The Order

Jean Delaunay

Bilan de Venise 2024 : « The Order » – Jude Law contre les suprémacistes blancs

Le réalisateur australien Justin Kurzel adapte des événements réels et livre un thriller captivant sur un groupe haineux notoire aux États-Unis, ainsi qu’un récit édifiant sur les héritiers actuels des suprémacistes blancs.

Basé sur le livre non-fictionnel « The Silent Brotherhood » de Kevin Flynn et Gary Gerhardt, Justin Kurzel L’Ordre doit son nom à l’organisation terroriste suprémaciste blanche qui a assassiné trois personnes et commis de nombreux vols dans le but de provoquer une guerre raciale.

Le groupe s’est inspiré du livre raciste « Les journaux de Turner », qui est au cœur du film de Kurzel. Qualifié de « bible de la droite raciste » par le FBI, il décrit les étapes nécessaires pour déclencher une révolution aux États-Unis qui mènera au renversement du gouvernement fédéral et à une guerre raciale culminant avec l’extermination des non-blancs et des juifs. « Le jour de la corde », comme l’appelle l’auteur néo-nazi William Luther Pierce.

Si tout cela vous fait penser aux slogans « Les Juifs ne nous remplaceront pas » scandés par les suprémacistes blancs à Charlottesville, à l’insurrection du Capitole de 2021 et à la potence dressée pour l’ancien vice-président Mike Pence, c’est que c’est intentionnel. « Les journaux de Turner » ont inspiré de nombreux actes de violence et restent une lecture de chevet pour de nombreux groupes haineux actifs et terroristes nationaux.

Cette résonance avec l’extrémisme actuel et le paysage politique divisé aux États-Unis est au cœur de L’Ordremême si cela nous ramène à 1983.

Nous rencontrons l’agent du FBI Terry Husk (Jude Law, moustachu et constamment en train de mâcher du chewing-gum), qui arrive à Coeur d’Alene, dans le nord-ouest de l’Idaho, où il repère immédiatement plusieurs affiches et tracts appartenant à la nation aryenne. Ses yeux sont exercés, car le vétéran grisonnant a acquis la réputation d’enquêter sur le KKK et d’autres factions racistes similaires. Il découvre bientôt, avec l’aide de l’officier de police local Jamie Bowen (Tye Sheridan), qu’un groupe haineux en pleine expansion prépare quelque chose de grand, précédé d’une série de braquages ​​de banques, de vols de véhicules blindés et d’attentats à la bombe.

Bien que les groupes haineux ne braquent généralement pas les banques, le chef de l’Ordre, Bob Mathews (Nicholas Hoult), est en passe de créer une milice, après s’être lassé de la position du prédicateur de la haine, le révérend Richard Butler, et de son Église chrétienne de Jésus-Christ, qui consiste à « ne parler que de choses sans agir ».

« Nous sommes désormais en pleine guerre », dit Mathews à ses ouailles. Et il compte bien aller jusqu’au bout, même si cela signifie se sacrifier et ne pas voir sa précieuse lignée prospérer : « Une chose qui ne meurt jamais, c’est la renommée des actes d’un homme mort. »

Après des films percutants comme Ville de neige, La véritable histoire du gang Kelly et NitramLe réalisateur australien Kurzel continue d’impressionner lorsqu’il s’agit de dépeindre la violence de manière réaliste et tonique. Des opérations bancaires aux coups de feu retentissants en passant par le meurtre de l’animateur de radio juif Alan Berg (Marc Maron), la violence semble chorégraphiée sans paraître affectée.

À cet égard, et grâce au travail remarquable du rédacteur en chef Nick Fenton, il n’est pas exagéré de comparer certains des vols, des fusillades et du jeu du chat et de la souris entre Husk et Mathews à ceux de Michael Mann. Chaleuret même le western policier sous-estimé de David Mackenzie L’enfer ou la marée haute. L’Ordre il n’est peut-être pas à la hauteur de ces films ni aussi impressionnant que ces derniers, mais il n’en demeure pas moins un thriller captivant du début à la fin.

L’histoire et ses rythmes peuvent être prévisibles par moments – le vieux routier austère faisant équipe avec le débutant enthousiaste qui a tout à perdre – mais les performances sont L’Ordre Jude Law et Nicolas Hoult sont convaincants dans leurs deux rôles, ce dernier volant la vedette en incarnant subtilement et charismatiquement le mal au quotidien. C’est grâce à la force de la performance de Hoult que le film devient un récit édifiant et inquiétant sur les événements actuels.

L’Ordre a peut-être été démantelé et certains de ses membres sont toujours derrière les barreaux, mais le nationalisme chrétien et les branches extrêmes du mouvement MAGA montrent que, quelles que soient les formes que prennent leurs croyances, les descendants de la secte réelle sont vivants. Et, plus troublant encore, prospères.

L’Ordre présenté en avant-première au 81e Festival du Film de Venise en Compétition.

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