PARIS — Surprise, surprise : c’est l’Insoumise Aurélie Trouvé qui a été élue présidente de la commission des Affaires économiques, ce mercredi 9 octobre. L’élue de Seine-Saint-Denis l’a emportée contre toute attente au troisième tour, bénéficiant de la rupture de l’accord passée au mois de juillet entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez visant à se répartir les postes au bureau de l’ Assemblée nationale et à la tête des commissions entre droite et macronistes.
Souvenez-vous : la présidence de la commission des Finances avait échappé aux Républicains cet été, Eric Coquerel (LFI) ayant été élu face à Véronique Louwagie (DR).
Avec l’entrée au gouvernement de plusieurs députés, parmi lesquels Jean-Noël Barrot (MoDem), Antoine Armand (EPR) et Paul Christophe (Horizons), trois présidences de commission détenues par le « bloc central » avaient été remises en jeu au mois de septembre : les Affaires étrangères, les Affaires économiques et les Affaires sociales. Les macronistes entendaient conserver ces postes.
Problème, Laurent Wauquiez, dont les troupes sont désormais inscrites dans la majorité, est arrivé mercredi matin décidé à faire « péter » l’accord, selon les mots d’un collaborateur parlementaire cité par mes collègues de Playbook Paris. Précisément, les élus LR entendaient décrocher la présidence de la commission des Affaires économiques, convoitée par l’ancien ministre macroniste Stéphane Travert.
Sauf qu’aucun accord n’a été trouvé en amont. Mercredi matin, Travert faisait donc face au député de l’Aisne Julien Dive, pour le groupe DR (ex-Les Républicains). Les autres prétendants étaient Aurélie Trouvé (LFI), candidate unique du Nouveau Front populaire (NFP), et Frédéric Falcon (RN).
Lors des deux premiers tours, l’élection se fait à la majorité absolue. Les quatre candidats ont rassemblé peu ou prou autant de voix entre le premier et le deuxième tour, correspondant à leur poids politique relatif.
Au troisième tour, Julien Dive s’est retiré. Aurélie a trouvé a recueilli 27 voix, soit trois de plus qu’au tour précédent. Stéphane Travert n’en a gagné qu’une seule pour atteindre 25 voix et Frédéric Falcon a perdu trois voix et rassemble 13 suffrages. Quatre députés ont voté blanc.
Qui de LR ou du RN a donc fait basculer le vote en faveur de LFI ? Le scrutateur étant à bulletin secret, chacun fait ses conjectures. Au groupe RN, on assume de dire que deux députés ont voté pour Stéphane Travert — comprenez : pour empêcher la gauche de décrocher le poste — et on assure bien évidemment qu’aucun d’eux n’a voté LFI.
Or, le candidat macroniste n’a gagné qu’une seule voix entre les deux tours, ce qui signifie qu’il a connu au moins une défection.
Du côté des députés DR membres de la commission, Julien Dive garantit s’être abstenu, conformément à la consigne passée par Laurent Wauquiez. Le hic : il n’y a eu que quatre votes blancs pour six députés DR. Selon plusieurs sources au sein d’Ensemble pour la République (ex-Renaissance), il ne fait pas de doute que deux élus de droite sont allés jusqu’à voter pour la candidate LFI.
Dans une boucle interne au groupe macroniste, on pointait du doigt dans l’après-midi en particulier Jean-Pierre Taite, un très proche de Laurent Wauquiez. Contacté, ce dernier nie avoir voté pour Aurélie Trouvé et suggère « que le RN l’a fait ». «Nous avons voté blanc ou nul», renchérit Jérôme Nury (DR).
Chez les macronistes, on s’indigne en tout état de cause que cette bisbille ait mis une commission stratégique entre les mains d’une ancienne d’Attac, ayant des positions contraires à ce qu’il faut pour le pays, notamment sur l’ agriculture.
Dans un message à ses collègues envoyés après le examen, Gabriel Attal s’est dit « révolté et profondément désolé pour Stéphane (Travert), pour l’Assemblée nationale et pour le pays ». L’ex-Premier ministre accuse le groupe de Laurent Wauquiez d’avoir « fait le choix de favoriser l’élection de l’Insoumise Aurélie Trouvé ».
Sur X, Eric Bothorel (EPR) s’est énervé, postant un GIF de… fusil chargé, prévenant qu’il n’aurait désormais « aucun état d’âme » à voter une éventuelle motion de censure.