« Nous devons agir en Européens », a déclaré le président français, évoquant « une initiative politique majeure » pour les mois à venir.
La fin du mois d’août approche, les grandes vacances d’été françaises touchent à leur fin et Emmanuel Macron revient avec de nombreux projets.
Le président français a révélé quels sont ses objectifs pour les prochaines années de son mandat, dans une longue interview accordée au magazine français Le Point.
En ce qui concerne la géopolitique, les nouvelles lois sur l’immigration et les réformes de l’industrie et de l’éducation, Macron a assuré qu’il n’était pas un « canard boiteux », coincé et impuissant dans un second mandat marqué par des troubles sociaux, des émeutes et une guerre apparemment sans fin en Ukraine.
« Pouvons-nous laisser l’Ukraine déchirée et la Russie gagner ? Non.’
« J’espère que la contre-offensive de l’Ukraine pourra rassembler tout le monde autour de la table des négociations (…) une bonne négociation sera celle que voudront les Ukrainiens », dit-il.
Macron a confié à Moscou la responsabilité de contribuer à mettre un terme aux combats : « C’est le rôle de la Russie de choisir quel partenaire elle veut être. Pourtant, aujourd’hui, la Russie n’est plus la même qu’elle l’était en 2021. La responsabilité de Vladimir Poutine est énorme. « .
Le président libéral a tenté à plusieurs reprises de maintenir les négociations avec son homologue russe au début de la guerre en Ukraine.
Aujourd’hui, il dit qu’il lui reparlera si nécessaire. Vladimir Poutine « alimente le désarroi du monde ».
« Les États-Unis et la Chine ont décidé que l’OMC n’existait plus »
Toujours sur le thème de l’instabilité, Macron affirme que certains des « cadres » de l’ordre international se sont « brisés ».
« Le conflit sino-américain met en danger l’ordre commercial établi », dit-il en référence à la guerre commerciale croissante entre les deux plus grandes économies mondiales.
Macron considère qu’il s’agit d’un problème sérieux pour l’Europe qui doit continuer à lutter pour son « modèle politique et social unique ».
Le président français affirme que ces troubles géopolitiques et commerciaux ont perturbé l’ordre mondial, ajoutant que ce bouleversement n’est « pas une bonne nouvelle pour l’Occident ».
« La France a eu raison de se joindre aux nations africaines pour lutter contre le terrorisme »
Face à une vague croissante d’hostilité et de concurrence de la part d’autres acteurs – notamment les mercenaires russes de Wagner – la France a retiré ses troupes de plusieurs pays d’Afrique, où elles combattaient des groupes djihadistes et assuraient la sécurité des gouvernements.
« Si nous n’avions pas déployé Serval, les opérations Barkhane, le Mali, le Burkina Faso et probablement le Niger n’existeraient plus », a déclaré Macro, affirmant que ces opérations militaires ont stoppé la création d’un nouvel Etat islamique à des kilomètres des côtes européennes.
« Les interventions françaises demandées par les Etats africains ont été un succès », a-t-il ajouté.
La présence des troupes de l’ancienne puissance coloniale a été fortement critiquée par une partie de la population locale, tandis qu’au Mali, les relations se sont également détériorées avec les dirigeants militaires du pays.
Macron a une nouvelle fois demandé la libération du président nigérien Mohamed Bazoum par la junte militaire qui a pris le pouvoir le 26 juillet 2023.
Quant à l’influence française en Afrique, Macron y voit un « partenariat où la France défend ses intérêts et accompagne l’Afrique pour qu’elle réussisse. C’est un vrai partenariat et non une souveraineté commune ».
Les émeutes après la mort de Nahel étaient « un acte de vengeance »
Le meurtre d’un adolescent en banlieue parisienne, le 27 juin 2023, a déclenché de graves émeutes en France.
Nahel, 17 ans, d’origine marocaine et algérienne, a été tuée par balle par des policiers lors d’un contrôle routier, ce qui, selon certains, met en lumière des problèmes profondément enracinés de racisme et de violence policière en France.
De violents troubles ont déchiré la France pendant environ neuf jours au cours desquels 3 915 personnes ont été arrêtées. Parmi eux, 1 244 étaient mineurs et 742 ont été condamnés à une peine de prison.
« Nous avons été inflexibles. (…) C’est pour cela que cela n’a duré que quelques jours », explique Macron. « C’était un formidable déferlement de violence (…) il n’y avait aucun message politique, ni social, ni religieux. »
Analysant les émeutes, il a affirmé que les médias sociaux avaient joué un rôle majeur. Snapchat et surtout la fonctionnalité « Snap Map » auraient permis aux émeutiers d’identifier des « hotspots » où pillages, violences et incendies battaient leur plein.
Il indique également que les structures familiales et éducatives ont implosé. « Un nombre considérable de personnes arrêtées provenaient de familles monoparentales ou des services de protection de l’enfance. »
La France a une longue histoire de racisme et de violence contre sa population « non blanche », la police étant accusée depuis longtemps de cibler de manière disproportionnée les Arabes et les Noirs.
Nahel a été abattu à bout portant alors qu’il tentait de s’éloigner des agents lors d’un contrôle routier.
Les pouvoirs exécutifs d’urgence pourraient être utilisés pour adopter une loi sur l’immigration
Macron a déclaré vouloir éviter une répétition de la crise politique majeure provoquée par une réforme visant à relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans.
Sa réforme phare des retraites a pu être adoptée par le Parlement sans vote grâce à un pouvoir constitutionnel spécial.
Le leader français a rédigé un projet de loi controversé sur l’immigration. Il souhaite négocier avec l’opposition pour lui apporter un soutien efficace, mais n’exclut pas d’utiliser ces pouvoirs pour l’imposer à l’Assemblée nationale.
« Nous avons besoin de résultats, donc si un tel projet de loi est bloqué, je ne me refuserai pas de l’utiliser. »
Ce projet de loi réduirait l’immigration clandestine et serait strict à l’égard des étrangers qui menacent l’ordre public. La réduction de la période d’examen des demandes d’asile est également évoquée, mais la partie la plus controversée concerne les dispositions permettant aux étrangers qui sont des « professionnels très recherchés » d’obtenir un permis de séjour.
Alors que la droite affirme clairement que cette mesure signifierait que le gouvernement franchirait une ligne rouge, la gauche de Macron est plus faible pour se défendre et soutenir cette proposition.
Le président français devra se montrer agile et prudent au risque de perdre le soutien de la gauche et de la droite à ce projet de loi.
Changement climatique : l’industrie domestique européenne est la solution de Macron
Macron se tourne enfin vers le changement climatique, en essayant de le mettre en balance avec les besoins de l’économie.
« Je défends une idée de l’écologie qui nécessite des progrès, des projets, du bon sens et des solutions dans le cadre de l’analyse scientifique », affirme le chef de l’Etat français.
« L’Europe a le choix : elle peut être un marché merveilleux pour les consommateurs riches soutenus par des fonds publics qui achèteront du Netflix, du ChatGPT, des véhicules électriques et des panneaux solaires chinois ainsi que la technologie numérique américaine ; ou elle peut fabriquer sur son sol des véhicules électriques. et être partie prenante de l’IA. »
Même si reconstruire la souveraineté sur l’industrie sous-traitée peut sembler un bon plan, ce n’est pas une solution au changement climatique selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Leurs rapports ont souligné à plusieurs reprises « que seule une approche de non-croissance/décroissance ou de post-croissance du PIB permet d’atteindre une stabilisation climatique en dessous de 2°C ».
Pourtant, produire moins pour émettre moins de gaz à effet de serre n’est pas si simple, car le GIEC conclut que « des défis importants demeurent en termes de faisabilité politique ».
« Nous devons agir en Européens », déclare Macron. « L’idée d’une puissance européenne était considérée comme une mode française il y a seulement cinq ans. »
Le président français n’a cessé de répéter que l’Europe devait défendre ses capacités productives, militaires et géopolitiques. « Les investissements européens partagés dans les domaines du climat, de la défense et de l’IA sont au cœur du futur projet européen. »