The European Parliament building in a forest, illustration

Jean Delaunay

Eurovues. La déréglementation des politiques vertes met en péril la compétitivité de l’Europe

Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire pour promouvoir l’industrie européenne. Mais s’éloigner de la vision du Green Deal n’est pas la solution, écrit Mats Engström.

La relation entre la compétitivité et les ambitions du Green Deal européen figure actuellement en tête de l’agenda de l’UE.

La politique phare du bloc fait actuellement face à un déluge d’attaques, non seulement de la part des agriculteurs, qui sont descendus dans les rues de France, des Pays-Bas, d’Allemagne et d’ailleurs pour protester contre les exigences qui leur sont adressées, ainsi que celles de leur industrie, mais aussi de la part de personnalités dirigeantes du bloc. du bloc, dont le Premier ministre belge Alexander de Croo.

De Croo, comme d’autres au sein de l’UE-27, a proposé de déréglementer les politiques vertes, dans le cadre d’un discours adressé au secteur chimique belge en difficulté, ce qui a joué un rôle crucial dans la galvanisation de la Déclaration d’Anvers pour un accord industriel européen.

Cependant, un tel changement, ainsi qu’un affaiblissement du Green Deal, comporte des risques.

Une vision simpliste est en fait préjudiciable

Comme l’a déclaré Ursula von der Leyen, avant son élection à la présidence de la Commission européenne en 2019, « le Green Deal européen est notre nouvelle stratégie de croissance (de l’UE) » et les politiques vertes ont déjà créé des opportunités commerciales européennes.

Certains, comme l’éolien offshore, sont bien implantés. D’autres innovations commencent déjà à porter leurs fruits, comme les technologies de transmission de puissance ou la production d’acier à faible teneur en carbone, dont « l’acier vert » suédois, et diverses solutions d’économie circulaire.

Les préoccupations actuelles en matière de compétitivité sont compréhensibles, surtout lorsqu’il s’agit d’industries à forte intensité énergétique.

Comme l’a déclaré la Commission européenne dans son récent rapport annuel sur le marché unique et la compétitivité, il reste encore beaucoup à faire : davantage d’investissements dans la recherche et l’innovation, un meilleur fonctionnement du marché de l’énergie et un développement accru des compétences.

La politique industrielle moderne ne peut pas consister à protéger tous les pans existants de l’économie. Elle doit également créer des conditions propices à l’innovation et aux nouveaux arrivants. C’est pourquoi une vision simpliste de la réglementation peut nuire à la compétitivité.

Le commissaire européen chargé du Green Deal européen, Frans Timmermans, s'exprime lors d'une conférence de presse au siège de l'UE à Bruxelles, en octobre 2022.
Le commissaire européen chargé du Green Deal européen, Frans Timmermans, s’exprime lors d’une conférence de presse au siège de l’UE à Bruxelles, en octobre 2022.

Mais la politique industrielle moderne ne peut pas consister à protéger tous les pans existants de l’économie. Elle doit également créer des conditions propices à l’innovation et aux nouveaux arrivants.

C’est pourquoi une vision simpliste de la réglementation peut nuire à la compétitivité. La Commission européenne a montré à quel point une réglementation bien conçue peut jouer un rôle clé dans la promotion de technologies vertes innovantes.

Regardez comment les normes de consommation de carburant des véhicules ont conduit à de nouvelles solutions légères, ou regardez le développement rapide des technologies d’énergies renouvelables. Cette approche a le potentiel de créer des marchés pour d’autres technologies innovantes, telles que la production d’acier à faible teneur en carbone.

L’UE ne peut pas perdre son influence internationale

Pour les dirigeants de l’UE, qui se réuniront ce mois-ci et en avril pour examiner les perspectives de la Commission européenne, ainsi que le prochain rapport de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta sur l’avenir du marché unique, cela pourrait constituer un moment décisif pour les politiques vertes. dans le bloc – en particulier si ceux qui réclament une « pause réglementaire » l’emportent.

Il y a plusieurs raisons à cela.

Premièrement, s’appuyer uniquement sur des instruments fondés sur le marché est risqué. De nombreuses recherches démontrent les avantages d’un bon dosage de politiques pour atteindre les objectifs climatiques.

Sans une réglementation européenne promouvant les véhicules électriques, par exemple, le prix du carbone devrait être beaucoup plus élevé.

L’absence de réglementation augmenterait les coûts pour les consommateurs, les entreprises et les gouvernements, contraints d’investir davantage dans des mesures compensatoires en faveur des régions et des ménages vulnérables.

En reculant maintenant, le risque augmente que l’Europe soit dépassée par les autres et que son influence mondiale diminue, laissant ainsi la voie libre à l’industrie d’autres pays pour conquérir les marchés croissants des technologies vertes.

Le bus électrique, spécialement décoré pour la présidence belge, à Bruxelles, janvier 2024
Le bus électrique, spécialement décoré pour la présidence belge, à Bruxelles, janvier 2024

Deuxièmement, l’Europe perdrait son influence sur la scène internationale. Actuellement, l’UE fixe les normes que les autres choisissent de suivre – et une nouvelle étude de la Commission européenne révèle l’ampleur de cette démarche, notamment en ce qui concerne la législation environnementale.

Partout dans le monde, les bus arborant des panneaux proclamant qu’ils respectent les normes d’émission de l’UE ne sont qu’un exemple de « l’effet Bruxelles ».

Cela rend l’action de l’UE si importante, à une époque où sa part dans l’économie mondiale est en déclin.

En reculant maintenant, le risque augmente que l’Europe soit dépassée par les autres et que son influence mondiale diminue, laissant ainsi la voie libre à l’industrie d’autres pays pour conquérir les marchés croissants des technologies vertes.

Fragmentation et nécessité d’un garde-fou législatif

Enfin, l’absence de réglementation peut coûter cher. Le retard dans la restriction des polychlorobiphényles (PCB) hautement cancérigènes a coûté à l’UE au moins 15 milliards d’euros. Cela montre que l’abandon d’une législation européenne plus stricte pourrait avoir un coût élevé.

En fin de compte, cela témoigne de la cohérence de l’Union elle-même. Des règles communes pour les nouvelles technologies sont intrinsèquement importantes pour le projet européen.

En cas de pause réglementaire, les États membres combleront le vide avec leurs propres lois, fragmentant ainsi le marché intérieur. Et sans une bonne législation européenne comme garde-fou, il existe un risque que les subventions publiques ne favorisent pas une modernisation suffisante de l’économie.

Cela ne veut pas dire que la mise en œuvre du Green Deal européen est facile. Cela pose un défi considérable aux États membres dont la capacité administrative est limitée.

Le financement à long terme n’a pas encore été obtenu. Les exigences en matière de reporting peuvent être écrasantes pour les petites et moyennes entreprises.

Ce n’est cependant pas une raison pour abandonner une politique environnementale robuste. Ils indiquent plutôt la nécessité d’une bonne conception de la législation et de mesures adéquates à mettre en place pour garantir la cohésion régionale et des transitions justes.

S’éloigner de ces pratiques mettrait en péril les progrès de l’UE vers la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux, ainsi que sa compétitivité.

Oui, il faut faire davantage pour promouvoir l’industrie européenne. Mais s’éloigner de la vision du Green Deal n’est pas la solution.

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