Des scientifiques testent de nouvelles procédures pour résoudre les urgences sanitaires dans l'espace

Jean Delaunay

Des scientifiques testent de nouvelles procédures pour résoudre les urgences sanitaires dans l’espace

De la technologie des ultrasons aux techniques chirurgicales pionnières en microgravité, la radiologie pourrait jouer un rôle majeur dans la médecine spatiale.

Avec l’essor des missions spatiales, les astronautes doivent se préparer à surmonter rapidement tout problème.

Mais lorsqu’il s’agira de voyages prévus vers la Lune et peut-être dans un avenir pas si lointain vers Mars, la distance sera trop grande pour que les astronautes soient rapatriés sur Terre en cas d’urgence sanitaire.

« La chirurgie dans l’espace n’est pas réalisable, donc la seule technique dont nous disposons pour traiter les patients est la radiologie interventionnelle », a déclaré le professeur Vincent Vidal, qui a développé une « boîte à outils » d’imagerie médicale appelée « Mars IR Tool Box » (Mitbo).

Les appareils à ultrasons constituent la seule technologie d’imagerie disponible dans l’espace et sont utilisés dans la Station spatiale internationale (ISS) à des fins de diagnostic.

Cependant, pour les missions dans l’espace lointain, l’enjeu est de les utiliser pour traiter la rétention urinaire, les calculs biliaires ou encore pour drainer le pus d’un abcès dû à une appendicite.

« Nous développons des dispositifs qui nous permettent, sous guidage échographique, de pénétrer dans le corps pour le drainage à l’aide de sondes, de drains et de cathéters », a déclaré Vidal.

« Il est essentiel de responsabiliser les astronautes dans la gestion des complications potentielles », a déclaré Alain Luciani, secrétaire général de la Société française de radiologie (SFR), car le délai de communication entre Mars et la Terre peut aller jusqu’à 45 minutes.

Une opération découpée en segments de 22 secondes

Cet été, une expérience scientifique s’est déroulée pendant deux semaines dans des conditions extrêmes dans les Alpes suisses dans le cadre du projet Asclépios III.

C’était « dans un bunker pour simuler une mission sur la Lune et développer la médecine spatiale », a expliqué l’un des jeunes astronautes sélectionnés, Baptiste Rubino Moyner, âgé de 25 ans.

Il a été formé pour réaliser un drainage guidé par échographie sur un abdomen en plastique. Il a réussi l’intervention à l’aide d’une tablette et d’un appareil à ultrasons portable équipé d’un système de guidage développé par Canon.

« Ces procédures n’ont jamais été réalisées dans l’espace. Si nous participons au vol parabolique l’année prochaine, ce sera la première fois que cette procédure sera réalisée en microgravité », a déclaré Vidal.

La prochaine étape consistera à tester la faisabilité de cette pratique lors d’un vol en apesanteur (zéro-G).

Un vol zéro G reproduit les effets de la microgravité pendant 22 secondes et est répété environ 30 fois. Pour tester la procédure, il faudra la diviser en segments de 22 secondes.

« En microgravité, le liquide va se répandre partout »

« En microgravité, le corps perd ses repères, ce qui affecte ses mouvements », explique Laurence Boyer, responsable du service de santé lunaire à l’Institut de médecine et de physiologie spatiales, filiale santé du CNES.

Depuis 2020, la Société française de radiologie (SFR) travaille avec le CNES pour adapter les solutions d’imagerie aux contraintes extra-orbitales aux côtés de partenaires industriels.

« Il ne s’agit peut-être pas nécessairement d’innovations technologiques époustouflantes, mais nous devons reconsidérer l’équipement », a déclaré Vidal.

« En microgravité, lorsqu’on insère une aiguille dans un abcès, le liquide va se répandre partout à l’intérieur de la capsule. Il faut donc une valve sur le drain », a-t-il ajouté.

Le packaging doit également être adapté. Tous les outils doivent disposer d’un moyen de fixation et d’une source d’alimentation autonome.

L’objectif est de « pouvoir miniaturiser les appareils, automatiser les systèmes de guidage, les rendre plus légers et plus conviviaux », a expliqué Luciani.

Il est convaincu qu’« il y aura un bénéfice direct pour nos patients sur Terre », que ce soit dans des conditions de santé difficiles ou lors de missions humanitaires, comme dans les zones d’opérations militaires.

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