sur 2024. Il faut bien rendre hommage à ces douze derniers mois qui nous ont tous fait un peu tourner bourrique. Les acteurs et actrices politiques n’ont point manqué de créativité ni d’émotion dans leur jeu — sans compter le comique de répétition. Nous sommes donc heureux de décerner, en exclusivité mondiale et pour la première fois, nos César de l’année politique !

Le chef–d’œuvre toute catégorie : il n’a plus besoin d’être présenté. Chacun garde un vif souvenir de sa soirée du 9 juin. La dissolution, que nous vous contons dans cet ouvrage, se hisse sans peine tout en haut de notre classement. Certes, la décision d’Emmanuel Macron a divisé la critique, mais le résultat est là : l’Assemblée ressort de l’opération coupée en trois blocs irréconciliables, le dernier gouvernement a été le plus éphémère de la Ve République, et la France attend toujours un budget. Chapeau, l’artiste.

Dans le rôle du meilleur acteur, Eric Ciotti, pour sa performance au lendemain de l’annonce de la dissolution. Pacte avec le Rassemblement national dissimulé aux cadres des Républicains, fermeture des lourdes portes du QG du parti qu’il dirigeait encore, mise en scène de son retour dans son bureau… Le député s’est incontestablement imposé en protagoniste du moment. 

Ils repartent aussi avec un prix : Lucie Castets dans le rôle de la meilleure figurante, Jean-Luc Mélenchon dans celui du meilleur producteur (à gauche, évidemment), ou les constitutionnalistes, nos révélations 2024.

Ne ratez pas non plus : le César du court métrage, du costume, de nos bandes originales, du documentaire, du cliffhanger, du come-back ou des effets spéciaux de l’année. Découvrez l’ensemble de notre palmarès sous la plume de mes collègues Jason Wiels, Pauline de Saint Remy, Anne-Charlotte Dusseaulx, Anthony Lattier et Sofiane Orus-Boudjema en cliquant ici.

AUSSI À L’AGENDA

Passations de pouvoir : au ministère de la Santé, de Geneviève Darrieussecq et Paul Christophe à Catherine Vautrin, en présence des ministres délégués, à 9 heures … pour les portefeuilles liés aux Territoires, entre Catherine Vautrin, Françoise Gatel, François Durovray et Fabrice Loher, d’une part, et François Rebsamen, Philippe Tabarot, Françoise Gatel et Juliette Méadel, de l’autre, se tient à 10 heures à l’Hôtel de Roquelaure … à l’Education nationale, entre Anne Genetet et Elisabeth Borne, la cérémonie a lieu à 10h30… à la Justice, entre Didier Migaud et Gérald Darmanin, à 11 heures … tout comme Gil Avérous et Marie Barsacq au ministère des Sports … puis aux Outre-mer entre François-Noël Buffet et Manuel Valls à 12 heures.

MATINALES

7h10. RMC : Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité magistrats FO.

7h15. France 2 : Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, président de la commission des finances.

7h20. RFI : Dieynaba Diop, porte-parole du PS et députée des Yvelines.

7h40. TF1 : Karl Olive, député EPR des Yvelines … France 2 : Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, président de la commission des Finances … RTL : Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Egalité femmes-hommes et la Lutte contre les discriminations … RMC : Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité magistrats FO. 

7h50. France Inter : Guillaume Canet, acteur. 

8h10. Europe 1/CNEWS : Antoine Léaument, député LFI de l’Essonne. 

8h15. France 2 : Olivier Beaumont, chef adjoint du service politique du Parisien … RMC : Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière.

8h20. France Inter : Manuel Valls, ministre des Outre-mer. 

8h30. Franceinfo : Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis et présidente de la commission des Affaires économiques … BFMTV/RMC : Olivier Faure, premier secrétaire du PS et député de Seine-et-Marne … Sud Radio : Edwige Diaz, vice-présidente du RN et députée de Gironde.

CARNET

DANS LE JORF. Le décret fixant la taille maximum des cabinets ministériels modifie à la marge celui du gouvernement Barnier et prévoit que “le cabinet d’un ministre ne peut comprendre plus de quinze membres. Le cabinet d’un ministre auprès d’un ministre de plein exercice comme celui d’un ministre délégué ne peut comprendre plus de dix membres. Par exception, les cabinets de la ministre chargée des comptes publics et du ministre chargé de l’industrie et l’énergie peuvent compter jusqu’à quinze membres”.

MÉTÉO. 15C° cet après-midi à Barcelone, où l’on n’avait pas manqué d’idées pour saluer le départ de Manuel Valls.

ANNIVERSAIRES : Roselyne Bachelot, ancienne ministre … Emmanuel Grégoire, député socialiste de Paris.

PLAYLIST. Everything Matters, AURORA et Pomme.

Un grand merci à : Jean-Christophe Catalon, Jason Wiels, nos éditrices Zoé Courtois et  Pauline de Saint Remy, Catherine Bouris pour la mise en ligne.

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