La rentrée scolaire marque l’introduction du « pacte des enseignants » pour les écoles françaises, un nouveau dispositif permettant aux enseignants d’assumer des missions supplémentaires, mieux rémunérées. Mais les syndicats ont dénoncé cette mesure, réclamant des augmentations de salaire sans condition.
C’est la rentrée scolaire pour 12 millions d’élèves en France, et le gouvernement français propose un « pacte pédagogique » pour les éducateurs des écoles primaires et secondaires.
Dans le cadre de ce programme, les enseignants se verront proposer des missions et des tâches supplémentaires, mieux rémunérées, mais le personnel scolaire, peu convaincu, qui se sent sous-payé et surmené, est en colère contre le fait que la seule solution apparente du gouvernement à la stagnation des salaires des enseignants est de les charger d’encore plus de travail.
« Cela laisserait penser que nous avons le temps (pour faire plus de travail), mais nous n’en avons pas », déplore Janette Barrier, une enseignante interrogée par L’Observatoire de l’Europe. « Nous sommes déjà surchargés et les augmentations de salaires ne sont pas à la hauteur. Sinon, il n’y aurait pas de crise de recrutement. »
Le pacte donnera aux enseignants des écoles primaires et secondaires la possibilité d’effectuer des tâches rémunérées au double du taux d’heures supplémentaires standard. Au minimum, cela représente 18 heures supplémentaires par an, rémunérées 1 250 € brut.
« Aucun pacte n’a été signé ici ! »
Loin de saisir l’opportunité de « travailler plus pour gagner plus », les enseignants de toute la France ont méprisé un système qu’ils considèrent comme un ordre de travailler plus dur.
« Avoir 18 heures supplémentaires met la pression sur les enseignants », explique Bachir Touati Tliba, directeur du lycée Tonkin de Villeurbanne, près de Lyon.
En ajoutant le temps nécessaire pour planifier les cours, les dispenser, rencontrer les parents et s’acquitter de toutes tâches supplémentaires – comme agir en tant que directeur – les enseignants ont souvent un emploi du temps chargé qui rend impossible l’intégration d’heures supplémentaires.
« Aucun pacte n’a été signé ici », a déclaré le directeur à L’Observatoire de l’Europe. Les enseignants de son école ont refusé de le signer par principe ou par manque de disponibilité, car ils n’y voient pas une augmentation de salaire, mais une exigence de travailler davantage.
« Certains le feront par nécessité pour joindre les deux bouts (…) mais tout le monde n’a pas la possibilité de faire des heures supplémentaires, donc c’est discriminatoire », déplore Janette Barrier, membre du syndicat enseignant Sgen-CFDT.
« Le ministère (de l’Education) a opté pour ce projet pour mieux contrôler le système (…) mais cela crée une rigidité dans le fonctionnement », explique Bachir Touati Tliba.
Différents types de missions permettant aux enseignants de remplacer un collègue absent étaient déjà possibles auparavant, mais les enseignants estiment que le nouveau pacte a été adopté à la hâte.
« Il (le système de remplacement précédent) était déjà plus ou moins organisé, mais maintenant le système est incomplet », déplore Janette Barrier.
«Il n’a pas été conçu pour les lycées généraux et technologiques», précise François Tessier, professeur d’histoire-géographie et président du syndicat SNALC à l’Académie d’Orléans-Tours.
« Plus d’inquiétude que d’enthousiasme »
Pour les enseignants, le nouveau pacte n’est qu’un des nombreux symptômes d’un système scolaire défaillant.
François Tessier a déclaré à L’Observatoire de l’Europe qu’il regrettait l’inefficacité actuelle de l’éducation française et a souligné la détérioration d’un autre programme de devoirs mis en œuvre par le gouvernement, qui était auparavant efficace mais qui est désormais « faussé » selon lui.
« C’est une sorte d’éléphant blanc fabriqué, avec des enseignants du primaire qui viennent enseigner à des élèves de sixième (premier niveau du lycée) qu’ils ne connaissent pas », explique-t-il.
« Les professeurs des écoles ne pourront pas soutenir les élèves de sixième, ils disposent déjà de suffisamment d’heures et les déplacements entre écoles ne sont pas payés », explique Janette Barrier.
« Le simple fait de mettre un adulte devant les élèves ne signifie pas qu’il y aura un meilleur enseignement », ajoute-t-elle.
Augmentations de salaire pour les nouveaux enseignants
Cette nouvelle année scolaire a toutefois apporté des augmentations de salaire pour certains enseignants. Près de 853 700 enseignants verront leur salaire augmenter entre 125 et 250 euros net par mois, selon la durée de leur contrat.
Cela fait suite à l’annonce du président Emmanuel Macron selon laquelle aucun enseignant titulaire ne sera rémunéré moins de 2 000 € net par mois.
« Considérant le nombre d’enseignants, cela représente une somme considérable, mais cela ne comble pas l’écart salarial qui gangrène la profession enseignante depuis des décennies », déplore François Tessier.
« Cela ne concernera que les rares nouveaux enseignants, tous les vétérans (avec 20 à 30 ans d’expérience) sont oubliés », explique Janette Barrier.
Un projet « politique » basé sur la « communication »
Plutôt que de se concentrer sur les avantages pour les étudiants et le personnel, certains enseignants accusent le gouvernement de faire de la politique.
« Il y a plus dans ce projet une volonté politique qu’éducative ou pédagogique », estime Bachir Touati Tliba.
« Il y a beaucoup trop de communication, il n’y a pas de plan ! » se plaint Janette Barrier.
En matière de communication, le gouvernement semble s’adresser aux parents plutôt qu’aux enseignants et aux chefs d’établissement.
«Depuis six à sept ans, on apprend tout grâce aux médias, et les chefs d’établissement sont informés après tout le monde», raconte François Tessier; « BFM TV (la première chaîne française d’information 24h/24 et 7j/7) a été informée avant nous », explique Bachir Touati Tliba.
Le pacte pour les enseignants est déjà opérationnel, mais il reste à savoir combien d’enseignants s’y sont inscrits et si le gouvernement le considérera comme un succès. Alors que le ministère de l’Éducation espérait un taux de participation de 30 %, le ministre de l’Éducation Gabriel Attal se montre plus prudent et s’abstient de tout pronostic.