Elections françaises : les rivaux s'unissent contre l'extrême droite de Le Pen

Martin Goujon

Elections françaises : les rivaux s’unissent contre l’extrême droite de Le Pen

PARIS — Les chances d’une victoire totale de l’extrême droite dans l’élection présidentielle française ont diminué mardi, alors que les candidats du centre et de gauche se sont unis à contrecœur pour tenter d’empêcher le Rassemblement national de Marine Le Pen de prendre le pouvoir pour la première fois.

Au moins 200 candidats, issus à la fois de l’alliance de gauche et de la coalition centriste du président Emmanuel Macron, se sont retirés de la compétition avant une date limite cruciale, afin de s’unir derrière les prétendants restants ayant les meilleures chances de battre les nationalistes de Le Pen, selon les estimations de l’AFP et du Monde.

Leurs décisions pourraient déterminer l’issue du second tour de scrutin dimanche – et si la France aura un gouvernement d’extrême droite pour la première fois dans l’histoire de la République moderne.

Les retraits tactiques divisent le camp présidentiel depuis le premier tour, les poids lourds politiques refusant de se ranger du côté après que Macron et son Premier ministre Gabriel Attal ont appelé à un grand nombre de retraits.

Le système électoral français ne produit généralement pas une image aussi compliquée, mais la décision choc de Macron de dissoudre le Parlement pour un vote anticipé après avoir perdu les élections européennes face à l’extrême droite le mois dernier a plongé la politique du pays dans le chaos.

Les électeurs choisissent les députés des 577 circonscriptions électorales de l’Assemblée nationale française, avec 289 sièges nécessaires pour une majorité absolue.

Lors du second tour de scrutin de la dernière élection, en 2022, seule une poignée de circonscriptions offraient aux électeurs le choix entre trois candidats ou plus. Il s’agissait presque toujours d’un second tour impliquant les deux candidats arrivés en tête du premier tour.

Mais cette fois, ce sont plus de 300 circonscriptions où au moins trois candidats se sont qualifiés pour le second tour, qui aura lieu le 7 juillet. Parmi eux, on compte généralement un candidat d’extrême droite, un candidat de l’alliance de gauche et un candidat du bloc centriste de Macron.

Cela a donné lieu à des discussions frénétiques en coulisses entre candidats et responsables des partis sur la question de savoir s’ils devaient se retirer et unifier le vote anti-Le Pen. Ils avaient jusqu’à 18 heures mardi pour se décider. Beaucoup ont maintenant choisi de se retirer.

Jusqu’à présent, 130 candidats du Nouveau Front populaire (sur 446 qualifiés pour le second tour) et 82 candidats du camp de Macron (sur 319 qualifiés) se sont retirés de la course, selon les estimations du Monde. Les chiffres officiels ne seront disponibles qu’une fois les données centralisées par le ministère de l’Intérieur.

La vague de retraits signifie qu’il y aura désormais moins de 100 districts avec trois candidats en lice au second tour.

Le premier tour de scrutin, dimanche, a placé le Rassemblement national (RNI) de Marine Le Pen en tête, devant l’alliance de gauche, la coalition centriste de Macron étant à la troisième place.

Dimanche soir, le chef de file de facto de l’alliance de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a appelé les troisièmes de son camp à se retirer des élections locales pour stopper le Rassemblement national.

Le même message a été adressé à son camp : « Dans de telles circonstances, la France mérite que nous n’hésitions pas », a-t-il déclaré dimanche soir, appelant les candidats arrivés en troisième position à se retirer alors que se présenter pourrait « faire élire le Rassemblement national ».

Mais le camp de Macron a eu du mal à s’en tenir à la ligne officielle. Des personnalités clés ont refusé de se rallier aux candidats d’extrême gauche dont le programme prévoit des dépenses publiques massives dans un pays déjà très endetté.

Pour certains centristes, le parti de gauche La France insoumise et son chef Mélenchon représentent un danger égal, voire plus grand, que Le Pen. Macron lui-même a passé une grande partie de cette campagne à critiquer les politiques de l’alliance du Nouveau Front populaire, qu’il a qualifiées de « grotesques » et destructrices pour la France.

Les opposants ont fustigé l’extrême gauche, avertissant que leurs politiques de dépenses pourraient conduire la France à la faillite. Le camp pro-Macron a également ciblé la France insoumise pour son opposition à la guerre d’Israël à Gaza, qui a donné lieu à des accusations d’antisémitisme.

L’extrême droite, quant à elle, est souvent accusée d’être mal préparée au gouvernement et incohérente en matière de politique économique, tout en prônant des mesures clivantes en matière d’immigration.

Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui ne se représente pas, a déclaré qu’il n’était pas favorable à un vote pour la France insoumise, même face à un second tour face à un candidat du Rassemblement national.

D’autres, comme la ministre sortante des Collectivités locales et de la Ruralité Dominique Faure, ont suivi les instructions du gouvernement, mais ont clairement fait savoir qu’elles n’étaient pas d’accord. « Maintenir ma candidature était pour moi la meilleure solution pour lutter contre les extrêmes », a écrit Mme Faure dans une note mardi, annonçant son retrait après d’intenses pressions du président français et du Premier ministre.

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