L’UE a été largement saluée pour sa loi anti-déforestation pionnière. Aujourd’hui, même si de nouvelles données viennent de révéler que la perte de forêts mondiales est toujours endémique, certains pays de l’UE tentent de la saboter avant même qu’elle ne soit mise en œuvre, écrit Julia Christian.
En décembre 2022, l’UE a franchi une étape historique dans la lutte contre la déforestation.
Après des années de débats politiques intenses et de campagnes inlassables menées par les ONG, le règlement européen sur les produits sans déforestation (EUDR) est devenu loi.
Pour la première fois, les entreprises se verront interdire de vendre certains produits à haut risque – notamment l’huile de palme, le cacao, la viande de bœuf et le soja – dans l’UE, à moins qu’elles ne puissent prouver qu’ils ne sont pas déforestés et qu’ils sont produits légalement.
Il y a seulement quelques années, l’idée selon laquelle l’UE adopterait une loi contraignant ainsi les entreprises semblait irréalisable. Mais c’est devenu une réalité.
La nécessité d’une telle législation ne pourrait guère être plus grande.
L’agriculture est le principal moteur de la déforestation tropicale dans le monde, et l’UE est le deuxième importateur mondial de produits responsables de la déforestation.
De nouvelles données du Global Forest Watch publiées le 4 avril montrent que le monde a perdu l’année dernière une superficie presque aussi grande que la Suisse, provoquant des émissions de CO2 équivalentes à près de la moitié des émissions annuelles de combustibles fossiles des États-Unis. Le défrichement des forêts pour les produits agricoles déplace également les communautés traditionnelles et autochtones.
La tentative louable de l’UE de mettre fin à sa complicité dans cette affaire constitue un exemple pour le reste du monde. Cependant, la semaine dernière, les ministres de certains États membres de l’UE ont mis des bâtons dans les roues.
La hache continue de balancer
Dans le dernier d’une série de réactions négatives contre les politiques environnementales progressistes de l’UE, les ministres de l’Agriculture de sept États membres de l’UE ont appelé à un retard dans la mise en œuvre de l’EUDR.
Selon eux, la loi imposera une charge administrative disproportionnée au secteur agricole européen.
Si cet effort visant à saper le RDUE réussit, l’impact sur la crédibilité internationale de l’UE sera désastreux : il enverra au reste du monde le signal sans équivoque que l’UE prendra des mesures décisives pour mettre fin à la destruction des forêts à l’étranger, mais pas chez elle.
En réponse à cette décision inquiétante, plus de 40 ONG de 15 États de l’UE ont écrit une lettre ouverte aux États membres de l’UE dénonçant cette tentative de sabotage de la loi tout en appelant Bruxelles à la mettre en œuvre sans délai.
Le travail minutieux de mise en œuvre du RDUE a déjà commencé. Et même s’il reste de nombreux détails à résoudre et de gros obstacles à surmonter, certains signes indiquent que cela entraîne déjà des améliorations structurelles sur le terrain dans les pays forestiers tropicaux.
Par exemple, en Côte d’Ivoire, les progrès se sont accélérés dans la finalisation d’un système national de traçabilité pour garantir que le cacao ne provient pas de zones déboisées. De nombreuses entreprises et coopératives agricoles ont par ailleurs investi des capitaux importants pour être prêtes à se conformer à la loi lors de son entrée en vigueur en 2025.
Il est temps de soutenir et de mettre en œuvre
Ce n’est pas le moment de saper la loi. Il est temps de le mettre en œuvre.
L’Autriche et ses partisans bafouent les principes démocratiques de l’UE en essayant de modifier la législation déjà adoptée par le Parlement européen et les États membres.
Ils s’en prennent également à une mesure très appréciée des citoyens européens : 87 % des Européens souhaitent que l’UE légifère pour arrêter d’importer la déforestation, et un nombre record (1,2 million de personnes) ont répondu à une consultation publique à ce sujet afin de soutenir la loi. Revenir sur la réglementation serait un énorme scandale public.
Plutôt que de blâmer l’UE pour une loi qu’ils ont acceptée, les États membres de l’UE devraient fournir un soutien spécifique à leurs propres petits agriculteurs, qui ont des capacités inférieures à celles des grandes entreprises, pour les aider à se conformer à la réglementation.
Au lieu de se plier à ceux qui sont déterminés à saper la lutte contre la déforestation, l’UE doit continuer à être un leader mondial dans cette bataille.