Le discours de Donald Trump au Forum économique mondial a mis en valeur sa rhétorique économique familière. Pourtant, on pourrait affirmer que son discours était marqué par des idées fausses et des exagérations économiques, écrit Piero Cingari.
Le discours vidéo du président américain Donald Trump au Forum économique mondial jeudi pourrait bien être un exemple classique d’une stratégie de bluff familière aux joueurs de poker.
De sa fixation sur le déficit commercial américain, qu’il décrit comme un mal économique, à ses affirmations selon lesquelles des milliards de dollars d’investissements afflueraient vers les États-Unis, en passant par un discours sur l’inflation et les taux d’intérêt faisant écho aux politiques peu orthodoxes de la Turquie sous Recep Tayyip Erdoğan, la rhétorique économique de Trump reste long sur le spectacle mais court sur le fond.
Trump a fustigé le déficit commercial américain, menaçant d’imposer des droits de douane sur les pays avec lesquels les États-Unis ont des déséquilibres importants.
Toutefois, un déficit commercial n’est pas en soi préjudiciable, notamment pour les États-Unis.
Les importations permettent aux entreprises américaines d’accéder aux matières premières et aux biens intermédiaires, soutenant ainsi la production nationale et stimulant la croissance économique.
Pour les consommateurs, les importations augmentent le pouvoir d’achat et élargissent le choix – à moins que l’on imagine que les Américains troqueront volontiers le Parmigiano Reggiano et le champagne français contre des substituts nationaux de moindre qualité.
Plus important encore, restreindre les importations au moyen de droits de douane ne stimule pas automatiquement les exportations américaines. Au contraire, les droits de douane risquent d’affaiblir les partenaires commerciaux, de réduire leur pouvoir d’achat des biens et services américains et de provoquer des mesures de rétorsion.
Contrairement à la plupart des économies, les États-Unis jouissent du privilège extraordinaire de connaître à la fois un large déficit commercial et un important déficit budgétaire sans déclencher de troubles financiers. Cela est dû en grande partie au statut du dollar américain en tant que principale monnaie de réserve mondiale.
En 2023, le double déficit américain – composé d’un déficit du compte courant de 3,3 % et d’un déficit budgétaire de 6,2 % – s’élevait à près de 10 % du PIB, soit environ 2 700 milliards de dollars (2 500 milliards d’euros).
Pourtant, aucun investisseur ne s’est précipité pour vendre ses dollars ou ses avoirs du Trésor – un résultat qui aurait été inévitable dans la plupart des autres pays.
Des milliards, des milliards… Mais où est l’argent ?
L’accent mis par Trump sur les déséquilibres commerciaux ignore la réalité économique : tant que le dollar américain conservera son rôle dominant dans la finance mondiale, ces déficits ne constitueront pas une menace imminente mais une caractéristique structurelle du système économique international.
Peut-être quelqu’un devrait-il rappeler à Trump que la réduction la plus significative du déficit commercial américain s’est produite entre 2008 et 2009, lorsque le chiffre a plongé de 740 milliards de dollars à 419 milliards de dollars dans le contexte de la crise financière mondiale.
En 2009, les Américains ne se réjouissaient guère de la réduction du déficit. En termes simples, méfiez-vous de ce que vous souhaitez.
Trump s’est vanté à plusieurs reprises des « milliards, milliards et milliards » d’investissements étrangers affluant vers les États-Unis, totalisant en quelque sorte des milliers de milliards grâce à un calcul apparemment magique.
Mais une question clé reste sans réponse : d’où vient tout cet argent ? Le discours de Trump à Davos n’a apporté que peu de substance aux grandes promesses financières.
« L’Arabie saoudite investira au moins 600 milliards de dollars en Amérique. Mais je demanderai au prince héritier, qui est un type fantastique, d’arrondir ce montant à environ 1 000 milliards de dollars.»
Pourtant, le fonds souverain saoudien, le Fonds d’investissement public, gère un actif total d’une valeur d’environ 925 milliards de dollars.
Avec sa vaste diversification, y compris ses participations dans Saudi Aramco – la sixième plus grande entreprise mondiale – une liquidation suffisante pour atteindre 1 000 milliards de dollars de nouveaux investissements semble très improbable.
Inflation et taux d’intérêt : c’est reparti
Trump a relancé le débat sur l’inflation et la politique des taux d’intérêt, en faisant des promesses audacieuses : « Dès le premier jour, j’ai signé un décret ordonnant à chaque membre de mon cabinet de vaincre l’inflation et de réduire le coût de la vie quotidienne. »
« J’exigerai que les taux d’intérêt baissent immédiatement, et qu’ils baissent également partout dans le monde. »
Ces deux engagements sont fondamentalement contradictoires. Si Trump veut vraiment lutter contre l’inflation, il est difficilement réalisable d’y parvenir tout en baissant simultanément les taux d’intérêt.
Une réduction des taux agirait comme un nouveau stimulus économique, à un moment où l’économie américaine est déjà en pleine effervescence, avec une croissance du PIB supérieure à 3 % et un chômage à 4 %, soit un niveau proche du plein emploi. Le risque serait une surchauffe plutôt qu’une stabilisation.
De plus, les déclarations de Trump suggèrent une intervention directe dans la politique monétaire, mettant à mal l’indépendance de la Réserve fédérale.
Aux États-Unis, c’est la banque centrale – et non le gouvernement – qui est responsable de la gestion de l’inflation et de la fixation des taux d’intérêt.
La rhétorique tarifaire de Trump peut paraître agressive, mais étant donné les avantages structurels de l’économie américaine, en particulier la domination mondiale du dollar, sa fixation sur les déficits commerciaux manque de réelle substance.
L’Europe devrait éviter de se laisser entraîner dans des concessions inutiles et plutôt continuer à capitaliser sur ses atouts compétitifs.
Les entreprises européennes, en particulier, devraient résister à la tentation de réduire la qualité en réponse aux menaces tarifaires.
Les produits européens haut de gamme – qu’il s’agisse de la mode, de l’automobile ou de l’alimentation et des boissons raffinées – sont relativement peu élastiques aux variations de prix et resteront probablement un choix clé pour les consommateurs américains, quelle que soit la politique commerciale.
Compte tenu des contradictions économiques des déclarations de Trump, ses politiques, si elles étaient mises en œuvre, pourraient tout aussi bien se retourner contre l’économie américaine.
En fin de compte, l’Europe devrait considérer les propos de Trump avec prudence, mais sans crainte.