À la rencontre de… Dimitri Houbron : Député de la 17ème circonscription du Nord
A quel age et pourquoi vous êtes-vous engagé en politique ?
Lors de ma deuxième année de droit j’ai eu la volonté de faire un stage avec un député. Je me souviens avoir envoyé mon CV et ma lettre de motivation à tous les députés du Nord. Le seul qui m’ai répondu c’est Sébastien Huyghe, député de la 5ème circonscription, qui fait aujourd’hui partie des Républicains. J’ai fais un mois de stage avec lui en 2011. J’ai beaucoup aimé l’homme et la manière dont il travaillait, j’ai donc souhaité m’engager dans sa campagne électorale en 2012, aux législatives, que j’ai piloté au niveau des jeunes.
Plus tard, je me suis éloigné de l’UMP et de la politique pour faire mes études de droit. Comme je souhaitais devenir magistrat il fallait que je clarifie un peu la situation. Politique et magistrature ne cohabitent pas toujours bien.
En 2016, durant l’été, je voyais les sondages où Marine le Pen était à 40% et j’ai considéré que soit je restais inactif, et je n’étais qu’un observateur de ce qu’il se passait dans le pays, soit j’essayais de trouver un candidat qui me convienne, avec un programme ambitieux et qui puisse faire barrage à Marine le Pen. Le profil d’Emmanuel Macron a émergé, il souhaitait dépasser tous ces clivages. J’ai donc décidé de m’engager En Marche d’abord pour les présidentielles, puis pour les législatives.
Vous êtes donc membre de La République en Marche, et élu avec cette étiquette ?
Oui exactement. J’avais 25 ans quand je me suis engagé, et j’ai été élu à 26 ans.
Vous avez été élu très jeune. Est-ce qu’être jeune en politique, c’est un frein ou un tremplin ?
Je dirais que c’est encore un frein. Ma situation est quand même assez unique dans l’histoire de la Ve République, dans le sens où un parti politique a investi quelqu’un de très jeune, sans expérience politique, jamais élu, qui était juriste. J’ai eu beaucoup de chance.
Dans les rencontres que je peux faire, je suis ammené à voir de plus en plus de jeunes qui s’engagent. Alors pas forcément engagés en politique en tant que telle, mais dans des mouvements, dans le monde associatif. On voit aujourd’hui des jeunes qui se mobilisent sur des sujets comme l’écologie, la condition animale… Toutes ces choses qui finalement influent par la suite les dirigeants.
Ainsi dire que les jeunes ne sont plus du tout intéressés par la politique est une idée fausse ?
Je pense qu’il y a du vrai, c’est à dire que les jeunes aujourd’hui ne se sentent pas forcément représentés par les institutions actuelles. Il y a une remise en cause, un décalage entre les discours qu’ils peuvent entendre et leur perception du monde. Mais en même temps ces jeunes s’engagent d’une autre manière par des mobilisations ou des marches par exemple. Je vois beaucoup de jeunes qui organisent des maraudes pour aider les sans-abris. Il y a un engagement qui existe quand même, et si on prend la définition de la politique au sens large alors oui, les jeunes font de la politique.
De votre point de vue de Député, y a-t-il beaucoup de jeunes investis au sein de la République En Marche ?
Oui. Il y a beaucoup de jeunes députés issus de LaREM, je ne suis même pas le plus jeune ! Il y a eu un fort renouvellement de l’Assemblée en 2017.
Il y a une vraie jeunesse au sein de la République en Marche, à tous les niveaux. Au niveau des militants, et également au sein des JAM (Jeunes avec Macron). Mais, encore aujourd’hui, on a du mal à leur donner une vraie place. C’est ce que je reprochais aux partis traditionnels, et j’espère qu’En Marche pourra corriger ça. Je ne supporte pas l’idée qu’un jeune soit là uniquement pour tracter et coller des affiches.
Les JAM, en parallèle de LaREM, essayent de faire énormément de choses, des réunions thématiques par exemple. Mais les JAM parlent plutôt à ceux qui sont favorables à Emmanuel Macron. Les autres jeunes, qui ne sont peut être pas favorables à l’action du Président, ne trouvent pas d’instances où s’exprimer et débattre. C’est là où on a un rôle à jouer. Il faut trouver des espaces où les jeunes peuvent s’exprimer, au delà des réseaux sociaux, où ils peuvent débattre et éventuellement porter des projets. J’essaye de le faire dans mon territoire, mais il faudrait que ce soit fait au niveau national.
Être jeune Député, est-ce que c’est compliqué ?
Au début oui. Je suis arrivé sur un territoire où les cartes étaient déjà distribuées et où le résultat des élections était déjà fait. Il n’était pas concevable qu’un jeune qui vient de nulle part remporte la circonscription. J’ai eu du mal les premiers mois avec les élus locaux, qui ont eu du mal à accepter cette idée là.
C’est également compliqué à l’Assemblée. Je ne sais pas si c’est à cause de la jeunesse, ou parce que l’on entre pour la première fois à l’Assemblée, mais il y a beaucoup de choses qu’il faut appréhender, beaucoup de pièges dans lesquels il ne faut pas tomber. C’est un peu compliqué au début…
Je crois beaucoup au fait de ne pas faire de vagues et de travailler. C’est ce que j’ai essayé de faire en arrivant. Quand on me critiquait je n’entrais pas dans la polémique, je n’ai pas eu un traitement favorable dans la presse, mais je n’y répondais pas. On fait le dos rond, on baisse la tête, on travaille, et au bout de quelque temps les gens se rendent compte qu’on connait nos dossiers, qu’on a aidé telle ou telle commune. Comme la ville-centre était très politique, j’ai décidé de travailler sur les 27 autres communes de ma circonscription, en allant voir d’abord tous les élus locaux des petites communes pour les aider. Le bouche-à-oreille a fonctionné et, doucement, l’image du jeune technocrate parisien déconnecté des réalités et centré uniquement à l’Assemblée, qui était véhiculée dès qu’on avait l’étiquette En Marche, s’est déconstruite.
Quels sont les batailles, les enjeux et les combats qui vous tiennent à coeur et que vous défendez au quotidien ?
Il y a 4 sujets importants, sur lesquels je travaille beaucoup :
Premièrement je suis membre de la commission des lois à l’Assemblée. J’ai beaucoup travaillé sur la détention. J’avais notamment une mission sur le régime de fouille en détention. J’ai fais beaucoup de visites d’établissements pénitentiaires pour auditionner les acteurs de terrain, comprendre les difficultés à la fois des détenus et du personnel pénitentiaire. C’est un sujet sur lequel je travaille beaucoup à la fois pour améliorer les conditions de détention des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Dans le cadre de ma mission j’avais fait des propositions qui ont été retenues et sont aujourd’hui dans la Loi.
Un autre sujet sur lequel je suis particulièrement engagé est le handicap. Depuis le début de mon mandat je fais, chaque mois, don de 10% de mon indemnité à différentes associations de la circonscription, prioritairement des associations tournées sur l’inclusion et le travail avec les personnes en situation de handicap. Au delà de ça je travaille sur un projet d’expérimentation de classes inclusives. C’est une classe d’enfants de 3 à 6 ans, avec une plateforme médicale, une enseignante formée aux différents types de handicap et avec des outils adaptés. Un enfant atteint d’autisme travaillera davantage avec du numérique qu’avec du papier par exemple. On a réussi à ouvrir une classe inclusive à Douai en septembre, avec une dizaine d’enfants de 3 à 6 ans en situation de handicap. L’idée principale est de faciliter l’inclusion des enfants en situation de handicap dans la société.
La troisième thématique concerne la condition animale. Cela comprend par exemple le phénomène des abandons des animaux domestiques et des maltraitances animales. L’Etat doit, à mon sens, être beaucoup plus actif sur ces questions là. Je fais partie d’un groupe d’étude sur la condition animale, nous sommes depuis 2 ans en train de mettre la pression sur le gouvernement pour les convaincre que c’est un sujet dont il faut se préoccuper. Nous avons espoir car plusieurs membres du gouvernement souhaitent réellement avancer sur ces questions.
Le dernier sujet concerne les violences conjugales. Peu après mon élection j’ai mis en place un groupe de travail sur les violences conjugales sur le territoire du Douaisis. J’ai voulu réunir l’ensemble des acteurs (associatifs, gendarmes, policiers, magistrats, travailleurs sociaux, hôpitaux) pour mettre en place un réseau de qualité. J’ai réussi à obtenir un financement pour l’accueil de jour de victimes de violences conjugales à Douai. Je suis également référent dans le cadre du Grenelle sur les violences conjugales pour les Hauts-de-France, je vais donc voir les territoires afin d’observer ce qui se fait. On travaille actuellement pour obtenir des hébergements d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager, et que répondriez-vous aux jeunes qui considèrent que l’engagement est inutile ?
Je répondrais que l’engagement n’est jamais inutile. Je le constate d’autant plus depuis que je suis parlementaire, car je rencontre beaucoup de personnes sur les territoires et je me rends compte du caractère vital du bénévolat et du monde associatif. L’Etat et les institutions ne peuvent pas tout. Sans le monde associatif on serait bien plus en difficulté. J’invite les jeunes à trouver un combat qui leur parait noble et de s’y engager totalement ! On peut se demander « est-ce que ça change vraiment les choses ? » : oui ! Si chacun à son niveau, jeune ou moins jeune, choisit un combat et tente de le mener avec les moyens dont il dispose, alors on peut vraiment faire avancer les choses. C’est loin d’être inutile, c’est même vital à la démocratie.
On dit souvent que les jeunes sont égoïstes, mais je ne suis pas d’accord avec ça. Quand on voit les combats que la jeunesse veut mener sur l’écologie, il n’y a rien d’égoïste là dedans. Ca démontre d’ailleurs les capacités de la jeunesse à se mobiliser sur des sujets qui les dépassent individuellement. Nous allons entrer dans une période politiquement dense avec les élections municipales, départementales, régionales puis les présidentielles et les législatives : j’invite tous les jeunes à s’y engager !