Les relations de l’Arménie avec la Russie sont sans aucun doute complexes. Pourtant, la position de l’Arménie lors de l’invasion de l’Ukraine illustre les décisions difficiles auxquelles les petits pays doivent faire face lorsqu’ils sont coincés entre les grandes puissances, écrit Vlad Olteanu.
L’Arménie a toujours occupé une position géopolitique difficile, prise en sandwich entre les objectifs opposés de l’Occident et de la Russie.
Avec le début de la guerre de Moscou en Ukraine, le rôle de l’Arménie a évolué vers un rôle qui exploite sa relation unique avec la Russie, soulevant des questions sur l’utilisation par la nation de sa position pour faire face aux sanctions occidentales et soutenir son économie.
Bien qu’elle ne soit pas un participant direct au conflit, les liens économiques de l’Arménie avec la Russie sont devenus un point central de critiques, notamment en ce qui concerne la réexportation de matières premières et la facilitation des échanges entre les entités russes sanctionnées et le marché international.
Les relations économiques entre l’Arménie et la Russie sont florissantes, en particulier à la suite des sanctions occidentales contre la Russie en raison de l’invasion de l’Ukraine.
La Russie a signalé une forte croissance des échanges commerciaux entre les deux pays, notant qu’ils ont atteint 7,4 milliards de dollars l’année dernière et ont été multipliés par 2,5 au premier semestre de cette année, dépassant les 8,3 milliards de dollars. On estime que le volume des échanges commerciaux pourrait atteindre 14 à 16 milliards de dollars d’ici la fin de cette année si le rythme actuel se poursuit.
Cette expansion rapide pourrait être interprétée comme le fait que l’Arménie tire parti de son statut de plaque tournante de réexportation, permettant à la Russie de contourner les sanctions occidentales imposées en raison de l’invasion de l’Ukraine.
Ainsi, l’Arménie est probablement activement engagée dans la réexportation de pierres précieuses et d’or russes. En 2023, l’Arménie a exporté pour 4,5 millions de carats de diamants, soit 30 fois plus que la production nationale elle-même.
Pas un observateur passif
L’élévation de l’Arménie à un rôle de premier plan dans la sphère géopolitique a indirectement renforcé la résilience économique de la Russie face aux sanctions. Alors que l’Arménie se concentre sur la promotion de ses propres intérêts nationaux, cette dynamique suscite des inquiétudes quant à l’ébranlement des efforts mondiaux visant à isoler la Russie.
En autorisant les réexportations et en entretenant des relations commerciales solides, l’Arménie contribue à atténuer l’impact des sanctions, permettant à la Russie de continuer à accéder aux biens et technologies soumis à des restrictions.
Les liens étroits de l’Arménie avec la Russie ne sont pas passés inaperçus, même si la réponse occidentale est restée relativement modérée. En coulisses, des efforts de lobbying bien organisés, probablement menés par des élites influentes et soutenus par de grandes sociétés de relations publiques et de communication, semblent jouer un rôle important.
Cette campagne de lobbying réussie met en lumière un problème plus vaste : la capacité de l’Arménie à entretenir des relations cruciales avec l’Occident et la Russie, en manipulant les perspectives occidentales sur ses interactions économiques avec la Russie.
En conséquence, il devient de plus en plus difficile de distinguer si les efforts diplomatiques de l’Arménie sont véritablement sincères ou s’il s’agit de manœuvres opportunistes destinées à tirer profit de l’instabilité mondiale, en particulier dans le contexte du conflit ukrainien.
Les hommes politiques arméniens, notamment le Premier ministre Nikol Pashinyan, ont cherché à éloigner Erevan de la Russie à la suite de la guerre en Ukraine.
Toutefois, les liens économiques étroits du pays révèlent une réalité plus complexe. L’expansion économique de l’Arménie, stimulée par le commerce avec la Russie, semble être indirectement subventionnée par la guerre.
Les critiques affirment que l’Arménie n’est pas seulement un observateur passif mais un acteur actif dans un réseau soutenant les efforts de guerre de la Russie. En tirant parti de son territoire et de son économie pour contourner les sanctions, l’Arménie a renforcé son économie tout en sapant sans doute la stabilité mondiale.
Aigre ou simplement tendu ?
L’Arménie dépend traditionnellement de la Russie pour son soutien sécuritaire et économique, notamment en raison des tensions persistantes avec l’Azerbaïdjan. Cependant, les relations entre les deux nations se sont détériorées ces dernières années.
La révolution arménienne de 2018, qui a porté Pashinyan au pouvoir, a marqué un changement important alors que l’Arménie commençait à s’éloigner de l’influence de Moscou.
Cette tension a été encore amplifiée par la guerre du Haut-Karabakh en 2020 et les affrontements de septembre 2022 avec l’Azerbaïdjan, où la Russie, bien qu’elle soit un médiateur nominal, a hésité à intervenir de manière décisive en faveur de l’Arménie.
L’accent mis par la Russie sur l’invasion de l’Ukraine a laissé l’Arménie se sentir de plus en plus isolée.
L’opération militaire azerbaïdjanaise ultra-rapide de 2023 au Haut-Karabakh et l’exode ultérieur des Arméniens du Haut-Karabakh n’ont fait qu’aggraver la désillusion de l’Arménie à l’égard de la Russie. Moscou a été critiquée pour son incapacité à empêcher les actions de l’Azerbaïdjan.
Les relations de l’Arménie avec la Russie sont sans aucun doute complexes. Pourtant, la position de l’Arménie lors de l’invasion de l’Ukraine illustre les décisions difficiles auxquelles les petits pays doivent faire face lorsqu’ils sont coincés entre les grandes puissances.
À mesure que la guerre progresse, l’Arménie fera l’objet d’un examen plus approfondi, notamment à mesure que la communauté internationale évaluera les implications du maintien de ses liens économiques avec la Fédération de Russie.