Jordan Bardella, French MEP, President of the Patriots for Europe Group.

Jean Delaunay

Comment Jordan Bardella a-t-il voté au Parlement européen ?

Lors de son passage au Parlement européen, l’eurodéputé français et président du groupe Patriotes pour l’Europe a voté contre une résolution sur le soutien de l’UE à l’Ukraine, le pacte sur la migration et l’asile et le pass sanitaire européen.

Bien qu’il se soit fait discret depuis la défaite de son parti, le Rassemblement national (RN), aux élections législatives anticipées de juillet dernier, Jordan Bardella, qui se voyait autrefois comme Premier ministre, sera bientôt de retour au Parlement européen.

Réélu en juin pour un second mandat de député européen, Bardella est désormais président du nouveau groupe d’extrême droite Patriotes pour l’Europe.

Ses activités parlementaires, ses votes et ses déclarations seront donc scrutés de près, mais comment a-t-il voté jusqu’à présent à Strasbourg et à Bruxelles ? Nous examinons de plus près ses votes sur plusieurs initiatives clés.

Soutien à l’Ukraine

Il s’agit de la première résolution adoptée par le Parlement européen à Strasbourg après les élections européennes de juin.

Le 17 juillet, la résolution de soutien à l’Ukraine a été adoptée à une large majorité, avec 495 voix pour, 137 contre et 47 abstentions. Bardella a voté contre le texte, qui demandait à l’Union européenne de renforcer son soutien à l’Ukraine face à la guerre d’agression menée par la Russie.

« Nous ne sommes pas d’accord pour que chaque Etat membre consacre, par principe, 0,5% de son PIB par an au soutien à l’Ukraine, ce qui équivaut pour la France à 7 milliards d’euros par an », a-t-il déclaré en séance plénière lors d’un débat sur la nécessité d’un soutien continu de l’UE à l’Ukraine.

Le président du nouveau groupe d’extrême droite Patriotes pour l’Europe s’est dit opposé à « la livraison d’armes pouvant frapper directement le territoire russe » et à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, au motif qu’elles « augmenteraient le risque d’escalade avec une puissance nucléaire ».

Le député s’est également opposé à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, comme le propose la résolution, au motif qu’elle « menacerait la survie de notre économie et de notre agriculture en déséquilibrant gravement la politique agricole commune ».

Si Bardella a adouci ses positions sur la Russie après l’invasion de l’Ukraine, les liens ambigus du Rassemblement national avec Moscou sont régulièrement critiqués. En 2014, le parti a contracté un prêt de 9,4 millions d’euros auprès de la First Czech Russian Bank.

Cessez-le-feu à Gaza

Depuis l’attentat terroriste du Hamas du 7 octobre, qui a fait près de 1.200 morts en Israël, le Rassemblement national a aligné ses positions sur celles du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Il est même allé jusqu’à se présenter comme le principal soutien des personnes de confession juive, pour détourner l’attention des accusations d’antisémitisme portées jusqu’alors contre lui.

Moins de deux semaines après l’attaque, Bardella et d’autres députés ont déposé une proposition de résolution sur les « attaques terroristes méprisables du Hamas contre Israël », « le droit d’Israël à se défendre conformément au droit humanitaire et international » et la situation humanitaire à Gaza.

Le texte réaffirme « le droit d’Israël à exister » et appelle à « suspendre immédiatement » le versement de tout fonds de l’UE aux organisations palestiniennes, en particulier à l’Autorité palestinienne et à l’UNRWA.

Bardella a toutefois voté en faveur d’une résolution non contraignante appelant à un cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza et à une relance du processus de paix.

La résolution a été adoptée par le Parlement européen le 18 janvier par 312 voix pour, 131 contre et 72 abstentions. Les députés ont posé comme condition préalable à un cessez-le-feu la libération immédiate des otages détenus par le Hamas à Gaza.

Face à leur incapacité à imposer un cessez-le-feu permanent, l’Union européenne et la communauté internationale sont depuis accusées d’impuissance et de faiblesse, tandis que la réponse militaire d’Israël à Gaza en représailles à l’attaque du 7 octobre a fait plus de 40 000 morts, principalement des femmes et des enfants.

Nouveau pacte sur les migrations et l’asile

Le 10 avril, le Parlement européen a donné son feu vert aux 10 textes législatifs composant le Pacte sur la migration et l’asile, présenté par la Commission européenne en septembre 2020.

Cette refonte du système de politique migratoire et d’asile de l’UE prévoit un traitement plus rapide des demandes d’asile, la relocalisation des demandeurs d’asile entre les États membres, le contrôle des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures de l’UE, une meilleure réponse en cas de crise et l’enregistrement des données sur les personnes arrivant illégalement dans l’UE.

De son côté, Bardella a assuré que le RN « s’opposerait de toutes ses forces à ce pacte de submersion » dans un communiqué publié en marge du scrutin.

« A l’heure où l’immigration de masse devient un défi existentiel qui n’en est qu’à ses débuts et qui constitue désormais une menace dans toute l’Europe pour notre sécurité, notre identité et la stabilité de nos sociétés, l’Union européenne choisit la voie de la faiblesse et des courants d’air », a déclaré M. Bardella dans le communiqué.

S’il a voté contre la plupart des textes composant le pacte sur la migration et l’asile, Bardella a voté en faveur du règlement Eurodac qui introduit l’enregistrement des données des personnes arrivant irrégulièrement dans l’UE, y compris les empreintes digitales et les images faciales, dès l’âge de six ans.

Pacte vert pour l’Europe

« Quel est le résultat du Pacte vert ? Des milliers d’agriculteurs en colère, descendus dans la rue parce qu’ils ne peuvent plus travailler et vivre de leur travail ! », s’est insurgé M. Bardella lors d’un meeting de campagne pour les élections européennes à Montbéliard, dans l’est de la France, en mars.

« Les macronistes mènent depuis sept ans une politique de décroissance, se soumettant aux objectifs du Pacte vert, qui prône la baisse des rendements agricoles et du nombre d’animaux d’élevage », a-t-il encore déclaré sur X en février, depuis le Salon international de l’agriculture de Paris. « Ceux qui défendent la puissance agricole de la France, c’est le Rassemblement national. »

Le Pacte vert pour l’Europe est la boussole environnementale de la Commission européenne. Son objectif principal est que l’Union européenne atteigne la neutralité climatique d’ici 2050.

En juillet 2021, la Commission européenne a présenté un ensemble de propositions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’UE de 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030.

Texte clé du Pacte vert pour l’Europe, le Nature Restoration Act, impose la restauration de 20 % des zones terrestres et marines de l’UE et de 30 % des habitats en mauvais état (forêts, prairies, zones humides) d’ici 2030.

Bardella, qui dénonce régulièrement une « écologie punitive », a voté contre la mesure.

Il a également voté contre l’arrêt de l’utilisation de nouvelles voitures diesel et essence d’ici 2035 ; contre le nouvel objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen d’ici 2030 ; contre la réduction de moitié de l’utilisation de pesticides (qui a été rejetée par le Parlement européen) ; et contre la réduction des déchets d’emballage.

Il s’est toutefois abstenu de voter sur l’introduction d’une taxe carbone aux frontières.

Loi sur l’intelligence artificielle

Il s’agit de la première réglementation au monde sur l’intelligence artificielle. La loi sur l’intelligence artificielle a été adoptée par le Parlement européen en mars avec 523 voix pour, 46 contre et 49 abstentions. Bardella faisait partie des votants favorables.

Avancée historique pour réduire les risques de l’IA sur le sol européen tout en garantissant l’innovation, la législation limite notamment l’utilisation de systèmes d’identification biométrique par les forces de l’ordre et interdit le recours à un système de crédit social, notamment utilisé en Chine.

Quelques semaines plus tard, avant les élections européennes, Bardella s’exprimait devant le Medef, la plus grande fédération patronale française, et déclarait : « Sur les questions numériques, on ne peut pas se contenter de la réglementation. »

Il a appelé l’UE à rattraper son retard sur ses partenaires mondiaux en matière d’intelligence artificielle grâce à « une énergie bon marché », « un cadre favorable aux start-ups » et « une augmentation de notre budget de R&D ».

Plan de relance européen

Si les députés n’ont pas été appelés à voter directement sur le plan de relance européen pour 2021, ils ont donné leur feu vert au mécanisme financier qui le rendra possible : la Facilité pour la reprise et la résilience.

Pour aider les pays de l’UE à faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19, cet instrument a promis une enveloppe de 750 milliards d’euros (soit l’équivalent de 806,9 milliards d’euros en 2022) sous forme de subventions et de prêts, dont 40 milliards d’euros pour la France.

Ces fonds, en partie débloqués à ce jour, sont destinés à financer la transition écologique, la transformation numérique et la préparation aux crises.

Le Parlement européen a adopté ce texte en février 2021 par 582 voix pour, 40 contre et 69 abstentions. Des députés du Rassemblement national, dont Bardella, se sont abstenus, dénonçant ce qu’ils considéraient comme un coût trop élevé pour la France et une perte de souveraineté pour les États membres.

« Le plan de relance vanté par Valérie Hayer (présidente du groupe Renew Europe) signifie que la France recevra 40 milliards d’euros, mais devra rembourser au moins 80 milliards d’euros », avait déclaré Bardella sur X en mai, pendant la campagne des élections européennes.

Le remboursement du prêt commun doit débuter en 2028. Il s’étalera sur trente ans, jusqu’en 2058. Pour cela, l’Union européenne prévoit d’augmenter ses recettes budgétaires via une taxe sur les emballages en plastique non recyclés, par exemple.

Il est encore trop tôt pour déterminer les montants que chaque État membre devra rembourser, selon les économistes.

Pass sanitaire européen

Un an après le début de la pandémie de COVID-19, Bardella s’est pleinement opposé à la création du pass sanitaire européen au nom d’une supposée « lutte pour les libertés ».

Approuvé le 8 juin 2021 par le Parlement européen par 546 voix pour, 93 contre et 51 abstentions, le pass sanitaire européen était destiné à faciliter et sécuriser les déplacements, notamment entre les États membres, pendant la pandémie de COVID-19.

Il s’agissait d’un code QR numérique ou papier pour prouver le statut vaccinal.

Elle est entrée en vigueur dans tous les États membres le 1er juillet 2021 et a ensuite été prolongée jusqu’en juin 2023.

Droit à l’avortement

Suite à la suppression du droit constitutionnel à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis en juillet 2022, le Parlement européen a adopté une résolution non contraignante sur le droit à l’avortement.

Le 7 juillet 2022, les députés européens ont exprimé leur souhait d’inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Comme tous les députés du RN, Bardella était absente du vote, signe de la fragmentation du parti sur cette question.

Le Parlement français a donné son feu vert, le 4 mars, à l’inscription dans la Constitution de la « garantie de la liberté des femmes » d’avorter. Si certains élus RN ont voté pour, d’autres ont voté contre et certains se sont abstenus.

‘Bardepalla’

Quel que soit son vote passé, l’eurodéputé français est régulièrement accusé d’être particulièrement absent du Parlement européen, au point d’être surnommé « Bardepalla » par ses détracteurs.

C’est un jeu de mots avec le nom de Bardella qui se traduit approximativement du français par « Bardella n’est pas ici ».

« J’ai l’un des meilleurs taux de présence de tous les députés européens français, avec 94% de présence aux votes », a rétorqué M. Bardella le 17 avril à la télévision française.

Dans un article publié en avril, le journal français Libération affirmait que les chiffres de 94 % devaient être relativisés.

Tout d’abord, ce pourcentage place Bardella 61e sur 79 députés européens français en termes de présence.

Libération souligne également que ce chiffre ne reflète que la présence des députés aux séances plénières.

Les députés européens ont tendance à assister aux séances plénières car leur indemnité journalière de 350 euros est réduite de moitié s’ils ne participent pas aux votes. Ce n’est toutefois pas le cas pour les travaux des commissions.

Le journal souligne également que les votes et les débats en plénière ne représentent qu’une infime partie du travail parlementaire.

Si l’on regarde ses autres activités parlementaires au cours de la 9e législature (2019-2024), Bardella n’a été rapporteur d’aucun rapport et n’a signé qu’un seul rapport en tant que rapporteur fictif, selon la plateforme assistEU.

Il a également déposé 156 questions écrites et 760 explications de vote. Ces chiffres ne constituent toutefois pas non plus un indicateur fiable de son activité parlementaire, car ses assistants parlementaires pourraient avoir été chargés de les rédiger.

Enfin, bien qu’il ait prononcé 76 discours en séance plénière, il était davantage amené à s’exprimer en raison de son ancien statut de vice-président du groupe parlementaire Identité et démocratie, ajoute Libération.

Reste à voir comment ces indicateurs évolueront au cours de son nouveau mandat.

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