L’Europe se trouve une fois de plus confrontée à un choix entre la vision positive du centrisme et la division, la peur et la colère des extrêmes. Et le résultat des élections européennes de juin dernier est loin d’avoir tranché ce débat.
Malgré la montée en puissance de la nouvelle droite dans certains pays, l’équilibre des forces en Europe reste globalement le même. Mais même si l’appétit pour le populisme et l’extrémisme ne semble pas grand en Europe, il existe des griefs profonds et authentiques qui, de l’avis de beaucoup, n’ont pas été suffisamment pris en compte par le centre politique.
Les partis extrémistes et populistes exploitent les peurs et les frustrations réelles, ils ne les inventent pas. Ils les identifient et les amplifient, en tirant parti de leur résonance auprès d’une population insatisfaite. Ainsi, la force de la nouvelle droite ne réside pas dans la qualité de ses idées – en fait, ses solutions simplistes sont vouées à l’échec. Elle découle plutôt de sa capacité à comprendre et à mettre en avant les préoccupations des gens.
Qu’il s’agisse des changements que l’immigration pourrait apporter à l’identité nationale, des licenciements créés par les avancées technologiques ou de l’augmentation du coût de la vie, les craintes des citoyens sont réelles et compréhensibles. Le problème ne vient pas de ceux qui se rendent aux urnes poussés par ces craintes et votent pour quelqu’un qui, selon eux, les comprend. Le problème est de parvenir à faire passer le message du centrisme de manière plus efficace.
Le centrisme peut l’emporter sur le fond : il possède les solutions aux défis complexes auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. Mais ses partisans doivent d’abord convaincre une grande partie de l’opinion publique qu’ils comprennent sincèrement ces craintes.
Dans son premier discours de victoire, le président français Emmanuel Macron a déclaré : « Je ferai tout pour que vous n’ayez plus jamais de raison de voter pour les extrêmes. » Que Le « clivage » devrait être le cri de ralliement des centristes. Le défi consiste à proposer aux électeurs une alternative claire et à répondre à leurs véritables inquiétudes quant à l’avenir. Car, comme l’ont montré les récents événements en France, même des réformes efficaces et audacieuses pourraient ne pas être suffisantes si elles ne sont pas convaincantes.
C’est seulement lorsque nous comprenons vraiment la douleur ressentie par les gens que nous pouvons œuvrer pour proposer des solutions qui offrent les deux éléments clés que les centristes apportent à la table politique : l’espoir et le pragmatisme.
Le centrisme est par nature optimiste quant à l’avenir, quant à notre capacité commune à changer la trajectoire de la société et à résoudre les problèmes les plus complexes. Il doit embrasser le patriotisme libéral qui combine à la fois l’amour de la patrie et un engagement envers les valeurs démocratiques libérales, ainsi qu’une action vigoureuse en faveur d’un multilatéralisme et d’un transnationalisme efficaces – les éléments mêmes qui maintiennent nos nations unies.
Si les extrémistes mettent l’accent sur la politique identitaire, le centrisme doit mettre l’accent sur la force de notre identité commune, en définissant une vision nationale positive pour les pays que nous aimons et un engagement fort en faveur de solutions mondiales.
Et là où les extrémistes mettent l’accent sur une approche simpliste, le centrisme doit expliquer à quel point les solutions proposées par la nouvelle droite sont impraticables – et à quel point la situation des gens sera pire.
Le centrisme en Europe devra également s’attaquer aux tensions concurrentes entre une plus grande intégration et l’identité locale, la mondialisation et l’industrie locale, et les menaces à la sécurité et aux libertés civiles. Ces tensions existent, et ce n’est qu’en cherchant à les équilibrer efficacement que les hommes politiques pourront réellement prétendre être pragmatiques. Et ce pragmatisme doit se traduire par des résultats concrets, des initiatives qui améliorent la vie des gens et ont un impact tangible sur leur vie quotidienne.
Enfin, en plus de l’espoir et du pragmatisme qui sont inhérents au centrisme, il doit également proposer une vision claire des enjeux fondamentaux – ce qui est déjà le cas avec les transformations numériques et écologiques. Il n’y a pas de place ici pour les clivages entre la droite et la gauche ou la recherche d’un consensus basé sur le plus petit dénominateur commun. Une politique centriste forte trace la voie claire pour s’approprier l’avenir.
Alors que nous réfléchissons aux résultats des élections de cet été et en tirons les leçons, il est temps que les centristes européens regardent vers l’avenir. La réponse à la montée de la droite illibérale ne viendra pas de la gauche illibérale. Et même si nos amis de la droite et de la gauche traditionnelles seront tentés d’apaiser les extrêmes, ce sont les centristes qui doivent tenir bon.
Les sociaux-démocrates ou les conservateurs peuvent très bien penser qu’ils seraient mieux servis en nouant des alliances avec les extrêmes du spectre politique. Mais ils doivent résister à l’appel des sirènes du populisme et montrer qu’une politique modérée et pragmatique peut être efficace.