Festival Lumière : La parité hommes/femmes rattrape le temps perdu dans les festivals de cinéma

Jean Delaunay

Festival Lumière : La parité hommes/femmes rattrape le temps perdu dans les festivals de cinéma

Au cours des six dernières années, davantage de femmes ont remporté les premiers prix dans les festivals de films historiques qu’au cours des six décennies. La parité progresse, mais il reste encore un énorme retard à rattraper…

Cette année, le Festival Lumière de Lyon a honoré le réalisateur Wim Wenders, le douzième homme à remporter ce prix en quinze ans.

Le niveau de parité de ce « jeune » festival du cinéma est-il comparable à celui des trois autres grands festivals de films historiques : la Berlinale, Cannes, la Mostra de Venise – ainsi que les Oscars ?

Dans les trois plus grands festivals européens, pour chacun de leurs principaux prix ou du meilleur film, les femmes primées sont largement minoritaires, comme c’est le cas au Festival Lumière.

En pourcentage, le Festival Lumière, avec un échantillon réduit de quinze lauréats, peut se targuer d’avoir 20 % de lauréates féminines, ce qui est difficilement comparable à des festivals de plus de soixante-dix ans.

La Mostra de Venise est celle qui, proportionnellement, a décerné le plus de prix à des réalisatrices, avec 10 % des Lions d’Or attribués à des femmes. La Berlinale s’en rapproche avec 8% des Ours d’Or attribués à des femmes.

Le Festival de Cannes et l’Académie n’ont en revanche attribué que 3% de leurs prix à des réalisatrices.

La Berlinale et la Mostra de Venise ont également récompensé les femmes avant le Festival de Cannes et les Oscars. Et ce, même si des femmes réalisatrices existent depuis la naissance du cinéma, comme Alice Guy, qui réalisa son premier film en 1906.

La réalisatrice hongroise Márta Mészáros a remporté l’Ours d’Or en 1975 avec Adoptiontandis que Venise célébrait Margarethe von Trotta avec Les années de plomb en 1981. À Cannes, tandis que Bodil Ipsen co-réalise le film danois La Terre sera rouge, qui remporte le Grand Prix, précurseur de la Palme d’Or, avec dix autres films en 1946, il faudra attendre 1993 pour que Jane Campion remporte une Palme d’Or dans une année de double récompense. En 2021, Julia Ducournau devient la première femme réalisatrice à remporter seule la Palme d’Or pour Titane.

L’Oscar du meilleur film, la récompense la plus prestigieuse de l’Académie, est resté un prix masculin jusqu’en 2009, date à laquelle Kathryn Bigelow a remporté le prix pour The Hurt Locker.

Ce manque de parité dans l’attribution des prix dans les grands festivals de cinéma, largement souligné ces dernières années, ne s’est que légèrement atténué ces dernières années. Le nombre de réalisatrices primées est en augmentation depuis les années 2020 ; 2017 a même été l’année du #Moi aussi mouvement à la Berlinale.

Selon une étude réalisée par le Collectif 50/50, qui œuvre pour la parité, l’égalité et la diversité dans les industries du cinéma et de l’audiovisuel, la proportion de réalisatrices sélectionnées dans les trois festivals de cinéma européens historiques n’a jamais atteint une parité exacte. Même depuis les années 2020, ils représentent entre 23 % et 35 % des réalisateurs de films sélectionnés.

Ce chiffre est un peu plus proche du poids actuel des réalisatrices dans l’industrie cinématographique européenne. Dans une étude de 2022, le Conseil de l’Europe rapporte que les femmes représentent 25 % des administrateurs. Le Conseil souligne que ce chiffre doit être tempéré par le fait qu’en moyenne, les réalisatrices réalisent moins de films que leurs collègues masculins et co-réalisent plus souvent que les hommes et, en général, avec des hommes. Le nombre moyen de réalisatrices par film est de 22 %, un chiffre stable depuis 2017.

La représentation des femmes dans les films primés réalisés par des hommes

Quelle place ces films, majoritairement réalisés par des hommes, laissent-ils aux femmes dans leurs scénarios ?

Pour évaluer ces informations dans leurs grandes lignes, nous avons soumis ces films primés au scanner de deux grandes bases de données collaboratives du test Bechdel-Wallace (The Bechdel Test et The Cherry Picks), chacune contenant des milliers de films. Ce test est un ensemble de trois critères, conceptualisés dans une bande dessinée de l’auteure Alison Bechdel en 1985, qui examinent si une œuvre a :

  1. au moins deux femmes nommées (nom/prénom) ;
  2. qui parlent ensemble ;
  3. et qui parlent de quelque chose qui n’a rien à voir avec un homme.

Si ce test ne doit pas être considéré comme un label, il permet néanmoins de comparer les films entre eux sur la base de ces critères.

De plus, ce test n’étant pas un objet « officiel », les bases de données existantes ne couvrent pas tous les films existants comme certaines des grandes bases de données du cinéma, et chaque évaluation peut être sujette à débat. Selon les festivals, le corpus couvert va de 33 % pour la Berlinale à environ la moitié pour Cannes et la Mostra de Venise, et la quasi-totalité (98 %) des films récompensés par l’Oscar du meilleur long métrage.

Pour les trois festivals dont les résultats commencent à être significatifs, le bilan du point de vue de ce test est mitigé pour la représentation des femmes filmées et scénarisées majoritairement par des hommes (28% des scénaristes des films européens produits entre 2017 et 2021). , selon le Conseil de l’Europe dans son rapport). Aux Oscars, 47 % des films remplissent les trois critères ; le Festival de Cannes, dont la moitié des films ont été étudiés par les bases de données participatives, est proche de ce résultat, avec 44 % des films étudiés remplissant les trois critères. La Mostra de Venise, avec 55 % des films étudiés, fait un peu mieux, avec 61 % des films réussissant le test de Bechdel.

Le manque de parité au cinéma se reflète dans les festivals, mais ce n’est qu’un reflet plein de paillettes. En France, les mesures prises par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC), comme la prime parité ou l’exigence de parité dans les jurys des festivals, commencent à porter leurs fruits, et le CNC les étudiera en un rapport qui sera publié en 2022.

La parité ne pourra progresser que lorsque l’ensemble du secteur, qu’il s’agisse des études cinématographiques, du financement des films ou des équipes techniques et artistiques, sera féminisé.

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