Aurélie Trouvé, une présidente vraiment d'attaque ?

Martin Goujon

Aurélie Trouvé, une présidente vraiment d’attaque ?

PARIS — Aurélie Trouvé, la nouvelle présidente de la commission des Affaires économiques va auditionner la présidente de Sanofi jeudi. Elle l’a convoquée en urgence — une de ses prérogatives — sur le dossier Doliprane, sur lequel elle est « très engagée ».

L’Insoumise a retenu d’un concours de circonstances : l’accord rompu entre LR et EPR et quelques voix Liot, MoDem et LR qui se baladaient. «Je savais qu’il y avait un trou de souris», glisse la native de Chauny, dans l’Aisne. Un obstacle de plus de franchise pour celle qui a été en 2001 championne de France espoirs du 3 000 mètres clocher, avec en prime le record de l’époque. Et voilà comment, le 9 octobre dernier, une altermondialiste mangeuse d’obstacles se retrouve à la tête des Affaires éco.

« Cinq minutes après son élection, elle m’a dit : ‘tu te rends compte, avant je dirigeais Attac et là je suis présidente de la commission des affaires économiques’ », se souvient Benoît Biteau, tout nouveau député Écologiste. « C’est pas banal », insiste-t-il.

«Mettre au pas la finance, les banques et les transnationales», clame encore et toujours Attac sur son site. Aurélie Trouvé, elle, assume vouloir une « économie planifiée ». De quoi donner des sueurs froides au Medef et à ses camarades de séance ? « Le Plan, c’est de Gaulle, rappelle la députée LFI. C’est juste que, depuis quarante ans, on a oublié qu’on pouvait réguler l’économie.

Et quand on lui demande si elle est anticapitaliste, la Séquano-Dionysienne d’adoption préfère botter en touche. Elle se contente de répondre qu’elle n’aime pas les grands mots, et que sa vie ne se résume pas à Attac. La députée a par exemple été maîtresse de conférences en économie à l’école d’agronomie de Dijon. Aujourd’hui, elle défend « un autre système » dans lequel elle veut « remettre les entreprises au service des salariés et du vivant plutôt qu’au service des actionnaires ».

Ses collègues de commission se montrent plutôt bienveillants. Le socialiste Karim Benbrahim se réjouit : cela permettra d’aborder « les questions essentielles, sans pression de la part du gouvernement ». Henri Alfandari (Horizons) assiste avant de faire des procès d’intention. « Il ne faut pas passer son temps à exclure, même si j’ai des différends colossaux avec LFI, tempère-t-il. On jugera sur pièces. Regardez Eric Coquerel, il se sort plutôt bien de sa présidence.

Julien Dive (DR), lui, la dépeint comme « une bosseuse » avec qui on peut travailler. Mais il prévient : une nouvelle élection aura lieu dans moins d’un an et les votes d’hier ne seront pas ceux de demain.

Une autre a choisi de rassurer ceux qui ne sont pas de son camp : Aurélie Trouvé n’a pas la majorité au bureau de la commission. Ce qui lui laisse un pouvoir relatif : animation des débats, conduite et convocation en urgence d’auditions. Bref, impulsion et incarnation.

Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas le grand soir non plus. Le reste, à savoir l’ordre du jour, prévoir les auditions ou créer des missions, relève du bureau, qui travaille par consensus.

L’Insoumise est-elle une présidente entravée ? Elle assure que non, rappelle que le bureau fonctionne au consensus, sans vote, et qu’elle compte bien continuer ainsi. Elle a pris contact avec tous les chefs de file. « Y comprend avec le RN », assume-t-elle.

Les industriels, eux, sont plus inquiets de l’arrivée d’une altermondialiste à la tête d’une commission stratégique. « Le signal envoyé d’avoir un profil décroissant à la tête de la commission qui doit agir la réindustrialisation et la relance du nucléaire n’est pas très positif », remarque un lobbyiste du nucléaire, qui n’a que trop bien en tête l ‘opposition frontale de LFI à l’atome.

Beaucoup espèrent qu’Aurélie Trouvé soit moins politique. « Il faudra qu’elle mette de l’eau dans son vin, elle en est consciencieuse », assure Julien Dive, son collègue de droite. Il raconte lui avoir rapidement conseillé : « Tu vas devoir être la présidente Trouvé, pas la députée Trouvé virulente. »

« Elle connaît ses sujets », reconnaît lui Olivier Dauger, administrateur de la FNSEA chargé du climat et de l’énergie carbonée. Il espère que « le côté scientifique prendra le pas sur le côté dogmatique et politique » chez cette ancienne maîtresse de conférences à AgroParisTech.

Aurélie Trouvé défend une position orthogonale à celle du gouvernement et des syndicats sur les questions agricoles, un sujet sensible, alors que les agriculteurs menacent de reprendre leurs manifestations.

Quant à l’agrivoltaïsme, qui consiste à déployer des panneaux solaires sur des terrains agricoles, elle ne se dit « pas contre », mais souhaite avant tout « prioriser les surfaces artificialisées des agriculteurs ». Une position d’équilibriste pour celle qui défend un mix 100% renouvelables à l’horizon 2050.

Si ce positionnement sonne comme des « mots très doux » aux oreilles d’un lobbyiste du secteur des énergies renouvelables, il met en garde, lui aussi, contre un discours trop politisé : les Insoumis « ont une relation délicate avec l’économie de marché et une relation particulière avec la fiscalité ».

Aurélie Trouvé va devoir rechausser les pointes pour affronter ces haies et rester d’attaque.

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