Saisir cet argent en représailles à la guerre en Ukraine pourrait enfreindre le droit international, s’inquiètent les responsables
Les actifs gelés de la banque centrale russe détenus au sein de l’UE seront séparés, a proposé le bloc aujourd’hui (12 décembre), revenant sur ses promesses précédentes d’utiliser les bénéfices exceptionnels pour aider l’Ukraine.
Cette nouvelle intervient alors que le soutien occidental à ce pays déchiré par la guerre vacille, le président américain Joe Biden étant confronté au scepticisme des républicains quant au maintien de l’aide financière, et le hongrois Viktor Orbán menaçant de mettre son veto à un plan européen de 50 milliards d’euros.
Les plans – officiellement adoptés par la Commission européenne aujourd’hui, mais non publiés – obligeront les dépositaires financiers tels qu’Euroclear à enregistrer séparément les actifs russes gelés, les bénéfices étant retenus pour les actionnaires, a déclaré un responsable de l’UE, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Saisir les bénéfices de l’État russe au titre des réparations pour l’Ukraine reste un objectif « à long terme », mais il n’y a « aucun délai ni aucune condition fixe » pour le faire, a ajouté le responsable.
Cela est loin des engagements pris par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en octobre, qui avait déclaré aux journalistes qu’elle présenterait son intention d’utiliser les bénéfices des actifs immobilisés pour financer la reconstruction de l’Ukraine, dont la Banque mondiale a annoncé en mars qu’elle coûterait 383 milliards d’euros.
Les États membres de l’UE, qui doivent approuver à l’unanimité les mesures de sanctions, pourraient être responsables de ce revirement. En public, les dirigeants du bloc ont approuvé l’idée de la position pro-ukrainienne de von der Leyen, mais à huis clos se montrent plus prudents quant à la création d’un précédent juridique risqué.
Des milliards
La banque centrale russe détient environ 200 milliards d’euros dans l’UE, dont la part du lion revient à l’Euroclear belge, qui a gagné cette année plus de 3 milliards d’euros de revenus inattendus grâce aux intérêts.
Le Premier ministre belge Alexander De Croo a déjà promis d’envoyer les impôts sur les sociétés issus de cette manne – quelque 1,5 milliard d’euros – directement à l’Ukraine.
Mais les titres eux-mêmes ne peuvent pas être confisqués, sauf en cas de crime spécifique, et la Banque centrale européenne a averti que cela pourrait nuire à la réputation de l’euro en tant que monnaie sûre.
Certains législateurs, comme l’eurodéputé lituanien Andrius Kubilius, ont plaidé en faveur d’une action plus forte, arguant que l’ampleur de l’agression russe permet au bloc de prendre des contre-mesures.
Plus tôt mardi, les législateurs et les gouvernements de l’UE ont conclu deux accords législatifs visant à criminaliser les violations des sanctions, ce qui signifie que ceux qui contournent les restrictions pourraient voir leurs actifs saisis ou leurs permis de commerce retirés, et être passibles de cinq ans de prison.