Le moment appelle à une action audacieuse – garantir un avenir dans lequel les Roms et d’autres groupes marginalisés contribueront activement à une Europe résiliente et démocratique, écrit Željko Jovanović.
La réélection de Donald Trump n’ébranle pas seulement la politique américaine ; cela intensifie également les menaces qui pèsent sur les fondements démocratiques de l’Europe. Cette pression n’est nulle part plus ressentie que par les Roms, la minorité la plus nombreuse et la plus privée de ses droits en Europe, dont les protections déjà fragiles ne tiennent qu’à un fil.
Alors que les États-Unis se retirent de leur rôle historique de défenseur mondial de la démocratie sous Trump, l’Europe se trouve confrontée à un choix déterminant : défendre l’inclusivité ou céder à la marée montante de l’extrémisme d’extrême droite et de l’autoritarisme qui menace de détruire ses valeurs fondamentales.
Pendant des décennies, l’alliance transatlantique a renforcé les normes démocratiques en Europe centrale et orientale (ECO) et dans les Balkans, des régions où plus de 12 millions de Roms s’appuient sur les cadres de l’UE tels que le mécanisme de l’État de droit et le plan d’action contre le racisme pour se protéger contre l’exclusion systémique. .
Pourtant, alors que la démocratie est en déclin en Amérique et que les puissances alignées sur les BRICS, comme la Russie et la Chine, affirment une plus grande influence sur l’Europe et privilégient la « stabilité » plutôt que le discours sur les libertés civiles, les fissures dans ces alliances occidentales sont devenues plus évidentes.
Dans ce paysage mondial en évolution, la politique des Roms est devenue à la fois un indicateur et un champ de bataille pour la résilience démocratique de l’Europe. La réélection de Trump, signe d’un regain d’isolationnisme américain, rend l’Europe plus vulnérable aux courants autoritaires.
Sans le soutien des États-Unis aux normes démocratiques, la protection des Roms risque de s’effondrer sous l’influence de dirigeants ethno-nationalistes qui recourent à la désinformation, au clientélisme et au bouc émissaire pour consolider le pouvoir.
Il ne s’agit pas seulement d’une crise morale : c’est une menace stratégique pour l’architecture démocratique européenne. La manière dont l’Europe réagira façonnera non seulement l’avenir de l’inclusion politique des Roms, mais également la force de ses institutions démocratiques.
Les fondements fragiles de la démocratie européenne
L’alliance américano-européenne est depuis longtemps la pierre angulaire de la démocratie européenne d’après-guerre, en particulier dans les régions vulnérables comme les PECO et les Balkans.
Après la Seconde Guerre mondiale, Washington est allé au-delà de la reprise économique, en plaidant pour une gouvernance ancrée dans les principes démocratiques. Cette alliance a jeté les bases de l’inclusivité, en soutenant de manière cruciale les droits des minorités et des Roms grâce à des réformes datant de la guerre froide.
L’approche « l’Amérique d’abord » de Trump enhardit les dirigeants nationalistes en Europe. Dans un tel climat, des institutions comme la Commission d’Helsinki, qui mettait autrefois en lumière la violence anti-Roms, et l’USAID, connue pour ses programmes de résilience, perdent leur influence.
À mesure que l’engagement des États-Unis diminue, les Roms risquent de tomber dans des systèmes de clientélisme qui étouffent l’autonomie politique et l’engagement démocratique.
Partout en Europe, les dirigeants populistes exploitent le sentiment anti-Roms comme arme pour s’emparer du pouvoir. En Hongrie, Viktor Orbán utilise une rhétorique d’exclusion, présentant les Roms comme une menace pour la société. En Europe occidentale, la migration en provenance des PECO alimente l’hostilité et approfondit les divisions politiques.
Bien que des cadres européens tels que le mécanisme de l’état de droit et le plan d’action contre le racisme existent, ils luttent contre les résistances nationalistes, révélant le besoin urgent d’une application cohérente.
Quelles sont les voies à suivre pour construire un bouclier européen ?
Pour relever ces défis, l’UE doit agir de manière décisive. Premièrement, il doit donner la priorité aux mesures qui renforcent son cadre démocratique et protègent ses communautés les plus vulnérables.
Deuxièmement, il devrait habiliter des institutions telles que la Cour européenne de justice et l’Agence des droits fondamentaux à émettre des recommandations contraignantes sur la protection des minorités. En outre, en les associant à des incitations financières, l’UE peut appliquer plus efficacement les mécanismes de l’État de droit, garantissant ainsi que les États membres respectent les principes démocratiques et renforçant la confiance dans la gouvernance de l’UE.
Troisièmement, il est essentiel d’investir dans une société civile dirigée par les Roms. Des programmes tels que l’initiative Citoyens, égalité, droits et valeurs (CERV) et le Fonds social européen+ offrent des opportunités d’autonomisation des communautés roms, en les aidant à renforcer leur résilience et leur indépendance vis-à-vis des réseaux clientélistes.
Ces investissements peuvent favoriser l’engagement populaire, contrer la rhétorique nationaliste et amplifier la voix des Roms dans les processus décisionnels locaux et européens.
Quatrièmement, il est tout aussi vital de lutter contre la menace croissante de la désinformation numérique. Le plan d’action européen pour la démocratie doit s’élargir pour inclure des initiatives d’alphabétisation numérique spécifiques aux Roms, dotant les communautés d’outils pour naviguer et résister aux campagnes manipulatrices en ligne.
En s’associant à des ressources telles que l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO), l’UE peut protéger les Roms des récits préjudiciables et promouvoir une participation civique plus informée et plus active.
Un test déterminant pour l’Europe
En outre, le renforcement des alliances transatlantiques et mondiales est crucial. La création d’un groupe de travail UE-États-Unis sur l’inclusion des Roms, soutenu par l’OTAN et des démocraties alliées comme le Canada et l’Australie, témoignerait d’un engagement commun à défendre les droits des minorités et à contrer l’influence autoritaire. Cette collaboration peut amplifier les efforts d’inclusion des Roms et renforcer la position de l’Europe en tant que champion mondial de la démocratie.
Enfin, institutionnaliser la représentation des Roms au sein de la gouvernance européenne permettrait de faire entendre leurs voix là où elles comptent le plus.
Créer des possibilités permettant aux dirigeants roms de siéger au Parlement européen et dans d’autres organes clés non seulement soulignerait l’engagement de l’UE en faveur de la diversité, mais garantirait également que l’élaboration des politiques reflète les expériences et les besoins de l’une des communautés les plus marginalisées d’Europe.
L’approche de l’UE en matière d’inclusion des Roms révélera sa capacité à défendre les valeurs démocratiques face à l’extrémisme et à l’autoritarisme. La réélection de Trump modifiant les priorités américaines, l’Europe doit intensifier ses efforts pour renforcer ses fondations.
En protégeant les droits des Roms, l’UE peut s’imposer comme un leader démocratique mondial. Le moment appelle à une action audacieuse – garantir un avenir dans lequel les Roms et d’autres groupes marginalisés contribueront activement à une Europe résiliente et démocratique.